Ecobank Côte d’Ivoire améliore sans cesse ses résultats depuis 2018. Mais peut-elle rivaliser avec Société générale comme l’ambitionne son patron Paul-Harry Aithnard ? Éléments de réponse.
La filiale ivoirienne du groupe Ecobank n’avait pas jamais affiché de telles performances. L’an dernier, son total de bilan a passé la barre des 1 600 milliards de F CFA (2 432 millions d’euros) et son résultat net a atteint 30 milliards, malgré les effets du Covid sur l’économie locale.
Au premier semestre de 2021, la banque a confirmé sa progression depuis 2018. Les ressources collectées (1 154 milliards de F CFA) auprès de sa clientèle étaient en hausse de plus de 32 %, ce qui naturellement a poussé Ecobank à prêter davantage (577 milliards de crédits, en hausse de 3,3 %). Plus satisfaisant encore pour son directeur général (DG), Paul-Harry Aithnard, le résultat net, 14,74 milliards de F CFA, a bondi de 18 % par rapport à la même période l’an passé.
Nous gardons un œil sur un certain nombre de facteurs de risque
Depuis son bureau, situé au huitième étage du siège d’Ecobank, d’où il domine le quartier des affaires et le port d’Abidjan, poumons économiques du pays, le patron de la filiale mesure le chemin parcouru. Désormais, la filiale ivoirienne se place à la seconde place dans le classement des implantations les plus rentables du groupe panafricain après le Nigeria.
L’impact du Covid en 2021
Arrivé en Côte d’Ivoire à la fin de 2018, le banquier formé en gestion et finance à Paris et à Montréal n’avait jamais caché ses ambitions, affirmant vouloir dans les trois ans jouer le premier rôle sur un marché dominé par la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI).
Le pari est encore loin d’être gagné. Quand Ecobank a fait progresser son produit net bancaire de 4 % en 2020, son concurrent français a lui bondi de 9 %. En revanche, il affiche au sein du trio de tête la plus forte augmentation du résultat net avec une hausse de 16 % pour presque égaler celui de la Société ivoirienne de banque, filiale d’Attijariwafa bank (+ 8 %), alors que celui de la Société générale (48,4 milliards de F CFA) reculait de 4 %.
« La banque se porte relativement bien, estime Paul-Harry Aithnard. Mais nous gardons un œil sur un certain nombre de facteurs de risque. Et surtout l’impact de la crise sanitaire du Covid, car nous pensons que c’est cette année que nous observerons les dégâts que la pandémie aura occasionnés à nos clients. »
Le tout digital
En Côte d’Ivoire, sa stratégie est calquée sur celle du groupe dont le portefeuille reste largement dépendant des grandes entreprises. Lors de sa prise de fonction, il y a deux ans et demi, le DG avait arrêté un plan quinquennal en identifiant trois leviers pour accélérer le développement de la filiale.
Ecobank vise tout particulièrement les sociétés gérées par des femmes
Premier pilier de la stratégie d’Ecobank depuis la prise de fonction d’Ade Ayeyemi à la tête du groupe en 2015 : la conversion de la banque au tout digital. En Côte d’Ivoire, 15 000 personnes téléchargent mensuellement l’application banque mobile, axée sur les particuliers. L’objectif est d’atteindre 1 million de clients. Xpress, le portefeuille électronique, est en nette progression. En une année, la plateforme a enregistré plus de 60 % d’utilisateurs.
Si la construction d’agences physiques n’est plus la priorité, la banque étudiera les opportunités pour étendre son réseau, voire le densifier dans les zones en forte croissance. « Nous ne sommes pas dans une phase de consolidation, mais à l’étape de compétition. Nous voulons être le leader du marché ivoirien », réaffirme le patron de la filiale de Côte d’Ivoire.
Priorité aux PME
Le second axe porte sur la création de nouvelles offres en direction des PME. Le but est d’augmenter largement leur contribution aux revenus de la banque. Pour les financer, 10 milliards de F CFA vont encore être décaissés. Ecobank visera tout particulièrement les sociétés gérées par des femmes. En début d’année, la banque avait lancé le programme « Ellever », permettant notamment aux commerçantes de financer leurs approvisionnements pour un montant pouvant aller jusqu’à 50 millions de F CFA et d’apporter des cautions fournisseurs à hauteur de 100 millions maximum.
Dans toute entreprise en phase de transformation, des problèmes peuvent survenir
Enfin, la banque souhaite être plus agressive au niveau commercial pour profiter de la croissance de son secteur (20 % par an) et augmenter la taille du portefeuille de ses clients de 50 % tous les deux ans.
Tout n’est cependant pas encore parfait pour Ecobank. Fortement ébranlée par la faillite du trader Saf Cacao en 2018, la banque avait provisionné plus de 9 milliards de F CFA, faisant exploser son coût du risque (17,4 milliards). À la fin de 2020, celui-ci (10,8 milliards) était toujours largement supérieur au niveau de 2017 (6,5 milliards). Mais il traduit, selon la direction, le souci de couvrir à plus de 90 % le montant des créances douteuses.
Il y a quelques mois, la grève des employés avait également été perçue avec une certaine inquiétude par les clients de la banque. « Tout est rentré dans l’ordre. Dans toute entreprise en phase de transformation, des problèmes peuvent survenir. Ces tensions ont été discutées et réglées », rassure désormais le directeur général d’Ecobank Côte d’Ivoire.