Portée sur les fonts baptismaux le 20 avril 2017 à Abidjan, la plateforme « Ensemble pour la démocratie et la souveraineté » (Eds) reste encore l’ombre d’elle-même.
Bientôt deux mois après sa naissance, la coalition des mouvements et partis politiques fidèles à l’idée d’indépendance et de souveraineté de Laurent Gbagbo n’a pas encore fait la grande démonstration de force à laquelle ses partisans et sympathisants étaient en droit de s’attendre. Il est vrai que pour l’opinion, l’avènement de l’Eds inspirait un air de déjà vu et n’augurait rien de bon, mais son statut de coalition électorale à la différence des défunts Cnc et Front du refus, constituait une source d’espoir pour le camp Gbagbo. A trois ans de 2020, année électorale, Georges Armand Ouégnin et ses amis du Fpi pro-Sangaré s’étaient engagés à lutter pour imposer leur vision du monde dans la droite ligne du combat du célèbre prisonnier de La Haye.
A ce jour, après un rendez-vous chez l’écrivain Bernard Dadié pour lui présenter solennellement la plateforme, outre la participation à la fête de la liberté à Akouré le 30 avril dernier et quelques déclarations sur les événements saillants de l’actualité nationale et internationale, le reste c’est le mutisme. Pas d’action concrète d’envergure pour marquer le terrain et l’opinion. Il est vrai que le chemin est encore long et qu’il faut avant toute chose quelques réglages d’ordre administratif telle que l’obtention du récépissé du ministère de l’Intérieur, mais pour une coalition qui a de grands défis à relever, l’on devait se mettre à la tâche aussitôt. Privés de vote volontairement depuis maintenant 7 ans, les pro-Gbagbo de l’Eds devraient être à la pointe du combat pour mobiliser ses électeurs et arracher la transparence et l’équité du scrutin mises à mal par le camp Ouattara.
Malheureusement les nouveaux alliés doivent encore gérer certaines pesanteurs qui sont en elles-mêmes des freins au bon fonctionnement de Eds. Autonomes, les principaux partis de la plateforme comme le Fpi de Sangaré et l’Ung de Stéphane Kipré mènent leurs activités sur le terrain en dehors de la coalition. De sorte que les actions envisagées telles que la rédaction d’un projet commun de société tarde à prendre forme. Or une telle initiative s’avère nécessaire si les nouveaux alliés veulent convaincre les Ivoiriens sur leur capacité à constituer une alternative crédible à la gouvernance Ouattara. La situation sociopolitique nationale est délétère, les alliés au pouvoir se déchirent et redoutent une réorganisation des pro-Gbagbo. Le contexte était donc favorable à l’émergence de nouvelles idées venant de l’opposition. Celle-ci reste dans son attentisme qui la caractérise depuis l’arrivée de Ouattara au pouvoir. Cet attentisme se voit même renforcé avec l’espoir d’une libération provisoire de Laurent Gbagbo détenu à La Haye.
Le professeur Ouégnin a sans doute le profil pour présider aux destinées de la plateforme, il a de la volonté et il connait les codes de la maison. Il sait emboucher le discours que les militants ont envie d’entendre. Mais comme l’estimait Jeune Afrique dans un article qui lui a été consacré récemment, il ne peut rien entreprendre seul, sans la caution de ses alliés, notamment le Fpi de Sangaré, épine dorsale du groupement politique. Les moyens financiers et la communication font tout aussi défaut.
Autre contrainte et non des moindres, nombreux sont encore ceux qui, dans les rangs des supporters de l’ancien chef d’Etat pensent que le débat sur une participation à la présidentielle de 2020 est inopportun et qu’il vaut mieux se concentrer sur le procès en cours à La Haye. Avec ces contradictions qui ne laissent pour l’instant la place à un quelconque consensus, l’idée même de désigner un candidat et de le préparer pour 2020 est loin de germer dans les esprits.
SD à Abidjan
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