Au regard de l’arrogance et de la suffisance de certaines personnes dans l’opposition qui refusent l’unité au FPI, puis de l’opposition dans son ensemble, il y a une donne évidente et élémentaire que ceux-ci semblent perdre de vue : c’est la perte du pouvoir et ses conséquences.
En effet, nombreux parmi les pro Gbagbo estiment que l’impopularité actuelle du Chef de l’Etat suffit à assurer leur victoire aux différentes échéances électorales à venir. C’est une erreur. Une grosse erreur, car s’il est évident que M. Ouattara est devenu impopulaire auprès de certains de ses propres partisans, cela ne l’est pas symétriquement et systématiquement au profit des pro Gbagbo. Loin s’en faut.
Il faut comprendre que le basculement est un acte de raison et non de passion. Il ne se fait pas par désarroi ou par dépit amoureux mais par la (re)conquête de cet électorat désillusionné par ceux qui souhaitent (vraiment) les (re)conquérir. D’ailleurs, les différentes élections et réélections de M. Adama Toungara à Abobo en sont symptomatiques qu’en dépit de son désamour avec ses administrés ceux-ci n’hésitent pas à le choisir plutôt que d’autres.
Il faut le regretter, les discours de haine, de match-retour ou de revanche qu’on entend chez certains pro Gbagbo ne sont pas de nature à rassurer et à attirer les électeurs déçus du Ouattaraïsme. En effet, en agissant ainsi nous ne nous posons pas comme une alternative rassurante et crédible. Le FPI a un programme de gouvernement qui a été récemment réactualisé. Il est révolutionnaire et pourrait séduire de nombreux ivoiriens.
Malheureusement, nos querelles intestines donnent l’impression qu’en dehors de l’exaltation et de la sublimation du nom de Gbagbo nous n’avons rien de concret à offrir aux ivoiriens. La démonstration de l’amour que nous avons pour Gbagbo est devenu notre principale activité politique. Or, clamer son amour et sa solidarité à Gbagbo devraient pas exclure qu’on soit une force de propositions et de contrepropositions.
À l’inverse de notre suicidaire posture, on observe que le PDCI et le RDR ont fait une percée significative dans nos rangs en raison justement de nos interminables querelles intestines. Quoique certains veuillent le nier, les travaux que le Chef de l’Etat réalise, notamment dans nos anciens bastions, séduisent les populations qui y vivent et qui sont très souvent loin de nos rancœurs, rancunes et ressentiments.
Les cadres du PDCI et du RDR ne sont pas restés les bras croisés dans nos régions. Ils sont pour la plupart proches des réalités quotidiennes des populations que nous avons délaissées pour diverses raisons politiciennes, économiques ou sociales.
Certains de nos « leaders régionaux » d’hier l’étaient surtout à cause des hauts postes qu’ils occupaient dans l’administration publique et qui les rendaient tout puissants. Nos parents les « suivaient » surtout pour le pouvoir et l’autorité qu’ils représentaient. Aujourd’hui, faute d’emplois ou de moyens financiers conséquents pour faire illusion face à ceux du RHDP ils ne représentent plus qu’eux-mêmes. C’est un fait.
Anciens ministres, PCA ou DG de sociétés d’Etat, combien ont été capables de se reconstituer ou de se reconvertir, avec un certain succès, dans les affaires ou dans le secteur privé ? Très peu à ma connaissance. Cependant, pour certains, de leur exil (volontaire ou forcé) Ghanéen ou Européen, ils croient encore, dur comme fer, qu’ils sont encore ces roitelets locaux qui peuvent faire et défaire chez eux. À ceux-là, je conseille l’humilité et je leur recommande de faire preuve de réalisme politique.
Réveillons-nous d’autant qu’à l’époque de notre splendeur nous n’étions pas tous toujours très proches de ces populations. J’ai pu constater récemment à Yopougon et à Duékoue, lors d’échanges avec des jeunes pro Gbagbo que certains, ils ne sont pas négligeables, ont tourné casaque.
D’ailleurs, pour s’en convaincre il suffit juste de comparer le nombre d’élus que le FPI unis avait lorsqu’il était dans l’opposition (une dizaine) et quand il a accédé au pouvoir (une centaine). En face, le RDR et le PDCI, dans l’opposition faisaient, eux, jeu égal avec le FPI, lorsque notre parti au pouvoir. Des villes symboliques pour le FPI comme Gagnoa, Daloa ou San-pedro n’étaient-elles pas toutes tenues par des maires RDR ? C’est tout dire.
L’argent, dans nos États pauvres et pour nos populations pauvres, c’est le nerf de la guerre. Or, à l’époque où nous étions au firmament de notre pouvoir, soutenus par une vingtaine de partis politiques et de clubs de soutien (LMP) nous n’avions fait au 1er tour de l’élection présidentielle de 2010 que 38%, quand nos opposants qui n’étaient pas dans une coalition faisaient 32 et 24% pour le RDR et le PDCI.
Nous disposions pourtant des caisses de l’Etat, des médias d’état et avions de puissants cadres dans les moindres localités du pays. Cela nous a aussi permis de compter sur des transfuges du RDR (Ben Soumahoro…), de l’UDPCI (Blon Blaise, Bleu Lainé…) et du PDCI (Nzi Paul David, Gnamien Yao…). Après notre chute, tous ont fait amende honorable et sont repartis dans leurs anciennes formations politiques. Il faut dire que notre déchirure interne n’a pas plaidé en notre faveur et n’était pas fait pour les rassurer.
Pour tout cela, il nous faut sortir des positions dogmatiques et comprendre que l’unité du parti est une nécessité politique et un impératif de survie. Ne pas s’en apercevoir et l’admettre c’est faire preuve de grave cécité et surdité politique.
Certains me diront comment faire l’unité ? Je leur répondrais que je n’ai pas de solution miracle ou toute faite. Cependant, une chose dont je suis certain, c’est que tous ceux, sur cette planète, qui ont mis fin à leurs querelles, de quelques natures que ce soient, se sont préalablement ASSIS ET ONT DISCUTÉ. C’est une lapalissade.
Sangaré doit donc accepter la main tendue de Affi, d’autant que si l’on en s’en réfère au aux récents propos de Katina, et de ses échanges téléphoniques avec Affi et Sangaré, c’est ce que Gbagbo lui-même souhaite. Si nous sommes conséquents envers nous-mêmes et que nous nous réclamons de Gbagbo nous ne devrions logiquement pas nous opposer à ses vœux.
Mon sentiment est que si aujourd’hui des gens espèrent en Yasmine Ouegnin, Soro Guillaume, Billon et autres c’est tout simplement parce que le FPI ne fait plus rêver, il ne fait plus espérer, il déçoit. C’est un fait indiscutable.
Taisons nos querelles d’hier. Sortons des ressentiments puérils et ouvrons nos esprits et notre conscience citoyenne. Pour y arriver, il faut être capable de dépassement et mettre les intérêts de notre nation au dessus de tout autre intérêt personnel ou partisan. C’est à ce seul prix qu’on y arrivera. Tout autre option ne serait que vaine vanité.
Jean Bonin
Juriste
Citoyen ivoirien