Dix prévenus étaient jugés pour l’enlèvement et le meurtre de quatre personnes, à Abidjan en 2011, en pleine crise postélectorale ivoirienne.
La cour d’assises a rendu son verdict, jeudi 13 avril,dans l’affaire des disparus du novotel d’abidjan. Les peines sont lourdes : de six à vingt ans de prison pour les principaux accusés.
Le 4 avril 2011, au plus fort de la crise post électorale en Côte d’Ivoire, un commando venu de la présidence, alors aux mains des partisans de Laurent Gbagbo, avait fait irruption dans l’établissement situé dans la capitale économique, en proie aux combats, s’emparant de quatre personnes, dont deux Français. Il avait emmené son directeur, Stéphane Frantz Di Rippel, Yves Lambelin, directeur général de Sifca, le plus grand groupe agro-industriel ivoirien, l’assistant béninois de celui-ci, Raoul Adeossi, et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général d’une filiale de Sifca.
Selon l’accusation, qui parle « d’actes de barbarie », les otages avaient été conduits au palais présidentiel pour y être« torturés, sauvagement battus, avant d’être tués ». Deux corps ont été retrouvés à la fin mai 2011 dans la lagune près d’Abidjan, mais seul le cadavre de M. Lambelin a pu être formellement identifié. Celui-ci semblait avoir été exécuté d’une balle dans la tête alors que « le rapport médico-légal a mis en évidence des fractures multiples aux membres inférieurs et supérieurs », avait rappelé l’avocat général.
Après six heures de délibération, la cour, qui a requalifié l’assassinat en meurtre, a infligé dix-huit ans de prison au général Brunot Dogbo Blé et à ses deux adjoints, les colonels Jean Aby et Leopold Okou Mody. Présenté par l’accusation comme celui qui avait achevé l’un des deux Français, le commissaire Osée Loguey a, lui, écopé de vingt ans de prison, tandis que deux autres membres du commando, Henri Guehi Bleka, dit « le Rougeaud », et Yoro Tapeko ont respectivement été condamnés à dix et six ans de prison. Quatre autres prévenus ont été acquittés.
« Le verdict correspond exactement à ce que nous souhaitions : la chaîne de commandement a été reconnue responsable, condamnée et destituée de ses grades, galons et étoiles. Pour les victimes, c’est un apaisement, c’est une pierre tombale qu’elles n’avaient pas jusqu’à présent », a déclaré à l’Agence france-Presse Me Pierre-Olivier Sur, conseil français des familles des victimes. Le parquet général avait requis cinq peines de prison à vie pour les principaux accusés, une peine de dix ans pour Yoro Tapeko, un des seuls prévenus à avoir accepté de donner sa version des faits, et quatre acquittements.
De nombreuses zones d’ombre
Le proces, qui a duré deux , n’a toutefois pas éclairé les nombreuses zones d’ombres qui entourent ces événements. Le mutisme des accusés pendant les debats n’a pas permis de connaitre comment, pourquoi et par qui exactement les victimes ont été tuées. On ignore toujours où se trouvent les corps de trois d’entre elles.
Lors des plaidoiries, les avocats de la defense avaient demandé l’acquittement , réfutant les deux témoignages à charge et mettant notamment la mort des quatre otages sur le compte d’un bombardement du palais présidentiel par l armée’ française et l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Une version jugée « absolument fausse » par un enquêteur indépendant et contredite par plusieurs témoins et experts.
« Je n’arrive pas à digerer cette condamnation. C’est une décision forcée, qui n’a rien à voir avec le droit. Quelles preuves a-t-on apportées ? Si Dogbo Blé n’a pas tué, n’a pas enlevé, on le condamne à dix-huit ans de prison pour quoi ? », a fait valoir devant la presse l’avocat du général, Me Mathurin Dirabou. Le général, un des hommes clé du régime de Laurent Gbagbo, avait déjà été condamné à la prison à vie dans le cadre de l’assassinat de l’ancien président Robert Gueï et à vingt ans pour atteinte à la sûreté de l’Etat dans le premier procès de Simone Gbagbo, la femme de l’ancien président.
AFP