Que faire de Djibrill Bassolé ? C’est le casse-tête du président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré. Depuis un premier malaise cardiaque, le 23 janvier 2017, le prisonnier Bassolé fait la navette entre la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca) et la polyclinique internationale de Ouagadougou.
Le 31 janvier, le cardiologue Ali Niakara écrivait au sujet de cet ancien ministre de Blaise Compaoré : « Au regard des facteurs de risque cardio-vasculaire, une maladie coronaire ne peut être exclue. Nous préconisons la réalisation d’une angiographie coronaire […] qui ne peut pas être réalisée au Burkina Faso, dont les centres de cardiologie ne sont pas dotés du plateau technique. » Commentaire du Français Alexandre Varaut, l’un des avocats du prisonnier : « Soit la justice militaire lui permet d’aller se soigner correctement à l’étranger, soit elle prend le risque de le tuer. »
Stressé par l’attente du procès
Djibrill Bassolé est un homme fier. « Le 28 février, je suis allé le voir à la Maca, raconte l’un de ses derniers visiteurs. Il ne voulait pas me montrer qu’il était fatigué. Mais à ses traits tirés, je voyais bien qu’il puisait dans ses réserves. » En tant que général de gendarmerie, le prisonnier, qui partage sa cellule avec quelques autres officiers, a droit à la télévision et à un réfrigérateur, où il conserve la nourriture que lui apporte chaque jour sa femme ou l’un de ses cinq enfants.
Aucun contact avec son célèbre codétenu, le général Gilbert Diendéré. Les deux hommes logent dans deux quartiers différents de la Maca. À 59 ans, Bassolé commence à être usé par ce que le docteur Ali Niakara appelle le « stress ». En clair, la prison et l’attente de son procès, prévu entre mai et septembre prochains.
Connivence avec les hommes de Diendéré et les jihadistes du Sahel
Que risque Bassolé ? Les charges retenues contre lui – « trahison », « attentat à la sûreté de l’État » – sont lourdes. La veille de son arrestation, le 28 septembre 2015, le gouvernement de transition, qui venait de survivre à un coup d’État, l’a accusé d’avoir « appuyé » les putschistes et d’avoir contribué à la « mobilisation de forces étrangères et de groupes jihadistes ».
Et à partir de la fameuse conversation téléphonique présumée entre Bassolé et Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, le procureur militaire de Ouagadougou cherche à démontrer que l’ex-ministre a utilisé son carnet d’adresses – l’un des plus fournis du continent – pour mettre en contact les putschistes de Diendéré, non seulement avec des militaires ivoiriens mais avec des groupes jihadistes du Sahel.
Retournement de situation ?
Une connexion jihadiste ? « C’est un épouvantail qu’on agite pour frapper l’opinion, mais c’est absurde. En dehors de la prétendue écoute téléphonique, il n’y a rien dans le dossier d’accusation », clament les avocats du prisonnier. En fait, parce qu’il connaît tous les secrets des quinze dernières années du régime de Blaise Compaoré, Djibrill Bassolé fait fantasmer. « L’opinion burkinabè est divisée à son sujet, reconnaît Rasmané Ouedraogo, de la Nouvelle Alliance du Faso (Nafa), le parti créé par Bassolé en 2015. Mais en octobre 2016, plus de 5 000 femmes sont descendues dans la rue à Réo pour réclamer sa libération. Et aujourd’hui, toute l’opposition se mobilise en sa faveur. »
De fait, ce 1er mars, Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition politique, a « interpellé vigoureusement » le pouvoir pour que le prisonnier « puisse bénéficier le plus rapidement possible des soins adéquats ». Et si Bassolé commençait à retourner l’opinion en sa faveur ?