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CAN 2024 : l’immense défi d’Emerse Faé, nouvel entraîneur des Eléphants de Côte d’Ivoire

A 40 ans, le technicien remplace le Français Jean-Louis Gasset, après la déroute face à la Guinée équatoriale. Son premier grand test sera de battre le Sénégal pour continuer le tournoi.

C’est probablement le défi d’une vie qui se dresse face à Emerse Faé. A 40 ans, cet homme discret et taiseux, promu sélectionneur intérimaire de la cote d’ivoire mercredi 24 janvier en remplacement du Français Jean-Louis Gasset, va avoir la délicate mission de guider son équipe en coup d’Afrique des nations (CAN° la plus prestigieuse compétition du continent, que son pays organise jusqu’au 11 février. La tâche est immense et commence, lundi 29 à Yamoussoukro, dans un choc face au Sénégal, tenant du titre et grandissime favori du tournoi. « J’ai pas mal de pression mais on aime ça et on va tout donner, déclare-t-il au Monde. C’est plus qu’un honneur. »

Emerse Faé a également un fiasco à faire oublier. Lors de son dernier match de poule, lundi 22, la Côte d’Ivoire a sombré devant son public du stade Alassane Ouattara d’Ebimpé contre la Guinée équatoriale (0-4). Ce naufrage humiliant a coûté deux jours plus tard son poste à Jean-Louis Gasset, 70 ans, dont M. Faé était l’adjoint.

« On doit au peuple une revanche, on doit au peuple un pardon et des excuses », a déclaré ce dernier après la qualification in extremis de son équipe. Alors que l’espoir d’entrevoir une qualification était infime – il fallait être parmi les quatre meilleurs troisièmes –, la Côte d’Ivoire a décroché son ticket pour les huitièmes de finale grâce à la victoire du Maroc devant la Zambie (1-0). « On est passé grâce aux autres, pas parce qu’on a été bon, rappelle le nouveau sélectionneur. Donc, il faut rester humble. »

La nomination d’Emerse Faé, 44 sélections avec les Eléphants, va-t-elle créer un électrochoc suffisamment fort pour relancer la Côte d’Ivoire, qui totalise depuis le début de la compétition une victoire et deux défaites ? Avec quel état d’esprit l’ancien milieu de terrain du FC Nantes et de l’OGC Nice a-t-il pris ses fonctions et dirigé ses premières séances d’entraînement alors qu’il ne bénéficie pas de la pleine confiance des instances qui dirigent le football de son pays ? Après s’être séparée de Jean-Louis Gasset pour « résultats insuffisants », la fédération ivoirienne (FIF) a contacté dès le lendemain la française (FFF) dans un but bien précis : emprunter Hervé Renard, un autre Français, pour reprendre la destinée des Elephants.

« Une équipe plongée dans le doute »

L’homme à la chemise blanche cintrée, qui avait remporté la CAN en 2015 avec la Côte d’Ivoire, aurait aimé redevenir son patron, même pour une durée éphémère. Mais la FFF, avec laquelle il est sous contrat en tant que sélectionneur de l’équipe de France féminine jusqu’aux Jeux olympiques, n’a pas souhaité « prêter » le technicien qui jouit d’une grande popularité en Côte d’Ivoire. « Si les négociations n’ont pas abouti favorablement, c’est que cela ne devait pas se réaliser, a déclaré Hervé Renard, également vainqueur de la CAN avec la Zambie en 2012. J’aurais adoré mais le destin en a choisi autrement. »

Dans les rues d’Abidjan, cette situation singulière a étonné et même dérangé. « Pourquoi encore faire appel à un Français qui va prendre des millions ? On ne peut pas faire confiance à nos frères africains », s’emporte un supporteur ivoirien dans le quartier de Cocody. Peu avant le début de la CAN, Idriss Diallo, président de la FIF avait expliqué au Monde avoir choisi Jean-Louis Gasset, en mai 2022, lors « d’un processus transparent ». « Il y a eu un appel à candidature qui n’était pas lié à l’origine ou à une nationalité mais à un profil expérimenté », a-t-il assuré.

En relançant la piste Hervé Renard, la volonté de la FIF à privilégier un sélectionneur français à un technicien ivoirien a ravivé un souvenir vieux de plus de trente ans. En 1992, les joueurs ivoiriens, refusant la nomination du Français Philippe Troussier à la tête de la sélection nationale, avaient fait un sit-in devant le ministère des sports pour exiger que leur compatriote, Yeo Martial, dirige l’équipe. Ils avaient finalement été entendus et personne ne l’avait regretté puisque les Eléphants s’étaient adjugé dans la foulée leur premier titre continental.

« Au moment de la nomination de Jean-Louis Gasset, des voix s’étaient élevées pour qu’un Ivoirien soit nommé à sa place, rappelle Prince Akabla, journaliste au site ivoirien Le Kpakpato sportif. La fédération avait alors décidé qu’Emerse Faé devienne numéro deux avant d’être titulaire du poste. » Le reporteur rappelle que le fait d’avoir tenté de se rapprocher d’Hervé Renard est « forcément difficile à encaisser ». « Ça ne met pas en confiance le nouveau sélectionneur, insiste Prince Akabla. Et un signal négatif est envoyé à une équipe qui est déjà plongée dans le doute. »

Pour Emerse Faé, il n’y a pas de polémique. « Hervé Renard a une grande expérience de la CAN, rappelle le nouveau sélectionneur. Je suis à la disposition de la fédération ivoirienne et il n’y a pas de souci. » Sa seule obsession : renverser le Sénégal.

Pierre lipidi/Mustapha kessous

 

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