C’est extraordinaire ce qui se passe au Cameroun. À moins de deux mois de l’élection présidentielle, le chef d’État Paul Biya se trouve dans les hôpitaux universitaires de Genève pour se soigner, tout comme son ministre de la Santé. À 86 ans, il n’a jamais fait état de son bulletin de santé. Marcel Niat Njifenji, président du Sénat, successeur constitutionnel en cas de vacance de la présidence, âgé de 84 ans, a la tremblotte et ne tient plus cinq minutes débout. Cavayé Yeguié Djibril, président de l’Assemblée Nationale, dont l’acte de naissance a été établi le 1 er janvier 1940 alors qu’il avait déjà plus de 5 ans, est un ivrogne patenté qui s’endort au bureau. C’est dire que le Cameroun est gouverné par des vieux malades qui ont un pied dans la morgue et qui ne se soucient pas de l’avenir du pays à l’instar du Président Ahidjo qui avait démissionné à l’âge de 58 ans pour des petits soucis de santé .
Le 4 novembre 1982, de retour de Paris où il était parti consulter ses médecins, Ahmadou Ahidjo annonce sa démission du poste de Président de la république et désigne Paul Biya comme son successeur. On en a fera des tonnes jusqu’à dire que c’est la France qui lui aurait imposé de démissionner. Mais, lors d’une conférence de presse donnée à Paris deux années plus tard, Ahidjo explique sa démarche : 《 j’ai pris moi-même et tout seul pris la décision de démissionner, parce que je crois que le pouvoir n’est pas un apanage personnel, mais un service de l’État et que l’on ne doit pas s’y accrocher envers et contre tout , alors qu’on éprouve les difficultés de santé durables ou passagères. Aucun médecin français ou étranger ne m’a proposé ni recommandé de démissionner. Il m’a été prescrit de modifier mon rythme de travail(…)une délégation du comité central de l’UNC dont Biya faisait partie, est venue me supplier de revenir à ma décision alors qu’elle n’était pas encore publique. J’ai pris ma décision, comme le dictait ma conception du service de l’État. 25 ans à la tête du Cameroun m’ autorisaient à croire et à dire que j’avais suffisamment servi mon pays, pour aspirer au repos》.
36 ans après, Paul Biya , grabataire de 86 ans, veut mourir au pouvoir. Il passe plus de temps à se soigner dans les hôpitaux de Genève et à se reposer à l’hôtel Intercontinental qu’au Cameroun. Sous Ahidjo le Cameroun était gouverné et le chef d’État tenait chaque semaine un conseil ministériel. Sous Biya, il y a eu environ 9 conseils ministériels en 36 ans. Les seuls moments où il serre la main des membres du gouvernement se passent à l’aéroport, quand il revient de ses repos en Suisse.
Non seulement Ahidjo avait offert à Biya le palais présidentiel d’Étoudi qu’il avait construit pour 200 milliards, mais il avait aussi aménagé une résidence présidentielle dans chaque région du Cameroun où il passait ses vacances. Mais depuis que Paul Biya est arrivé au pouvoir, il a abandonné toutes ces résidences présidentielles secondaires, pour aller dilapider l’argent du contribuable camerounais à l’étranger. Alors que le peuple manque d’électricité, d’eau, de routes, Paul Biya, avec sa famille et sa suite, ont dilapidé 94,4 milliards de FCFA dans les hôtels huppés à l’étranger, selon un rapport méticuleux qui avait publié par Organised Crime and Corruption Reporting Project, une agence de journalistes d’investigation de divers pays en partenariat avec Transparency International.
1645 jours passés par le chef d’État camerounais à l’étranger , soit 4 ans et demi dans les hôtels dont, 650 jours à l’Intercontinental de Genève, 372 jours en France et 301 jours aux États-Unis. En se basant sur les prix des chambres standard et la compilation des listes de délégations constituées de cinquante personnes minimum par voyage privé, les journalistes en étaient arrivés au coût de 32,5 milliards en hébergement simple. La nourriture, les boissons, les distractions et les locations d’avions atteignaient 62 milliards de francs CFA, soit 117 millions de dollars. Et le voilà reparti à Genève pour se soigner pour une durée indéterminée.
Le seul travail du chef d’État camerounais consiste à manger, boire, dormir, se reposer, se soigner et signer des décrets étant à l’hôtel ou les hôpitaux de Genève. Pendant ce temps, la dette annuelle du Cameroun augmente de 16,9% chaque année selon la Caisse Autonome d’Amortissement. Le Cameroun est sous la coupole du FMI pour la deuxième fois depuis son arrivée au pouvoir en 1982. Les salaires des fonctionnaires ont été diminués.
Paul Biya demande à tout le peuple de se serrer la ceinture, chante qu’il faut se sacrifier par patriotisme et ne rien attendre de l’État, alors que lui se sucre, se soigne dans les hôpitaux bien équipés , boit des cuvées royales de vins et champagnes millésimes , fait des courses dans les grands magasins européens avec l’argent du contribuable camerounais. Paul Biya n’a jamais consommé camerounais, n’a jamais passé ses vacances au Cameroun, ne s’est jamais soigné au Cameroun. Il est le seul chef d’État au monde qu’on applaudit quand il rentre vivant dans son pays en marchant tel un robot guidé par télécommande. À 86 ans, Paul Biya n’a plus toutes ses capacités physiques, intellectuelles et psychologiques pour diriger un pays où il est incapable de résider durant six mois pour des problèmes de santé. De retour de Dakar, pour une phrase de cinq secondes, il avait sorti un bout de papier dans sa poche pour lire à l’aéroport devant le micro de la CRTV. Comme le disait Albert Cohen en 1972: 《 la vieillesse est un décès par petits morceaux 》.
J. RÉMY NGONO