Anne-Marie Yao a fondé l’École du leadership en 2017 pour aider les productrices de cacao de Côte d’Ivoire à faire respecter leurs droits. Le dispositif soutenu par le réseau Fairtrade prend de l’essor.
L’École du leadership est un programme destiné aux femmes pour les aider à accéder à l’indépendance économique, soutenu financièrement par le mouvement de commerce equitable Fairtrade/Max Havelaar, et depuis cette année par l’Agence française de développement (AFD). Entretien avec Anne-Marie Yao, responsable de la filière cacao en Afrique de l’Ouest pour Fairtrade Africa et fondatrice de l’École du leadership en cote d’ivoire
Pourquoi avez-vous créé une école à destination des femmes travaillant dans les coopératives de cacao ?
Au sein de ces coopératives, ce sont majoritairement des hommes qui sont affiliés cependant ils travaillent avec leurs épouses. Les femmes font 80 % du travail avec leur mari mais ce travail est invisibilisé. Notre objectif est de soutenir et former des femmes des coopératives de cacao en Côte d’Ivoire pour qu’elles obtiennent leur indépendance économique, leur autonomie dans les organisations de producteurs et une plus grande place dans leur communauté.
Nous nous adressons à des femmes vulnérables : mères célibataires, veuves, en instance de divorce… De tout âge. Le projet avait déjà été mené en Amérique latine et en Asie, il fallait l’adapter au contexte en Afrique de l’Ouest.
En quoi consiste cette formation ?
Le programme se déroule sur un an, quatre jours par trimestre. Nous leur donnons des informations sur leur droit, la finance… Trop de femmes ignorent les ressources financières de leur foyer. Or, elles doivent savoir épargner, être au courant des projets d’éducation des enfants, discuter de régulation des naissances avec leur mari…
Certaines découvrent-elles leurs droits ?
Oui, elles n’ont pas les informations, pas de modèle féminin vers qui se tourner. La première formation a eu lieu dans l’est de la Côte d’Ivoire en 2017. Là-bas, les femmes héritent de la terre mais elles ne savent pas que c’est le cas, alors des hommes s’approprient leur terre. À l’issue de la formation, deux femmes ont revendiqué leurs terres. L’une qui avait été spoliée par son mari, l’autre par son oncle. Elles ont osé s’affirmer et les autorités leur ont donné raison !
La deuxième édition a eu lieu dans l’ouest (2019-2020). Là c’est différent, les femmes ne possèdent pas de terre. Le but est qu’elles comprennent leur potentiel. Nous souhaitons à présent augmenter le nombre de formations, et recruter 144 femmes et hommes pour la période 2021-2023.
Avez-vous vu des changements concrets sur le terrain ?
Nous avons aujourd’hui soixante-deux diplômés, à 90 % des femmes, qui elles-mêmes ont formé près de 7 000 individus dans leur communauté. Certaines ont décidé de lancer leur propre activité : fabrication d’attiéké (semoule de manioc), plantation de maïs, culture vivrière, production de savon à partir de cacao… Nous avons aidé à financer sept projets.
La formation a transformé leur vision de l’entrepreunariat. Elles prennent des décisions sur l’éducation des enfants, sur leur couple, demandent le remboursement de dettes. Au sein des coopératives de cacao aussi, elles prennent de l’importance, sont consultées, intégrées au conseil d’administration. Notre objectif est que des femmes soient formées dans les 252 coopératives de cacao qui comptent près de 252 000 producteurs en Côte d’Ivoire.