Celle qui fut surnommée La «Dame de fer», âgée de 69 ans, a bénéficié de l’amnistie de 800 personnes proclamée lundi par le président Alassane Ouattara pour favoriser la réconciliation en Côte d’Ivoire.
Arrêtée en 2011 avec son mari Laurent Gbagbo, elle avait été condamnée en 2015 à 20 ans de prison pour atteinte à la sureté de l’Etat.
Mme Gbagbo a quitté l’école de gendarmerie d’Abidjan où elle était détenue depuis quatre ans vers 12H15 (locales et GMT) pour regagner sa résidence du quartier de Cocody à Abidjan, où l’attendaient un millier de sympathisants en liesse. A son arrivée 15 minutes plus tard, l’ex-première dame, vêtue d’une robe pagne violette et jaune, souriante quoique fatiguée, a été accueillie sous les vivats et au son des tambours, dans une rare cohue. Se penchant à l’extérieur de sa voiture, où se trouvait son fils Michel, elle a salué pendant une minute ses supporters, avant de s’engouffrer dans sa résidence.
«J’éprouve un sentiment de joie, de bonheur, c’est un grand jour pour la Côte d’Ivoire» a confié à l’AFP une militante du Front populaire ivoirien (FPI).
Elle est réapparue deux heures et demi plus tard pour une cérémonie d’accueil dans le jardin de sa résidence, entourée de plusieurs responsables du FPI et d’autres dignitaires libérés comme elle grâce à l’amnistie, dont deux anciens ministres du régime Gbagbo, Moïse Lida Kouassi et Assoa Adou.
– ‘page tournée’ –
«L’ancienne page est tournée (…), militants, levez-vous pour une nouvelle page, on est partis sans arrêt, on est partis, on est partis!», a-t-elle déclaré sous les ovations, s’exprimant seulement quelques minutes, visiblement émue par l’accueil chaleureux de ses sympathisants.
Le chef du FPI pro-Gbagbo (le parti étant divisé en deux factions), Abdoudramane Sangaré, a souhaité que la libération de Mme Gbagbo «prépare l’arrivée de Laurent Gbagbo», dont les avocats ont à nouveau demandé la libération à la Cour pénale internationale (CPI), qui doit statuer en octobre.
L’ex-président ivoirien (2000-2010) est actuellement détenu et jugé à La Haye, accusé de crimes contre l’humanité commis pendant la crise post-électorale (3.000 morts en 2010-11).
«Un pas a été franchi, un autre reste à faire, je sais que nous aurons raison de tous les obstacles», déclaré M. Sangaré.
Auparavant, Assoa Adou a espéré une «première victoire» aux élections locales du 13 octobre, avant une autre victoire à l’élection présidentielle de 2020.
La position actuelle du FPI pro-Gbagbo est cependant de continuer à boycotter les élections tant que la commission électorale n’aura pas été réformée. Dans son allocution à la Nation lundi, Alassane Ouattara s’est aussi engagé à réformer cette commission, jugée partiale et favorable au pouvoir par l’opposition, ainsi que par la cour africaine des droits de l’Homme. Le président n’a toutefois pas donné de date.
L’amnistie annoncée lundi a été unanimement salué par la classe politique en Côte d’Ivoire, évoquant «un geste fort en faveur de la réconciliation nationale» à deux ans de la prochaine élection présidentielle.
– ‘geste de mépris’ –
En revanche, onze organisations de défense des droits de l’homme ivoiriennes et internationales ont dénoncé cette large amnistie, dénonçant «un geste de mépris vis-à-vis des victimes».
«Aucune amnistie ne devrait s’appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres graves violations des droits humains commis en Côte d’Ivoire pendant la crise», ont déclaré dans un communiqué la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme, le Mouvement ivoirien des droits humains, Human Rights Watch, Amnesty international, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et six autres ONG ivoiriennes.
Simone Gbagbo est aussi mise en cause au sujet des exactions commises par des escadrons de la mort pendant la crise politico-militaire des années 2000 en Côte d’Ivoire, ainsi que dans la disparition en avril 2004 du journaliste Guy-André Kieffer, qui enquêtait sur des malversations dans la filière cacao.
Libre en Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo reste poursuivie par la CPI qui a délivré contre elle un mandat d’arrêt en février 2012. Mais le président Ouattara a affirmé en 2016 qu’il «n’enverrait plus d’Ivoiriens» à la CPI, estimant que son pays avait désormais une «justice opérationnelle».
La question de la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire, après la décennie de crise politico-militaire qui a déchiré le pays, était considérée jusqu’à présent par les observateurs comme un point noir du bilan d’Alassane Ouattara, dont le régime est accusé par l’opposition d’avoir pratiqué une «justice des vainqueurs».