Comme un prophète, il prévient et met en garde dans un style bien à lui.
Les uns s’en réjouissent, les autres abhorrent ses déclarations qui tranchent dans le vif.
Seydou Koné dit Alpha Blondy, puisque c’est de lui qu’il s’agit, apparaît comme une tête de turc dans le microcosme politique ivoirien, notamment auprès des partisans des différentes chapelles politiques. Qualifié tantôt de «militant Pdci», de «pro-Ouattara» ou de «sympathisant de Gbagbo», selon les époques et les circonstances, la star ivoirienne de reggae, qui se réclame pourtant volontiers « fils » de feu Houphouët-Boigny, est toujours perçue sous un prisme partisan. Hier, il disait de Laurent Gbagbo, «c’est mon candidat ! ». A la grande joie des partisans de l’ex-président de la République et de l’ire de ceux d’Alassane Dramane Ouattara, le principal opposant de l’époque. Certains responsables politiques proches de Ouattara et de Soro s’étaient même lancés, à l’abri des regards, dans une opération de débauchage d’Alpha Blondy. Les visites nocturnes à son domicile étaient régulières.
Lorsqu’après la présidentielle de 2010 et la guerre postélectorale de 2011, la star a soutenu que son candidat Gbagbo avait perdu, la colère a changé de camp. Et pourtant, Gbagbo avait perdu la «sale guerre», pour reprendre les termes d’Alpha Blondy qui nous confiait en 2012, la voix nouée d’émotion, sans en être véritablement sûr, que son «jeune frère Charles (Blé Goudé)» avait péri dans le conflit. Evidemment, ce n’était pas exact d’autant que Charles Blé Goudé était exilé au Ghana.
La crise postélectorale de 2010-2011, Alpha Blondy l’avait vue venir comme il avait vu arriver le coup d’Etat de 1999. Pas dans une boule de cristal mais avec son esprit de « fou » de la République. Je me souviens encore de nos échanges en 1997 à Bamako, sur la terrasse d’un hôtel, la veille d’un concert mémorable donné dans la capitale malienne, quand il me disait : «notre pays (la Côte d’Ivoire) va exploser par la faute de l’ivoirité. On court vers un grand danger ». En décembre 1999, ce grand danger se concrétisa. En 2009, un an avant l’élection présidentielle de 2010, il nous confiait, à propos de Laurent Gbagbo et de la Côte d’Ivoire, au cours d’une rencontre au Café de Versailles, son restaurant abidjanais : « ça sera dur pour mon candidat, ça sera très dur pour le pays ». La suite, on la connait.
Aujourd’hui, en cette année 2017, le «fou» récidive en annonçant une nouvelle déflagration en vue. «Ce qui arrive sera 10 fois pire que ce qu’on a connu», lance-t-il dans l’interview exclusive accordée, le 13 juin dernier, au quotidien Notre Voie au niveau de la presse nationale. Quand on regarde la tension actuelle au sein de la coalition au pouvoir et les armes à feu qui circulent aux mains des partisans, des uns et des autres, une question nous taraude l’esprit : Et si le « fou » de République avait encore vu juste ?
Didier depry/Quotidien Notre Voie