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Côte d’Ivoire: des voiturettes solaires pour remplacer les taxis-brousse

Taxis électriques à trois roues équipés de panneaux solaires sur le toit de la ville côtière de Jacqueville, en Côte d’Ivoire, le 7 septembre 2018.

Des voiturettes solaires à trois roues pour remplacer les assourdissants et polluants taxis-brousse ou « wôro-wôrô »: c’est le pari de Jacqueville, station balnéaire à l’ouest d’Abidjan qui ambitionne d’être la première cité écologique de Côte d’Ivoire.

« C’est moins cher et tranquillisant! », affirme Sandrine Tétélo, une commerçante de Jacqueville, à propos de ces tricycles solaires de fabrication chinoise.

Ces voiturettes à trois roues, mesurant 2,7 mètres de long et deux de haut, sont couvertes des panneaux photovoltaïques chargeant six batteries de 12 volts. Autonomie de circulation: 140 kilomètres.

Quand, au retour d’un voyage en Chine, leur promoteur Marc Togbé a démarché le maire de Jacqueville, Joachim Beugré, celui-ci a immédiatement accepté de tenter l’expérience dans sa ville.

« On a l’habitude de voir des taxis-brousse (souvent vétustes) polluer l’atmosphère et l’environnement. On s’est dit que si on pouvait les remplacer par des voiturettes solaires », ce serait mieux, explique M. Beugré.

« L’aventure a débuté en janvier avec deux voiturettes », raconte M. Togbé, qui s’est allié à un homme d’affaires de la ville, Balla Konaté, pour lancer le projet.

Ce dernier envisage déjà d’étendre l’expérience aux villes d’Odiénné (nord-ouest) et de Korhogo (nord), dans les régions les plus ensoleillées au nord du pays.

« Aujourd’hui, une dizaine de voiturettes circulent. Nous sommes en pleine expérimentation », s’exclame M. Beugré, le maire, selon qui la population approuve l’initiative.

L’activité des tricycles mobilise une vingtaine de salariés dont des chauffeurs et des mécaniciens.

« Dès six heures du matin, nous sommes à pied d’oeuvre, pour finir aux environs de 22 heures voire minuit les weekends », explique Philippe Aka Koffi, 24 ans, chauffeur depuis cinq mois d’une voiturette.

« C’est agréable, pour des courses plus rapides », se félicite Aholia Guy Landry, un passager, en sortant de l’engin qui peut accueillir quatre personnes, conducteur compris.

Il dit apprécier le prix très compétitif d’une course, deux fois moins chère qu’en taxi-brousse (100 FCFA contre 200 FCFA pour les « wôro-wôrô »).

Entre 500 et 1.000 personnes utilisent les voiturettes solaires chaque jour, selon la mairie et le promoteur.

– Un autocar solaire –

Logée entre lagune et océan, Jacqueville, longtemps isolée, connait un essor immobilier et touristique depuis l’inauguration en 2015 d’un pont qui la relie au continent et la place désormais à moins d’une heure d’Abidjan.

Pour la rentrée scolaire en octobre, la municipalité prévoit de mettre en circulation un « car solaire » de 22 places pour faire face à « l’épineux problème du transport des écoliers », obligés de parcourir des dizaines de kilomètres depuis les villages environnants pour venir en ville.

Paradoxe: Jacqueville parie sur le développement durable, alors que la zone produit l’essentiel du gaz et du pétrole ivoirien.

En ce qui concerne le gaz, 235 MSCF/jour (millions de pieds cubique jour) proviennent des puits situés au large de Jacqueville.

Mais ces activités ne profitent pas à la cité: les pipelines de plusieurs compagnies étrangères qui exploitent le pétrole et le gaz traversent Jacqueville jusqu’à des raffineries à Abidjan, sans que la municipalité dotée d’un budget total de 140 millions de FCFA (213.577 Euros) n’en tire bénéfice.

En 2009 et 2013, des manifestations avaient eu lieu contre cette production de gaz, à la suite desquelles avait été créé un « conseil pétrole-gaz », géré par des membres issus des 15 villages de la zone — sans qu’on puisse apprécier son efficacité.

– Ecolo-cité –

Les voiturettes sont l’un des éléments d’un projet beaucoup plus vaste de la mairie de Jacqueville: la construction d’une nouvelle ville « écolo-touristique » sur 240 hectares au milieu des cocotiers, pour un budget prévisionnel de 6 milliards de FCFA (9,1 millions d’euros).

« Ce ne sera pas une cité pour riches », assure le maire, en exhibant le plan, avec ses pistes cyclables mais aussi une université.

Mais les ambitions écologiques de Jacqueville se heurtent à une réalité énergétique bien différente au niveau national: la Côte d’Ivoire, leader dans le secteur de la production électrique en Afrique de l’ouest, a consommé à peine un mégawatt d’énergie solaire en 2018, alors que le pays vise une consommation de 11% provenant des renouvelables d’ici à 2020, selon l’Association ivoirienne des énergies renouvelables (AIENR).

La fourniture d’électricité de la Côte d’Ivoire (2.000 MW) est assurée à hauteur de 75% par l’énergie thermique et le reste par les barrages hydroélectriques.

N’en déplaise: « Notre projet écologique ira jusqu’au bout », affirme le jeune maire de Jacqueville, coiffé d’un chapeau de cow-boy.

Il se dit décidé à affronter « la puissance pétrolière et gazière ». Et se prend déjà à rêver que, « dans les années à venir » les engins solaires deviennent « le principal mode de déplacement sur le territoire communal ».

Avec l’AFP

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