Au Pdci, peu de personnes sont informées d’une telle réunion. Pourtant, dans la matinée, il y a eu un ballet incessant de grosses cylindrées à Daoukro. Nos sources sur place ont reconnu le cortège du vice-président de la République, Daniel Kablan Duncan, du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly et de certains ministres. « La rencontre est interdite à la presse. Bédié l’a voulu ainsi », nous soufflait hier, dans la soirée, une source proche de la rencontre. Nous avons appris, par ailleurs, que la réunion en question était celle du comité de haut niveau pour le parti unifié.
Ce comité, mis en place le mardi 5 décembre 2017, est composé de 17 cadres des partis membres du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Ce sont précisément 6 cadres du Pdci, 6 du Rassemblement des républicains (Rdr), 3 de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (Udpci), 1 de l’Union pour la Côte d’Ivoire (Upci) et 1 du Parti ivoirien des travailleurs (Pit).
A peine a-t-il commencé à travailler qu’il est contrarié dans sa marche par des sons discordants au Pdci. D’aucuns, dans ce parti, ne portent pas ce comité dans le cœur. Ils y voient un moyen, pour le président de la République, Alassane Ouattara, de tuer le Pdci. D’où les sorties médiatiques du secrétaire exécutif du Pdci, Maurice Kakou Guikahué, appelant à une candidature d’un cadre de son parti pour la présidentielle d’octobre 2020. Il est suivi par l’un des porte-parole du Pdci, en l’occurrence Jean-Louis Billon, considéré au Pdci comme le tenant de l’aile dure.
Les sons discordants vont se révéler au grand jour par une passe d’armes entre Guikahué et le porte-parole principal du Pdci, Ajoumani Kobena. Le secrétaire exécutif avait déclaré, mercredi 13 décembre dernier, à une rencontre avec les jeunes et les femmes du Pdci, qu’il est le micro de Bédié. « Le secrétaire exécutif en chef de notre parti a dit dans Le Nouveau Réveil qu’il est le micro de Bédié. Je n’en disconviens pas. Mais s’il est le micro du président Bédié, moi, je suis son haut-parleur », déclarait, en guise de réplique, Adjoumani, dans le quotidien Le Patriote (proche du Rdr), vendredi 15 décembre.
Agacement de Ouattara. Au Palais présidentiel, le président Ouattara est de plus en plus agacé par l’attitude de l’aile dure du Pdci. Plusieurs fois d’ailleurs, il avait interpellé son aîné Henri Konan Bédié sur le sujet. Ce dernier, après avoir interpellé les cadres de son parti sur la question, a visiblement du mal à faire cesser ce qui est considéré au Rdr comme un harcèlement du Pdci. Parfois, Bédié lui-même donne le sentiment qu’il partage l’avis des caciques de son parti, comme le témoignent les interviews qu’il a accordées à des chaînes de radio internationales en France ou encore dans les colonnes de Jeune Afrique, mi-juin 2017. « (…) Le Pdci aura un candidat en 2020. Ce sera le candidat unique du Rhdp. Il faut qu’Alassane Ouattara et moi, nous nous entendions sur ce point pour que cette alternance ait lieu. Mais il est trop tôt pour en parler », soutenait Bédié.
La réunion d’hier, selon des sources proches de la rencontre, était celle de la clarification. Il s’agissait d’obtenir du président du Pdci une position claire sur le parti unifié, vu que certains de ses collaborateurs donnent l’impression de travailler contre le projet. « On ne peut pas comprendre que Guikahué, qui fait partie de ce comité, tienne un langage contraire à l’esprit du parti unifié. Ça donne le sentiment qu’il y a une volonté de sabotage du projet », pestait un haut cadre du Rdr, joint également par téléphone hier. La rencontre de Daoukro est donc déterminante pour la suite de la collaboration entre le Pdci et le Rdr. Car le président Ouattara cacherait difficilement son impatience de voir le projet aboutir.
Dans son entourage, on parle d’un plan B, au cas où le Pdci continuait à lui mettre les bâtons dans les roues. Un plan déjà dévoilé par Jeune Afrique et la Lettre du Continent, qui laisse croire que le numéro 1 ivoirien serait prêt, d’une part, à remanier l’équipe gouvernementale, d’autre part, à lancer une nouvelle formation politique à l’image du mouvement « En marche » de l’actuel président français, Emmanuel Macron. A cette nouvelle formation pourraient adhérer non seulement tous les Houphouétistes qui le souhaiteraient, mais également d’autres acteurs de la société civile non marqués politiquement.
Y.DOUMBIA