En agissant sous la pression et dans l’urgence, le Gouvernement a une fois de plus manqué le coche, car il n’a pas été en mesure d’exiger des mutins, la restitution totale des armes et du matériel de guerre qu’ils ont eu à se procurer à Bouaké, dans des circonstances encore floues, préalablement au paiement effectif du solde de « leur créance », à plus forte raison, l’exigence de leur démission de l’armée, en contrepartie de celui-ci . Ils auront tout gagné, en compromettant le progrès socio-économique de la nation, en prenant gout aux rapports de force violents, en trahissant leur sacerdoce militaire, avec en prime, une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la République dans leurs mains. En effet, ce n’est pas une fois payés, qu’ils accepteront de bonne grâce ces deux exigences (restitution des armes, radiation des effectifs). Les appels et les menaces n’y changeront rien. Tout ceci est très malsain et dangereux,
La situation aujourd’hui est pire que celle d’hier (existence de stocks d’armes dissimulés dans des lieux privés, 6 ans après le conflit post-crise, sans être rendus à l’État). Le danger n’était que potentiel. Il pouvait toujours être circonscrit. Nous avons maintenant des armes entre les mains des « mercenaires » incorporés à l’armée régulière, des personnes très peu fiables, qui les conservent de manière personnelle, privée et illégale, en dehors des armoiries de l’Armée Nationale. Ceci accroit leur capacité de nuisance dans un contexte où le rapport de force s’est rééquilibré en leur faveur, pour dire le moins, alors que l’État ne pourra pas supporter plus longtemps cette situation (désordre, humiliation, menace, chantage permanent)
Quelles sont les complicités, soutiens et complaisances dont ont bénéficié les mutins pour parvenir à ce résultat inespéré pour eux et désastreux pour le pays. Pourquoi ces attitudes et pourquoi faire avec des armes ? Se prémunir d’une éventuelle répression certes. Mais l’Armée a démontré qu’elle n’obéissait pas à la hiérarchie militaire et qu’au sein de sa chaîne de commandement, il existait des « maillons faibles » (disons les choses comme cela), dont la présence active au sein de l’Armée, pose le problème tragique, mais combien crucial de savoir qui exerce le contrôle effectif de l’Armée en Côte d’Ivoire (possession et mainmise sur les armes, commandement et encadrement défectueux et partisans). Alors que « nous avons des cadres militaires très bien formés qui n’attendent que l’honneur de servir leur pays « (Wara, commentateur avisé).
Comment envisager au tard, une réforme en profondeur à 3 ans de la fin d’un mandat fortement chahuté (conjoncture économique, dissensions au sein du RHDP, problèmes de l’appareil sécuritaire, réconciliation inachevée), sans faire grincer des dents et provoquer des révoltes ?
Par ailleurs, il existe en l’état, le danger d’une récupération politique en provenance de certains éléments de la majorité elle-même, et de l’opposition radicale. Ce risque se trouve terriblement accru dans la perspective de 3 évènements :
a) – Les élections présidentielles de 2020, avec ses intrigues sur fonds de guerre de succession, entre ambition, responsabilité et maturité.
b) -L’avancement du calendrier de la CPI (probabilité élevée de la liberté conditionnelle du Président GBAGBO à laquelle la Côte d’Ivoire n’est pas assez préparée, ouverture du second volet du Procès pour l’équilibre et équité de l’Affaire)
c) – Poches de revendication/protestations insatisfaites pouvant s’armer et prendre le maquis avec des effets d’entrainement en cascade (danger possible d’une future rébellion armée des démobilisés. Nouvelle vague de circulation des armes qui vient se cumuler avec celles qui ont toujours été dissimulées au DDR, réveil des cellules dormantes de l’opposition radicale, guettant que le désordre s’installe pour rentrer à son tour en action, consommation de la scission définitive de l’Armée, pour cause de discipline, solidarité d’armes, de loyauté républicaine et de parti pris politique)
Dès lors, comme je l’avais déjà annoncé début Mars, les nuages s’amoncellent, de plus en plus lourdement, au-dessus de la Cote d’Ivoire. Aussi, j’invite tous ceux qui sont épris de paix véritable et toutes les bonnes volontés, à prier pour une paix durable en Côte d’Ivoire, pour les chrétiens dès ce Dimanche (jour du Seigneur) et pour les musulmans durant tout le mois sacré du RAMADAN.
Par Pierre Soumarey