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Cacao de Côte d’Ivoire ou porc bio d’Alsace: c’est possible de gagner sa vie en produisant

En novembre, Fortin Bley a enchaîné une série de conférences en France, où il a parlé du commerce équitable et de la défense des petits producteurs face aux multinationales de l’agro-alimentaire, à l’invitation du label Max Havelaar-Fair Trade.

L’occasion pour l’AFP d’organiser une rencontre avec un producteur français afin d’évoquer la crise agricole en cours et de poser la question: « après le commerce équitable sud-nord, faut-il inventer un commerce nord-nord pour sauver les petits agriculteurs? ».

Lors de la réunion, au siège de l’AFP à Paris, les deux hommes, 45 et 49 ans respectivement, sont presque étonnés de se découvrir autant de points communs : attachement à la terre et au savoir-faire, recherche de la qualité passant par une rupture avec leur milieu respectif, adoption de méthodes agronomiques ou de gestion modernes et respectueuses de l’environnement.

80% du cacao issu de la coopérative Cann dirigée par Fortin Bley à une centaine de kilomètres d’Abidjan, part pour l’exportation avec le label Max Havelaar-Fair Trade qui lui garantit un prix minimum d’achat sur plusieurs années et une prime de développement. De cette façon, les petits planteurs résistent aux brusques à-coups du marché mondial.

Les saucisses et jambons de Thierry Schweitzer, qui se définit lui-même comme « paysan-charcutier », sont vendues dans tout l’est de la France et à des chefs franciliens amateurs de qualité.

Sortir du « yoyo » des cours mondiaux

« Bien sûr qu’il faudrait un système de commerce équitable chez nous, en France, avec un prix d’achat minimum garanti pour les producteurs, comme en Côte d’Ivoire », dit-il en souriant à Fortin Bley.

L’éleveur alsacien n’appartient pas à un réseau de commerce équitable, mais s’est associé avec six éleveurs qui abattent et transforment eux-mêmes leurs bêtes, un peu à la manière d’une coopérative.

« Lorsque je me suis lancé, les vieux planteurs du village me rejetaient car j’ai abandonné les cultures sur brulis qui détruisaient l’éco-système. Maintenant ils m’écoutent de plus en plus au vu de mes résultats » dit Fortin Bley en évoquant la cueillette et la fermentation des « cabosses » qui renferment les précieuses fèves noires de ses cacaoyers « Mercedes ».

« En écoutant Fortin, je retrouve des choses que j’ai vécues il y a 15 ans lorsque je me suis installé dans la profession agricole en laissant de côté le système d’élevage intensif de la génération de mon père. J’avais besoin d’être fier de ce que je faisais, et de produire de la qualité » renchérit Thierry Schweitzer.

Chez lui et ses associés, environ 200 porcs bio sont transformés en saucisses et jambons chaque semaine.

L’Alsacien a cherché très vite à s’extraire de la pression exercée par le « yoyo » des prix du porc. En 2014, la chute des cours mondiaux a frappé les éleveurs français traditionnels de plein fouet. Certains n’arrivent plus à couvrir leurs coûts d’exploitation par la vente de leurs produits.

Thierry Schweitzer a résisté grâce aux prix fixes négociés pour la vente de sa viande, aux alentours de 1,90 euro le kilo sur trois ans. Alors que le marché du cadran (la référence pour la viande de porc en France) était tombé sous la barre des 1,40 euro le kilo.

En échange, « nous respectons un cahier des charges précis, élevage sur paille, pas d’OGM, pas d’antibiotiques, pas de cage, on ne coupe ni les queues ni les dents des animaux », explique-t-il.

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