Entre politique et médias, la semaine dernière en Côte d’Ivoire s’est achevée comme elle avait débuté : par l’évocation sur nos antennes de la crise au sein même du pouvoir entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro lors la diffusion de «—La Une de Jeune Afrique—».
Rendez-vous, désormais incontournable pour nos auditeurs comme pour les lecteurs de ce magazine panafricain, La Une de Jeune Afrique, dimanche 4 juin, s’interrogeait sur une « énigme ivoirienne » que serait, selon lui, le président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro. Sur sa Une, Jeune Afrique se demandait alors si la découverte d’une cache d’armes à Bouaké, chez son directeur du protocole, Souleymane Kamagaté alias « Soul to Soul », n’était pas « l’affaire de trop ».
Le lendemain de cette diffusion sur RFI, les lecteurs de Jeune Afrique, sous la plume de Marwane Ben Yamed, découvraient dans ce magazine un éditorial intitulé « Docteur Guillaume et Mister Soro » dans lequel le directeur de la publication de l’hebdomadaire évoquait, en plaisantant, une éventuelle « reconversion professionnelle » du président de l’Assemblée nationale ivoirienne en « armurier », n’hésitant pas à le comparer au « célèbre Viktor Bout », ce trafiquant d’armes, surnommé « marchand de mort » par certains médias, et qui purge actuellement une peine de 25 ans de prison dans un pénitencier aux États-Unis. « L’affaire Soro » était lancée.
La folle semaine
Dimanche 11 juin, La Une de Jeune Afrique est revenue sur ce que ce journal appelle désormais « l’affaire Soro ». Confronté aux vives réactions de l’entourage du président de l’Assemblée nationale après la publication de cet éditorial au vitriol, et notamment celle du député Sidiki Konaté, proche parmi les proches de Guillaume Soro, qui jugeait « impérieux » le dépôt d’une « plainte contre Marwane » devant les « tribunaux français », le directeur de la publication de Jeune Afrique, sur nos antennes, persistait et signait.
« Que faisaient ces armes chez ce directeur du protocole ? Pourquoi elles étaient entreposées là depuis 2011 ? À quoi devaient-elles servir ? Pourquoi n’étaient-elles pas restituées à l’armée ? », s’interrogeait ce dimanche 11 juin, le patron de la publication sur RFI, évoquant, pour faire bon poids, le « halo de suspicions autour du président de l’Assemblée nationale », lesquelles, disait-il alors, remontent à sa période « à la tête de la rébellion ».
Sans précédent depuis 2011, cette passe d’armes s’inscrit dans un contexte de plus en plus tendu depuis la première mutinerie, en janvier, au sein de l’armée ivoirienne, jusqu’à celle du mois de mai, en passant par la découverte de la cache d’armes chez « Soul to Soul » à Bouaké. Par médias interposés, tout particulièrement sur les réseaux sociaux, les entourages de Soro, Ouattara et Bédié ont commencé à s’entre-déchirer comme jamais depuis la chute de Laurent Gbagbo.
Jusqu’où la crise ?
C’est justement dans ce contexte politique tendu que, mercredi dernier, le site français d’informations en ligne Mediapart publiait le premier entretien de l’ex-président ivoirien avec un média depuis son placement sous les verrous. « Je ne suis pas en prison, je suis otage », a dit Laurent Gbagbo à ce site d’information qui, dans la foulée, mettait en ligne une série d’articles intitulée « Côte d’Ivoire, la contre-enquête ».
Mediapart relayait ainsi un tweet de Franklin Nyamsi dans lequel cette « plume » de Guillaume Soro lançait un appel du pied à peine voilé aux pro-Gbagbo, énonçant sa conviction « depuis longtemps » que, sans Guillaume Soro, Laurent Gbagbo « n’aurait fait qu’une bouchée du PDCI-RDA et du RDR ». Ou encore celui d’un « mystérieux adjudant Zinzin », présenté par mediapart comme « visiblement proche de Guillaume Soro », et selon lequel Alassane Ouattara « s’attaque à ses parents du nord ». « On a menti sur Laurent Gbagbo pour rien. Ne noyons pas le poisson. La vérité doit être sue. Laurent Gbagbo n’a pas tiré sur des civils. ADO l’a fait ».
Laissant ainsi ses chevau-légers agiter la toile, Guillaume Soro, lui-même, se garde bien d’attaquer frontalement le chef de l’État ou le PDCI de l’ancien président Bédié. Mais à trois ans de la date programmée de l’élection présidentielle, les Ivoiriens s’interrogent sur ces armes qui circulent et qui, d’une semaine l’autre, n’inspirent à l’évidence rien de bon à la direction de Jeune Afrique.
rfi