ÉLECTION. C’est au nom de l’opposition que l’ex-président s’est exprimé contre la candidature d’Alassane Ouattara, qu’il qualifie de « forfaiture ».
« Face à la forfaiture, un seul mot d’ordre : la désobéissance civile », a déclaré, sous un tonnerre d’applaudissements,Henri Konan Bedié lors d’une grand-messe qui a réuni les principaux partis de l’opposition au siège du Parti démocratique de cote d’ivoire (PDCI). L’ex-chef d’État (1993-1999), qui s’est érigé en chef de l’opposition depuis qu’il a rompu il y a deux ans avec Alassane ouattara , n’a pas précisé de modalité d’action pour cette « désobéissance civile », une formule qui a été préférée à un boycott de la présidentielle, une hypothèse qui avait été évoquée. Chassé du pouvoir par un coup d’État militaire en 1999, Henri Konan Bédié espère toujours y revenir : à 86 ans, le chef du PDCI est l’un des quatre candidats retenus pour la présidentielle par le Conseil constitutionnel
L’opposition se rassemble contre Ouattara
À ses côtés, dimanche, étaient présents Assoa Adou, le secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) de l’ex-président Laurent Gbagbo , et Zié Koné pour le mouvement Générations et peuples solidaires (GPS) de Guillaume Soro, considérés comme les autres forces principales de l’opposition ivoirienne – ainsi que d’autres petits partis. Était absent, en revanche, l’opposant Pascal Affi N’Guessan, l’un des candidats à la présidentielle, leader de l’aile dite « réformiste » du FPI, qui s’oppose à l’aile « légitimiste » pro-Gbagbo. Si l’opposition est unanime contre la candidature à un troisième mandat d’Alassane Ouattara, longuement qualifiée de « forfaiture » et de « violation de la Constitution » dimanche par les orateurs, elle peine à trouver une stratégie commune face au pouvoir, et aucune union électorale n’a pour l’instant été annoncée. En attendant, elle demande la dissolution de la Commission électorale indépendante et du Conseil constitutionnel, qu’elle estime « inféodés » au pouvoir, et donc pas à même d’organiser une élection « transparente »
Le risque de violences se précise
Même si l’opposition dit vouloir « restaurer l’État de droit et la démocratie », selon M. Bédié, cet appel à la « désobéissance civile » pourrait entraîner une nouvelle escalade de la tension en Côte d’Ivoire, à un peu plus d’un mois de la présidentielle. La crainte de violences meurtrières est forte dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, dix ans après la crise postélectorale née de la présidentielle de 2010 qui avait fait 3 000 morts. Une quinzaine de personnes sont mortes en août dans des violences survenues dans le sillage de l’annonce de la candidature du président Ouattara à un troisième mandat et des échauffourées ont eu lieu mardi dans plusieurs localités après l’annonce du Conseil constitutionnel de la liste des candidats retenus pour le scrutin.
Divergences autour de l’interprétation de la constitution
Élu en 2010, réélu en 2015, M. Ouattara, 78 ans, avait annoncé en mars qu’il renonçait à briguer un troisième mandat, avant de changer d’avis en août, après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’avec la nouvelle Constitution de 2016, le compteur des mandats de M. Ouattara a été remis à zéro, ce que conteste farouchement l’opposition. Les candidatures de Laurent Gbagbo, 75 ans, qui vit à Bruxelles dans l’attente d’un possible appel de la Cour pénale internationale, après son acquittement en première instance de crimes contre l’humanité, et de Guillaume Soro, 47 ans, ex-chef de la rébellion pro-Ouattara des années 2000, en exil en Europe, ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, au grand dam de leurs partisans. Les deux hommes ont été condamnés par la justice ivoirienne à des peines de 20 ans de prison et à la privation de leurs droits civiques.