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Côte d’Ivoire – Jean-louis Billon: « Le candidat du RHDP en 2020 sera issu du PDCI

 

Le ministre Jean-Louis Billon, président du Conseil régional du Hambol, suspendu de ses fonction par le gouvernement ivoirien, à l’issue du conseil des ministres du mercredi 12 juillet 2017, a donné une interview au confrère Le Nouveau Réveil. Dans cet entretien, l’homme d’affaires ivoirien, est revenu sur sa suspension qu’il juge illégale, avant de s’appesantir sur les relations entre membres de l’alliance RHDP, le Rassemblement des houphouëtistes pour la paix, qu’il invite à être éprises de sincérité. Revenant sur le sujet de l’alternance à la tête de l’exécutif ivoirien, M. Billon dira sans détours qu’ « en 2020, ce sera un candidat issu du PDCI-RDA » qui représentera l’alliance.

Monsieur le ministre, vous étiez il y a quelques temps, le président élu du Conseil régional du Hambol. Vous avez été évincé parce que le RDR vous reproche d’occuper de hautes fonctions au sein du PDCI-RDA alors que vous avez été élu sous la bannière du RDR. Comment vivez-vous aujourd’hui votre éviction ?

Tout d’abord, je tiens à préciser que je reste le président du Conseil régional du Hambol. J’ai été élu légalement et sans contestation. Donc je reste le président du Conseil régional du Hambol. La décision qui a été prise depuis le départ (celle de la suspension du président) est une décision illégale. Elle n’est donc opposable ni à moi ni aux tiers. Elle a été prise au mépris des textes qui régissent les Conseils régionaux.

Le PDCI-RDA a pris position sur cette question. Dès le départ, le président Bédié a parlé de décision prise sans exposé de motif convaincant. Les textes sont publics et connus de tous. C’est une décision qui est grave parce qu’elle pose des précédents. De quel droit le ministre de l’Intérieur se permet-il de désigner un conseiller pour assurer la présidence d’un Conseil régional ? De quel droit se permet le ministre ? Il faut faire attention à ne pas fragiliser l’Etat de droit alors que nous parlons d’une institution d’élus.

« POUR L’INSTANT, NOUS NOUS CONCENTRONS SUR LES PROCHAINES ÉLECTIONS, C’EST LA PRIORITÉ ET NON PAS LE PARTI UNIFIÉ »

Aujourd’hui, même un président de quartier est élu. Le conseiller nommé a été admis au Conseil régional par la proportionnelle, donc même pas issu de la liste victorieuse, car il était candidat indépendant à ces élections. Sur les seize sessions tenues de 2013 à ce jour, il totalise quinze absences. Il devrait donc, selon les règles en la matière, être démis de sa fonction de conseiller après trois (03) absences injustifiées. Ce sont-là des décisions administratives sans fondement légal et qui s’engouffrent dans l’illégalité.

Voyez-vous, il y a quelques années, la Commission électorale indépendante est née du manque de confiance des acteurs politiques, des élus envers l’administration territoriale (préfets et sous-préfets). Aujourd’hui, l’administration territoriale actuelle sait pertinemment que tout ce qui est pris comme décision est illégale, le ministre en premier. Il est en train de ruiner la confiance que les administrés ont en leur administration territoriale. C’est pour cela que je dis qu’il y a un précédent dangereux qui est posé et dont il va falloir tirer les conséquences pour le futur. Le Hambol va faire jurisprudence. Voilà l’état d’esprit dans lequel je me trouve, je regarde et je souris.

Pendant que vous regardez, les élections régionales sont prévues pour cette année. Comptez-vous rempiler ?

Est-ce que vous pensez qu’organiser des élections dans un tel climat où l’on voit la loi et les règles tordues à ce point, pensez-vous véritablement que des élections peuvent se tenir en toute légalité, en toute transparence avec un résultat qui puisse être crédible ? La situation aujourd’hui manque de crédibilité. Il faut faire attention à ne pas fragiliser l’Etat de droit. Si l’administration elle-même commence à méconnaître les textes, comment voulez-vous qu’on s’attende à des élections correctes ? C’est pour cela que je dis qu’il y a un précédent qui est posé et ça me donne tout simplement à sourire.

Au regard de cette situation et des plaintes récurrentes dans certaines régions, ne pensez-vous pas que cela puisse mettre à mal la cohésion au sein du RHDP, à quelques mois des élections locales?

Clairement oui. On ne peut pas parler de RHDP et vouloir exclure certains membres en disant qu’ils ne nous conviennent pas. Soit le RHDP est une vraie famille politique, soit c’est un choix arbitraire. A ce moment-là, la cohésion réelle n’existe pas, elle est de façade.

Vous parlez de famille politique. Le RHDP entend aller à un parti unifié. Certains semblent très pressés. Ils souhaitent le parti unifié avant même les élections locales à venir. Qu’en pensez-vous ?

Pour l’instant, nous nous concentrons sur les prochaines élections, c’est la priorité et non pas le parti unifié. Nous souhaitons partir aux prochaines élections en RHDP, mais clairement, la situation dans le Hambol nous permet d’avoir des réserves. Ce sont des questions qu’il va falloir éclaircir avant d’aller aux élections. Comme certains le disent, on ne peut pas vouloir une chose et son contraire.

On pourrait vous rétorquer que c’est le PDCI-RDA qui est demandeur du parti unifié. On s’étonne dès lors que vous soyez réticents sur la question.

Le président Henri Konan Bédié est l’initiateur du parti unifié et initiateur de l’idée du RHDP. C’est au prix de nombreux sacrifices consentis en vue de la stabilité et de la paix en Côte d’Ivoire. Dans la même logique, il demande qu’on aille toujours en RHDP. Le RHDP reste un groupement de partis autonomes. Le parti unifié pourrait naître si les esprits évoluent et si les partis sont prêts à abandonner leur identité propre. Mais les discussions sont sur la table.

C’est à l’issue de ces discussions que nous aboutirons à un parti unifié, il n’y a pas d’urgence. Mais bien sûr, il faut que tout soit fait sans arrière-pensée, sans vouloir éliminer certaines personnes, tout simplement parce que ces personnes-là ne vous plaisent pas ou tout simplement parce que vous voulez favoriser d’autres personnes. Encore une fois, le cas du Hambol va peser dans la balance. Si nous devons travailler sur la base de la confiance mutuelle, puisque nous PDCI, sommes déjà dans cet esprit, nous allons continuer les débats dans cet esprit.

Dans l’esprit de certains, aller au parti unifié pourrait signifier que le candidat du RHDP en 2020 sera désigné parmi les cadres du parti unifié et ce, au détriment des partis politiques. Quelle est votre lecture sur la question ?

Sur ce point, le PDCI a été clair. Il y a eu le 3e anniversaire de l’Appel de Daoukro et le président Bédié a clairement précisé sa pensée. Tout en allant en RHDP ou vers le parti unifié, le candidat à l’élection présidentielle sera un candidat militant du PDCI-RDA. Ça ne pose aucun problème. En 2015, le candidat choisi a été un candidat issu du RDR. En 2020, ce sera un candidat issu du PDCI-RDA. Les choses, pour nous, sont claires et sans équivoque.

Ne pensez-vous pas que ce serait considéré comme une trahison de la part du PDCI-RDA qui a été le premier à proposer d’aller au parti unifié ?

Non, il n’y a aucune trahison. L’Appel de Daoukro précisait l’alternance pour 2020. Et c’est le discours du président Henri Konan Bédié, en septembre 2014, que nous avons traduit en Appel de Daoukro. Le président Henri Konan Bédié est le président du PDCI-RDA. Quand il parle d’alternance, il ne parle pas d’alternance pour un autre parti que le sien. Donc dans son entendement, dans le nôtre, il a même répété, qu’il « bloquait ces mots ».

Si on part sur la base du parti unifié, peut-on encore parler de PDCI-RDA, RDR, etc ?

Encore une fois, le parti unifié n’existe pas encore. Il n’existera que si les esprits évoluent. Si jamais nous avons le parti unifié, de nombreux militants souhaitent que le parti unifié porte le nom de PDCI-RDA. Puisque ce sont des querelles passées qui ont conduit certains à sortir du PDCI-RDA pour créer d’autres partis. Nous sommes des houphouëtistes, rendons honneur à Houphouët et rendons à Houphouët ce qui est à Houphouët. Et ce qui est à Houphouët, c’est le PDCI-RDA.

Les élections locales vont se tenir en Juillet. Lors des dernières élections législatives, on a vu un RHDP divisé. L’UDPCI et l’UPCI ont notamment décidé d’aller en rangs séparés. Quand on sait les ambitions des uns et des autres et toutes les querelles que ces élections engendrent, ne pensez-vous pas que cela pourrait entacher la cohésion au sein du RHDP pendant la présidentielle ?

La gestion du choix des candidatures devra se faire de manière plus honnête, sans exclusion, avec une vraie connaissance des réalités du terrain. Malheureusement, il y a eu beaucoup d’injustices lors des choix pour les législatives et même des menaces. Certains ont justement perdu leurs emplois parce qu’ils se sont présentés en indépendants. Dans une démocratie, cela est triste. Et des personnes sont, aujourd’hui encore, sans emploi parce qu’elles ont osé aller en indépendants et que cela ne plaisait pas à d’autres personnes. Fort heureusement, certains indépendants ont gagné. Ils sont revenus au PDCI-RDA, au RDR et ont été acceptés. Imaginez l’injustice pour les personnes qui ont perdu et qui se sont retrouvées sur le carreau tout simplement parce qu’elles ont voulu exercer leur droit constitutionnel de se présenter à des élections. Tirons les leçons de comment se sont déroulées les législatives pour mieux aborder les prochaines élections locales.

Que répondez-vous à ceux qui accusent des cadres du PDCI-RDA tels que vous, de travailler contre le RHDP ?

Non, on ne travaille pas contre le RHDP. J’ai même dit que je représente le RHDP mieux que beaucoup de personnes. Puisqu’avec ma carte PDCI-RDA en poche, je me suis présenté sur une liste RDR. C’était dans l’esprit du RHDP. Mais d’autres ne le voient pas de cet œil. Ils pensent qu’il faut des bastions et que des régions entières doivent appartenir à tel ou tel parti. En toute honnêteté, je ne le vois pas ainsi. Je ne pense pas qu’un parti politique doive être teinté d’une ethnie ou même d’une religion. Il faut sortir de la balkanisation ethnique des partis politiques et oublier ces histoires de bastions en disant que telle région appartient à tel parti politique pour des raisons purement ethniques. C’est inconcevable pour moi.

La Côte d’Ivoire doit se construire sur une base beaucoup plus équitable. Et les partis doivent exister sur l’ensemble du territoire national, sans barrière sur le plan idéologique et non pas sur des questions de personnes ou d’ethnie. On doit pouvoir trouver un RDR à l’ouest, au nord, à l’est etc. De même pour le PDCI-RDA, le FPI, le MFA, l’UDPCI, l’UPCI… sans que cela ne pose de problèmes à qui que ce soit.

Je pense en le disant que je suis plus pour la cohésion sociale que pour des barrières inutiles. Je crois en un RHDP honnête. Et quand certains sont dans l’exclusion, ce sont eux qui fragilisent le RHDP, notre jeune démocratie, la nation ivoirienne, et qui mettent à mal la paix et la cohésion sociale.

Interview réalisée par Paul Koffi et Lance Touré (Nouveau Réveil)

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