Côte d’Ivoire : le Premier ministre Hamed Bakayoko est mort

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Côte d’Ivoire : le Premier ministre Hamed Bakayoko est mort

NÉCROLOGIE. Évacué mi-février à l’hôpital américain de Neuilly avant d’être transféré en Allemagne, le Premier ministre ivoirien est décédé ce mercredi 10 mars.

C’est un pilier du régime d’Alassane Ouattara qui s’en est allé, foudroyé par un cancer fulgurant. Hamed Bakayoko, qui a eu 56 ans le 8 mars dernier, avait été évacué le 18 février dernier à l’hôpital américain de Neuilly, avant d’être transféré en Allemagne , alors que son état de santé s’était détérioré. Son décès a été annoncé ce mercredi 10 mars par un communiqué lu à la télévision publique, la RTI. Autodidacte, surnommé « Golden Boy » pour ses réussites en affaires, bon vivant, populaire auprès des Ivoiriens de tous bords, Hamed Bakayoko n’avait pas, a priori, les atouts pour entrer dans le cercle le plus proche d Alassane ouattara . Et pourtant, trois mois avant la présidentielle du mois d’octobre 2020, et après la mort, elle aussi brusque, de son prédécesseur Amadou Gon Coulibaly dauphin désigné du chef de l’État, c’est à lui qu’avait été confiée la lourde tâche de reprendre le poste. Son nom avait même circulé comme présidentiable… Et pour cause, Hamed Bakayoko, qu’on appelle au pays affectueusement, « Hambak », s’était au fil des années rendu indispensable au président Ouattara, qui en a fait, tour à tour, dès sa prise de pouvoir, son ministre de l’Intérieur en 2011 avant de le placer à la tête de la Défense en 2017.

Des regrets, un hommage

Quoi qu’il en soit, dernièrement, ce n’est qu’après son séjour à paris  le 3 mars que le chef de l’État s’est résigné à nommer, lundi 8 mars, Patrick Achi, secrétaire général de la présidence, à la primature, et Tené Birahima Ouattara, son frère cadet responsable des Affaires présidentielles, à la Défense. « Notre pays est en deuil. J’ai l’immense douleur de vous annoncer le décès du Premier ministre, Hamed Bakayoko, chef du gouvernement, ministre de la Défense, ce mercredi 10 mars 2021, en Allemagne, des suites d’un cancer », a écrit sur son compte Twitter  le président Ouattara. Avant de poursuivre par un hommage appuyé « au Premier ministre, Hamed Bakayoko, (s)on fils et proche collaborateur, trop tôt arraché à notre affection ». « Le Premier ministre Hamed Bakayoko a servi la cote d’ivoire  avec dévouement et abnégation. C’était un grand homme d’État, un modèle pour notre jeunesse, une personnalité d’une grande générosité et d’une loyauté exemplaire », a poursuivi le chef de l’État. Hamed Bakayoko est le deuxième Premier ministre à disparaître en moins d’un an, après Amadou Gon Coulibaly.

Un parcours atypique qui prend racine dans le militantisme

Hamed Bakayoko est né dans le quartier d’Habitat-Extension, dans la commune d’Adjamé. Sa famille est pieuse et conservatrice, descendante d’érudits musulmans connus de la famille d’El-Hadji Moussa Bakayoko, celui-là même qui, selon la légende, fonda la ville de Koro, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Élevé par son père veuf avec son frère et ses deux sœurs, Hamed Bakayoko part dès la fin du lycée pour le Burkina Faso afin d’y étudier la médecine. Il n’ira pas au bout car, à Ouaga, ce mélomane, amoureux des rythmes ivoiriens et habitué des clubs, s’éveille à la politique, découvre Thomas Sankara et les discours de lutte.

À son retour à Abidjan, il commence à militer au sein du Mouvement des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire (MEECI), un syndicat proche du PDCI-RDA (Rassemblement démocratique africain). Ce qui lui donne l’idée de fonder, dans ces années 1990, le mouvement de la Jeunesse estudiantine et scolaire du PDCI (JESPDCI). Qu’à cela ne tienne, pourquoi ne pas fonder un journal  ? Hamed Bakayoko lance Le Patriote, un organe qui se veut proche de Houphouët-Boigny et du PDCI. Le « Vieux » n’y est pas sensible et Hamed Bakayoko décide de se mettre au service de la défense du Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara. Celui-ci vient de lancer avec Djéni Kobina le Rassemblement des républicains (RDR) et Le Patriote en devient son organe de presse. Mais Henri Konan Bédié, grand rival d’Ouattara, ne digère pas l’un des courriers de lecteur lui portant atteinte. Bakayoko est envoyé en détention à la maison d’arrêt d’Abidjan, la Maca, pour quatre mois et seize jours.

Après sa sortie, il se lance dans la radio, avant de faire la rencontre de celle qui deviendra la première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Nouvian Ouattara. Celle-ci investit dans son média, Radio Nostalgie Côte d’Ivoire, la première radio commerciale du pays, en plein printemps de la presse ivoirienne. Ce qui l’avait rapproché du milieu de la musique et du showbiz, dans lequel il aimait s’afficher. Après la mort en 2019 de la star du coupé decalé DJ ARAFAT , dont il était proche, il s’était montré aux premières loges des funérailles.

La longue ascension politique d’un rassembleur

Son ascension politique a vraiment commencé dans les années 2000. En 2003, à 38 ans, il était devenu ministre des Télécommunications et des nouvelles technologies, un poste qu’il gardera dans tous les gouvernements d’union nationale, sous le régime de l’ex-président Laurent Gbagbo, qu’il connaît très bien également. Selon son ancien collaborateur au Patriote, Meïté Sindou, c’était « un homme de défi », qui allait « jusqu’au bout » de ses idées.

En parallèle, depuis cette époque, une relation de confiance s’est installée entre Bakayoko et les Ouattara. Alassane Ouattara et Hamed Bakayoko ont raffermi leurs relations tissées depuis des années. Au point que lorsque, le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo est finalement arrêté dans sa résidence de Cocody par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), Alassane Ouattara désigne Hamed Bakayoko pour assurer la protection de l’ancien président à l’hôtel du Golf.

Une dernière mission en faveur du dialogue politique

Avec l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011, Hamed Bakayoko avait hérité du stratégique ministère de l’Intérieur, qu’il avait conservé sous trois gouvernements jusqu’en 2017, réussissant à maintenir l’ordre dans un pays revenant à la paix, notamment grâce à ses nombreuses relations dans tous les milieux, aussi bien parmi les anciens chefs de la rébellion que dans l’opposition. En juillet 2017, il avait été nommé ministre d’État, ministre de la Défense, et numéro deux du gouvernement, où il avait eu la lourde tâche de gérer plusieurs mutineries dans l’armée. En 2018 il avait été élu maire d’Abobo, l’une des deux grandes communes populaires d’Abidjan, au terme d’un scrutin cependant terni par des violences.

En 2020 son nom avait circulé comme présidentiable, avant la désignation du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly comme candidat du parti au pouvoir pour la présidentielle d’octobre. Après la mort inattendue de ce dernier d’un infarctus, qui a conduit Alassane Ouattara à revenir sur son engagement et à se faire réélire, Hamed Bakayoko avait d’abord été désigné pour assurer l’intérim, puis nommé Premier ministre.

Après l’élection présidentielle du 31 octobre marquée par le boycott de l’opposition et des violences ayant fait une centaine de morts, « HamBak » avait ramené l’opposition à la table des négociations, ce qui a permis des élections législatives apaisées, avec la participation de toutes les forces politiques. Quatre jours avant sa mort, il avait lui-même été largement réélu député dans son fief de Séguéla (Nord) aux législatives du 6 mars.

Marié à la très discrète Yolande Bakayoko – avocate, chrétienne originaire de l’Est, avec laquelle il a eu quatre enfants — franc-maçon et grand maître de la Grande Loge de Côte d’Ivoire, beaucoup voyaient « HamBak », populaire y compris au-delà de son camp, comme un possible successeur au president ouattara  dans l’avenir.

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