Le neveu du chef d’Etat congolais Denis Sassou-Nguesso a été mis en examen, jeudi 9 mars, par la justice française dans le cadre de l’enquête dite des « biens mal acquis ». Selon nos informations, Wilfrid Nguesso, 50 ans, est mis en cause pour « blanchiment de détournements de fonds publics ».
Surnommé « Willy », ce proche du président dirige officiellement depuis 2006 la Société congolaise de transports maritimes (Socotram), dont l’actionnariat se partage entre l’Etat congolais (45 %) et une entreprise établie au Liechtenstein, WGN Trading and Shipping SA, dont il a été le bénéficiaire économique. Il est également à la tête de la Société de gestion des services portuaires.
Mainmise sur les taxes maritimes
Cette double casquette lui donne accès aux millions d’euros de taxes prélevées sur l’activité des navires marchands et sur les chargements de pétrole exportés de Pointe-Noire, la capitale économique de cet Etat pétrolier d’Afrique centrale.
Wilfrid Sassou-Nguesso est accusé d’orchestrer de complexes circuits financiers alimentés par des fonds publics et ainsi financer d’importantes acquisitions immobilières et autres produits de luxe.
Le 15 août 2016, les juges Roger Le Loire et René Grouman avaient ordonné la saisie pénale de deux biens immobiliers acquis puis entretenus à grands frais, avec des fonds probablement issus du détournement de l’argent du pétrole.
Le premier est un appartement cossu à Courbevoie (Hauts-de-Seine), acheté initialement, en 2000, par le chef de l’Etat et son épouse, rénové pour 3 millions d’euros de travaux entre 2002 et 2005. Le second est une villa de 500 m2 au Vésinet (Yvelines), acquise à l’époque, en 1983, par feu le frère aîné du président congolais, et enjolivée par près de 4 millions d’euros de travaux.
Circuits financiers offshore
Ces deux biens immobiliers étaient ensuite détenus par des sociétés offshore établies dans des paradis fiscaux. Un montage complexe pour dissimuler l’identité du véritable propriétaire : Wilfrid Sassou-Nguesso. Parmi les matériaux récoltés par les enquêteurs lors de perquisitions à son domicile de Courbevoie, il y avait plusieurs relevés de comptes bancaires au nom de ces sociétés dont certaines étaient alimentées directement par la Socotram.
Cette première mise en examen d’un membre de la famille présidentielle congolaise marque peut-être un tournant dans la longue enquête dite des « biens mal acquis », démarrée en 2007. Me William Bourdon veut y croire. « Cette mise en examen et celles qui vont suivre préfigurent le grand procès du clan Sassou à Paris pour pillage des ressources publiques à leur profit personnel », dit l’avocat de Transparency International, qui est aussi le président de l’ONG de défense des victimes de crimes économiques, Sherpa, à l’origine de la plainte ayant déclenché l’ouverture de cette procédure.
Contactés, plusieurs avocats ayant auparavant défendu l’Etat congolais et la famille du président, n’ont pas souhaité réagir. « On ne sait plus qui est mandaté sur ce dossier, c’est très flou », conclut l’un d’entre eux.
jean Tilouine