Le peuple Wé victime d’une politique délibéré d’épuration ethnique.
Les Forces d’interposition ne se sont pas interposées
Les Forces Armées ont laissé leurs armes pour fuir
Les Grands Reporters n’ont rien rapporté
Les Grands Témoins n’ont rien dit
Les Grands Hommes n’ont rien fait
le peuple Wé vit un des moments les plus dramatiques de son histoire, celui de la défaite, de l’exil et de la dépossession de son territoire historique. Les villages et les quartiers Wé du pays Wé ont étés massivement pillés et incendiés lors des épouvantables massacres de 2002, 2003, 2005 et 2011.
Photo : Massacre de 2002 à Fengolo. Les vingts personnes (20) qui se trouvait à la maison de la famille DIE TRONH ont été jetés vivants dans le puits avant d’être mitraillés.
La culture Wé a été anéantie à travers la destruction de presque tous les lieux et les objets sacrés qui constituent l’âme et les symboles du peuple Wê : les Kwi et les Glaé (fétiches et masques). La moitié au moins des autochtones Wé se sont donc réfugiés au Liberia (160.000 personnes selon l’ONU), traqués dans les forêts ou terrés dans des camps improvisés autour missions catholique et protestantes de Duékoué (30.000 à 40.000 personnes). Ceux qui s’étaient réfugiés dans des bâtiments publics en ont été chassés par les nouvelles autorités et ont du improviser des habitations de fortune sans aucune aide des ONG ou de « l’État de droit ». Selon une enquête d’Amnesty International, (rapport de septembre 2011), 60 à 75 % des Wé n’étaient pas rentré chez eux au mois de juin 2011.
L’ONU ne s’est guére préoccupé des réfugiés victimes des forces de Allassane Ouattara pendant la durée de la guerre ivoirienne (2002-2011). L’organisation internationale s’efforce à présent de diminuer leur nombre en les encourageant à rentrer dans les ruines de leurs maisons tout en diminuant les allocations de nourriture des récalcitrants. Cette politique a permis de réduire le nombre de réfugiés au Libéria à 80.000 selon l’ONU. De leur côté les forces de Ouattara menacent régulièrement de fermer les camps de Duékoué.
A en croire la presse pro-Gbagbo, ceux qui rentrent sont confrontés à des colons étrangers qui leur interdise l’accès à leur plantation et refuse d’acquitter le loyer des terres qui leur avaient été louées avant guerre. De nombreux crimes sont commis par les différentes forces armées ouattaristes, dozos, FRCI, « faux-FRCI » et « forces d’autodéfense » suscitant un climat d’insécurité généralisé. Parfois, ils s’en prennent au membre de leur propre groupe ethnique, suscitant alors la désapprobation du Président. Parler de cette épuration ethnique peut valoir une suspension de publication pour les journaux ivoiriens au nom de la lutte contre la xénophobie et « incitation claire à la haine ».
Gbagbo m’a poussé
Photo : En 2003, sur le tableau du dispensaire détruit de Diourouzon, un texte, tracé à la craie cherche une justification politique aux actes de vandalisme et de barbarie commis dans le village :
« GBAGBO MA POUSSE Tant qu’il y aura des hommes sensibles à la chose politicienne, les incapables gouvernants, comme Gbagbo, seront toujours chassés du pouvoir »
Amnesty international confirme en partie ses informations sur la poursuite des crimes ciblant les Wé pendant le printemps et l’été 2011 » Dans l’ouest du pays, certaines personnes ont été victimes de disparitions forcées après avoir été arrêtées par les FRCI. « (…) Amnesty international a été informée de plusieurs cas dans lesquels les FRCI ont clairement dit à leurs victimes qu’ils étaient désormais « les maîtres du pays » et qu’ils pouvaient « faire ce qu’ils voulaient ». Par exemple, le 23 mai 2011, Robert Guy Dogba, âgé de soixante-et-un ans, et ses deux fils, ont été capturés par les FRCI vers 19 heures alors qu’ils marchaient entre Bédy-Goazon et Guiglo. Les soldats ont torturé Robert Guy Dogba en versant de l’essence sur lui puis ils l’ont tué à coups de machettes. Ses deux fils ont pu partir. Les soldats leur ont dit : « Vous voyez, le pays nous appartient désormais ». »
Le bilan controversé du massacre de Duékoué en mars/avril 2011
L’ensemble des victimes de la crise post-électorale de 2011 en Côte d’ivoire à été chiffré à 3000 morts par l’ONU mais ce chiffre souvent cité semble bien inférieur à la réalité. De nombreux observateurs évoquent plutôt le chiffre de 10000 à 20000 morts pour l’ensemble de la Côte d’ivoire. A vrai dire, personne ne s’est soucié de répertorier les personnes disparues, tuées ou réfugiées et même le chiffre des personnes inhumées après la bataille d’Abidjan reste inconnu.
patriotes capturés
Photo : Partisans de Gbagbo prisonniers des forces de Ouattara à Abidjan en 2011
Pendant les massacres du printemps 2011, des dizaines de villages et de quartiers Wé ont été pillés et incendiés, pas seulement à Duékoué. Les forces armées du « Président élu et reconnu par la communauté internationale » ont ciblé les personnes appartenant à l’ethnie guéré, appelés aussi Wé, y compris des enfants de moins de 5 ans (Le Monde). Le bilan de ces massacres est très variable selon les sources :
Gouvernement d’Allassane Ouattara : 152 morts (Sidiki Konaté,AFP 4 avril 2011)
ONU : 944 morts dans l’ensemble du pays wé dont 341 wés, 505 morts à Duékoué dont plus d’une centaine tués par les forces pro-gbagbo.
Croix-rouge : 867 corps enterrés par la croix-rouge à Duékoué
Caritas (ONG catholique) : « un millier de tués à Duékoué »
Nouvel observateur (mai 2011) : 1000 à 2000 morts à Duékoué
Notre Voie (journal anti-Ouattara) :1800 tués à Duékoué, 2700 tués dans l’ouest ivoirien
Duekoue libere
Photo : La « libération » de Duékoué avec le portrait du « Libérateur » Loss
Après avoir nié le massacre des Wé pendant un an, le journal de Ouattara vient de faire volte face : Il y aurait bien eu un massacre mais les responsables en seraient les « mercenaires libériens » de Gbagbo qui auraient tués les Wé parce que leurs solde n’avait pas été payée. Il s’agit là d’un scénario qui copie bêtement celui qui avait été élaboré lors de la manipulation du vrai faux rapport de l’ONU sur le massacre de Guitrozon en 2005. C’est proprement invraisemblable car les massacres ont commencé lors de la prise de la ville par les FRCI et on continué pendant plus d’une semaine. Le journal de Ouattara ne risque pas d’être démenti par la justice ivoirienne , car aucune enquête n’est menée :
« Interpellé sur le sentiment de justice de vainqueurs qui animerait une partie de l’opinion publique nationale et internationale, le procureur Kouadio a déclaré : « Si j’ai les moyens, je renverrai des équipes d’enquêtes à l’ouest pour enquêter sur les crimes qui s’y seraient commis durant la crise post-électorale ». » Rapport de Doudou Diène auprès de l’ONU, janvier 2012
theorie du complot
Contrairement à la justice ivoirienne, Amnesty International a enquété à Duékoué et dans les villages environnants. Sa conclusion est différente des versions successives et contradictoires élaborées par les partisans de Ouattara ou l’ONU :
« plus d’une centaine de témoignages de personnes ayant survécu à ce massacre qui toutes ont indiqué le côté systématique et ciblé de ces tueries commis contre les populations guérées à la fois par des FRCI en uniforme et par des Dozos. Un grand nombre de personnes ont été ainsi tuées chez elles au cours de descentes systématiques dans les concessions habitées par des populations guérées. (…)
« Amnesty International, pour sa part, a pu rencontrer, à Duékoué, en avril 2011, une personne qui a participé, avec des soldats marocains de l’ONUCI, au décompte des personnes tuées au Quartier Carrefour et a aidé la Croix-Rouge à enterrer certains corps. Cette personne a indiqué que 817 corps avaient été dénombrés parmi lesquels :
– une femme.
– 24 jeunes de moins de vingt ans, y compris un enfant âgé de trois ans.
– 12 corps revêtus d’une aube (robe sacerdotale blanche) qui ont été retrouvés non loin de l’Église du christianisme céleste.
Cette personne a ajouté que les corps portaient des blessures par balles. Près d’une trentaine de corps étaient calcinés à l’intérieur des maisons. Des cadavres avaient été trouvés les uns à côtés des autres – à l’intérieur des maisons, dans les cours communes, dans les ruelles et le long de la rue principale. »
Le bilan de plus de 800 morts fournit par la Croix-Rouge est donc confirmé, mais il ne concerne que le quartier Carrefour, ce qui signifie que le nombre de personnes assassinées est bien supérieur pour la totalité de la ville de Duékoué et les villages voisins de Dahoua, Delobly, Bahé Bé, Pinhou, Guéibli, Guinglo-Zia, Diéhiba et Diahouin.
Protection défaillante des populations
Dans le contexte du conflit post électoral ivoirien, il était évident que la mission de protection des civils des casques bleus allait devoir s’exercer dans l’ouest ivoirien où les tensions interethniques étaient à leur paroxysme en mars 2011. Comme lors du massacre de Srebrenica en Bosnie, des forces de l’ONU étaient présentes lors de la tuerie de Duékoué et n’ont rien fait pour protéger les civils. En fait, les principaux massacres ont eu lieu dans le quartier Carrefour, à proximité du camp ou 200 casques bleus marocains sont stationnés. Mais lorsque les forces ouattaristes ont pris la ville, les soldats de l’ONU sont restés dans leur caserne et l’organisation internationale s’est contenté d’observer les exécutions avec un hélicoptère, sans même signaler quoi que se soit aux médias.
Il a fallu que la Croix-Rouge se départisse de sa réserve habituelle pour que le massacre soit connu du grand public. Mieux encore, l’ONU a tenté d’en minimiser l’ampleur en annonçant un nombre de tués inférieur au nombre de corps enterré conjointement par ses hommes et la Croix-Rouge, avant de réviser ce chiffre à la hausse quand le coup de feu médiatique a cessé.
onu
Photo : Casques bleus de l’ONU ramassant les corps aprés le massacre de Duékoué
Prés d’un an aprés le massacre de Duékoué, les enquêteurs de la cours pénale internationale (CPI) ont fini par se rendre sur place en présence des médias avec un drone et des sondes archéologique pour tenter de retrouver les corps des victimes. Ce matériel sophistiqué ne leur servi qu’a découvrir « des charniers possibles, des charniers probables et des charniers quasi-certains » dans 3 endroits déjà connus puisque l’inhumation des corps avaient été effectuée par le bataillon marocain des forces de l’ONU et la Croix-rouge locale (rapport ONU du 10 mai 2011).
charnier Duékoué
Photo : Les charniers retrouvés par la CPI sont bien connus de la Croix-Rouge qui enterré les corps avec l’ONU.
Cette opération de la CPI n’avait donc pas pour but de découvrir de nouveaux charniers inconnus, mais plutôt de montrer à la presse que les investigations avaient commencé avant la date anniversaire du massacre (29 mars) de la saisine de la CPI (13 avril 2011) ou de la comparution (18 juin 2012) du président vaincu, Laurent Gbagbo.
Ce carnage faisait suite à une série de massacre ciblant les autochtones Wé depuis une dizaines d’années. Les précédents avaient été peu médiatisé par les ONG et la presse occidentale, sans doute pour par crainte d’attiser la « xénophobie » prêtée au partisans de Gbagbo. Mais Gbagbo étant en passe d’être vaincu, médias et ONG ont choisi de parler du massacre de Duékoué, ce qui a surpris l’ONU et le gouvernement Ouattara.
Ce chapitre de l’histoire des Nations Unies est tellement peu glorieux que l’ONU refuse d’aborder le sujet : lorsque Amnesty International « a réitéré ses préoccupations quant au fait que les troupes de l’ONUCI se trouvant dans la région de Duékoué n’avaient pas protégé les populations civiles confrontées, fin mars et début avril 2011, à une vague de violences généralisées. M. Choi a précisé que l’ONUCI « n’a pas de comptes à rendre à Amnesty International » ».
dozo et onuci
Alain Juppé, qui fut ministre des affaires étrangères au moment du génocide Rwandais était revenu à ce poste lors du massacre de Duékoué. Il prétend avoir été traumatisé par le massacre de Srebrenica en Yougoslavie « Je me suis aperçu que la mission de la Forpronu (Force de protection des Nations unies), qui consistait à regarder les gens se faire massacrer, était insupportable. »
charnier
Photo : Selon l’ex-député M. Diezon Dibé Bernard, l’armée française a dissimulé une vingtaine de victimes Wé sous des détrituts pour « nettoyer le terrain » avant la visite de Seydou Diarra, le Premier Ministre ivoirien du gouvernement de « Réconciliation Nationale » le 26 mai 2003
Cet événement l’aurait incité à prendre part aux « guerres justes » de Nicolas Sarkozy, en Libye et en Côte d’Ivoire. Mais alors pourquoi a-t-il laissé faire le crime de Duékoué alors que l’armée française était partie prenante à la guerre, au côté des forces de Ouattara, avec un mandat de l’ONU autorisant l’utilisation de la force pour protéger les populations civiles ?
Pourquoi n’a-t-il pas envoyé l’armée française dans l’ouest ivoirien en avril 2011 pour mettre fin aux crimes?
Un massacre politico-ethnique
Avant le début de la guerre, le peuple Wé était partagé entre une moitié de pro-Gbagbo et une moitié qui se reconnaissait dans d’autres partis (PDCI, PIT, UDPCI) qui ont rejoint Ouattara. Les Wé ont d’ailleurs été présentés par la presse francaise comme des partisans de Gueï hostile à Gbagbo à l’automne 2002. C’est seulement le massacre et l’épuration ethnique de 2002 qui ont déterminé une forte mobilisation en faveur de Gbagbo, et encore l’individualisme des Wé fait que beaucoup affichent tout de même une totale indifférence à la politique, voire une opposition marquée à Gbagbo « qui les a laissé massacrer ».
Plusieurs témoignages confirment que des Wé menacés ou battus par les FRCI étaient épargnés s’ils montraient une photo ou un tee-shirt à l’effigie d’Ouattara. Il y avait bien, aussi, une dimension politique. Ceci dit, les Wé étaient ciblés car considérés comme favorables à Laurent Gbagbo.
Un massacre qui fait suite à beaucoup d’autres
Le carnage de 2011 était parfaitement prévisible car l’épuration ethnique ciblant les autochtones Wé est une pratique constante des forces de Ouattara depuis qu’elles ont envahit l’ouest ivoirien. Elles ont connu des noms variés, MPCI, MJP, MPIGO, FN, avant de devenir la nouvelle armée ivoirienne sous le nom de Forces Républicaines de Cote d’ivoire (FRCI).
MJP
Photo : Les Wé ont été massacres en 2002-2003 à Guiglo-Zia par le groupe rebelle MJP, qui est devenu « Force Républicaine de Côte d’Ivoire » en 2011.
Au départ, il s’agissait principalement de combattants libériens fournis par le Président libérien Charles Taylor, de partisans de Ouattara, de bandits, de chasseurs traditionnels dozos originaires du Nord de la Côte d’ivoire, de mercenaires venus du Mali et du Burkina Faso.
Ces hommes ont mis en fuite l’armée ivoirienne, assassiné des centaines ou des milliers de personnes principalement Wé, 2000 tués et 900 disparus en 2002-2003 selon les élus Wé, brûlés des villages, violé et torturé, avant d’être arrêté à Duékoué par l’armée française au cours d’affrontement qui ont fait des dizaines de morts. C’est pourquoi Duékoué abritait des milliers de Wé qui avaient fuit la zone occupée par les forces MPCI-FRCI.
massacre
Photo : Victime des massacres commis en 2002-2003 par le MJP-MPCI-MPIGO-FN-FRCI
Par la suite, les forces ouattaristes ont « fait le ménage dans leurs rangs » en assassinant les chefs les plus compromis comme Félix Doh ou Sam Bokari « Mosquito ». La presse francaise, toujours très favorable au forces de Ouattara, n’a évoqué ces horreurs que lors du massacre de Bangolo au cours duquel des mercenaires libériens pro-Gbagbo ont tué une soixantaine de civils dioulas.
Avec le retour de la paix à la mi-2003, il y a eu une période d’anarchie et de massacres interethniques sporadiques entre les miliciens pro-Gbagbo d’ethnie Wé et les miliciens venus des pays au Nord de la côte d’Ivoire qu’avait armés par Ouattara.
Des forces de l’ONU avaient été positionnées dans plusieurs villes de l’ouest ivoirien mais elles ont été chassé de Guiglo et Toulepleu en 2006 par les partisans de Gbagbo qui les accusaient de collusion avec les ouattaristes. Plusieurs manifestants anti-ONU ont été abattus par les casques bleus dans des conditions jamais élucidées puisque le rapport d’enquête de l’ONU promis n’a jamais été publié.
Cette période a été marquée par le massacre de Guitrozon et de petit Duékoué en 2005, au cours duquel 140 Wé ont été exterminés pendant leur sommeil. L’ONU n’a jamais présenté de résultat d’enquête sur ces évènements tout en essayant d’en faire porter la responsabilité à Gbagbo. Un vrai-faux rapport de l’ONU a été envoyé à la presse par les services secrets d’un pays non identifié mais qui ne peut être que la France. Il mettait en cause des mercenaires libériens de Gbagbo qui auraient agit par représailles parce qu’ils n’auraient pas touché leur solde.
guitrozon
Photo : L’ONU a manipulé l’opinion sur le massacre de Guitrozon en 2005 pour disculper les forces de Ouattara.
L’ONU a tardé avant d’assumer la paternité de ce document mensonger tout en assurant hypocritement qu’il s’agissait d’un « scénario » et non d’une conclusion. Aucun autre « scénario » n’a bien entendu été publié et les conclusions se sont faites par la suite en pointillé. Plus tard, les responsables de l’ONU ont qualifiés les faits de massacre interethnique dont les auteurs étaient connus.
ou sont les coupables
En réalité, il s’agissait d’un massacre ethnique des Wé par des dioulas, terme désignant les malinkés du nord de la Cote d’Ivoire, du Mali et du Burkina Faso, comme devait le montrer le procès menés par la justice ivoirienne.
L’armée ivoirienne stationnée à Duékoué s’est montrée incapable d’arrêter la spirale des représailles commises par les miliciens de Gbagbo comme par ceux de Ouattara entre 2003 et 2010. Au moins, elle n’a pas, ou peu, participé à ces crimes et a joué le rôle de force d’interposition pour en limiter l’ampleur.
Ainsi, en Janvier 2011, les partisans de Ouattara d’ethnie dioula ont tué une trentaine de personnes et incendié 300 maisons dans plusieurs quartiers Wé en représailles au meurtre d’une femme dioula, commis d’après eux par des « coupeurs de route » Wé. Selon Amnesty International » La plupart des victimes faisaient partie de la communauté guérée, mais des membres de la communauté dioula ont également été attaqués. » Des femmes Wé auraient également été victimes de viols collectifs par les partisans de Ouattara.
L’administration et l’armée de Gbagbo ont empêché les contre représailles des miliciens Wé et engagé un dialogue entre les communautés rivales. Lors de cet incident plusieurs milliers d’habitants Wé se sont réfugiés à la mission catholique qui était donc un camp de réfugiés Wé avant même la prise de la ville par les forces Ouattaristes.
Il est clair que le gouvernement Gbagbo porte une responsabilité dans les massacres car il a recruté des mercenaires libériens qui ont commis de nombreuses atrocités qui ont causé la mort de plusieurs centaines de personnes depuis 2002. Le fait de fournir des armes aux milices Wé peut également être critiqué, même si, pour reprendre un slogan maintes fois répété par les politiciens français et américains « Israël a le droit de se défendre ». Néanmoins, il est incontestable que les forces armées ivoiriennes ont exercées un rôle de modérateur des tensions interethniques tandis que les forces de Ouattara ont pratiqués délibérément l’épuration ethnique.
Le prétexte des mercenaires libériens et des milices
Après la débandade de l’armée ivoirienne en 2002 dans l’ouest ivoirien, Gbagbo a armé des jeunes Wé rescapés et les a amalgamé avec des combattants libériens opposés au président du Libéria Charles Taylor pour contenir les forces coalisées de Charles Taylor et de Ouattara. Ce qui n’était au départ qu’un expédient destiné à bloquer l’avance des rebelles, s’est avéré très profitable sur le plan militaire puisque les seules victoires de Gbagbo ont été obtenues par ce moyen.
carte de la Cote d’ivoire envahit
Photo : L’Ouest de la Côte d’ivoire a été envahit par des combattants libériens et des chasseurs traditionnels maliens (dozos) à partir du territoire libérien. Les « mouvements rebelles » du MJP et du MPIGO n’était que des faux drapeaux déstinés aux journalistes.
Les différents groupes miliciens fédérés par Maho Glofiéi, chef autoproclamé du peuple Wé, et les libériens sont parvenus à reprendre plusieurs villes ivoiriennes en 2003 puis à conquérir une partie du Libéria où elles ont contribué à la chute de Charles Taylor sous le nom de MODEL.
Milicien Wé
Ces combattants qui avaient connu l’horreur ont également commis des atrocités, avant d’être abandonné sans soin pour les blessés et les fous, ni réinsertion, ni enrôlement dans l’armée. Certains ont finis par devenir des bandits de grand chemin, des « coupeurs de route ».
L’armée française a combattu les forces libériennes de Charles Taylor dont elle a tué au moins une centaine de combattants entre décembre 2002 et janvier 2003. Elle a protégé les réfugiés qui arrivaient à Duékoué par centaines de milliers pour fuir des massacres monstrueux ciblant plus particulièrement les Wé. Cependant, elle n’a fait aucun prisonnier et les blessés ont été brûlés vifs par la population de la ville (témoignage indirect).
A aucun moment, le gouvernement français n’a reconnu que les forces de Ouattara étaient composées en 2002-2003 par une forte proportion de mercenaires libériens, burkinabés et maliens, bien que le témoignage des militaires français qui les avaient affronté ne laisse aucun doute. L’implication de Ouattara était même niée alors que, dans le même temps ce dernier téléphonait depuis l’ambassade de France à des personnalités politiques pour les inciter à rejoindre la rébellion (source personnelle ayant assisté à l’entretien). Reconnaître que Ouattara avait déclenché une guerre sauvage avec des mercenaires aurait pu nuire à sa réputation de technocrate policé.
guerre et paix
La présence de libériens massacrant les civils n’est devenue médiatiquement acceptable que lorsque un groupe de libériens pro-Gbagbo a tué 200 civils dioulas à Bangolo en mars 2003. Des massacres plus important ciblant les Wé avaient pourtant eu lieu au cours des mois précédents sans qu’aucune représailles ne puissent être invoquée comme prétexte ou explication.
Interpellant un journaliste réputé sur le silence de la presse sur les massacres de décembre 2002 et la présence massive de combattants libériens parmi les ouattaristes, je l’ai entendu me répondre que je n’avais pas été sur place pour confirmer les massacres de l’hiver 2002-2003 et que de toute façon l’objectivité journalistique était une fiction. Les journalistes parlent des « faits qui font sens » et passent sur les autres.
Mes craintes ont été confirmée par l’ONG Global Witness qui a publié un rapport d’enquête (Les Suspects Habituels Mars 2003 Les armes et les mercenaires du Liberia en Cote d’Ivoire et en Sierra Leone) détaillant l’implication des « suspects habituels », les gouvernements libériens, burkinabés et libyens, dans le recrutement, l’approvisionnement en arme et la chaîne de commandement des mouvements rebelles. Cette ONG était particulièrement attachée à dénoncer le président du Libéria, Charles Taylor et par conséquent plus « objective » pour révéler son soutien massif aux rebelles ouattaristes, que la presse et le gouvernement français soutenaient aussi de leur côté.
L’utilisation des mercenaires libériens par les ouattariste pour mener une politique de terreur et d’épuration ethnique à l’encontre des population Wé (=guéré) n’a pas cessé comme en témoigne un article du Guardian du 11 avril 2011, journal anglais moins sensible que la presse française à la bonne réputation des « rebelles soucieux des droits de l’homme » (2002, Nouvel Observateur) et de leur « mentor » Allassane Dramane Ouattara.
« The Guardian a passé une semaine dans la région frontalière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia, et nous avons entendu des histoires d’attaques sauvages contre les civils. Nous avons aussi découvert que le recours de plus en plus fréquent à des mercenaires du Liberia qui sont apparemment recrutés par les deux camps. Accroupis dans les buissons sur les berges de la rivière qui sépare le Liberia de la Côte d’Ivoire, deux jeunes Libériens en habits sales et en tongs acceptent d’être interviewés en échange d’un peu d’argent. Ils expliquent qu’ils viennent de rentrer après avoir passé 9 jours avec les rebelles pro Ouattara, où on leur a ordonné de tuer « n’importe qui, tout le monde ».
Ils ont décrit des scènes barbares où ils ont encerclé un village dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire et, armés de machettes, ont tué tous ceux qu’ils croisaient. « Le premier village où nous sommes entrés, la plupart des gens étaient sur la route. Nous les avons tués, en les taillant simplement avec nos machettes, » ont-ils dit. Un des villages qu’ils affirment avoir attaqué est Blolequin. Les enquêteurs de l’ONU hier ont déclaré avoir trouvé plus de 100 cadavres à Blolequin et dans les environs. Certains paraissaient avoir été brûlés vivants et d’autres avaient été jetés dans un puits. L’ONU pense que les responsables pourraient être des mercenaires Libériens. »
Toutes les atrocités commises dans l’ouest de la Côte d’ivoire sont mises au compte des mercenaires libériens de Gbagbo mais la réalité est que la plupart des crimes ont été commis par les hommes de Ouattara dont certains sont libériens et que les Wé ont été leur principales victimes.
Un régime de terreur politique et tribale menacé par sa base sociale
J’ai assisté personnellement au discours prononcé par Mabri Toikeusse, actuellement ministre du président Ouattara, devant les ressortissant wé de Paris juste après les massacres de 2002-2003. Il a tenu à peu prêt ces mots : « Certains parlent de résister aux rebelles mais je vous dis que c’est seulement celui qui n’a pas vu la panthère qui peut parler d’aller l’affronter. » Il s’agissait pour lui de briser toute volonté de résistance en brandissant la menace de nouveaux massacres.
Cette politique d’intimidation a donc recommencé dés que le début de l’offensive des ouattaristes dans l’ouest ivoirien, en février 2011 :
« Les personnes avec qui Human Rights Watch s’est entretenu ont décrit comment, village après village, les forces pro-Ouattara, maintenant appelées les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), ont sommairement exécuté et violé des partisans supposés de Laurent Gbagbo, alors qu’ils étaient chez eux, qu’ils travaillaient dans les champs, qu’ils fuyaient ou tentaient de se cacher dans la brousse. Les combattants ont souvent sélectionné leurs victimes en fonction de leur origine ethnique et les attaques ont touché de façon disproportionnée les personnes trop âgées ou trop faibles pour fuir. »
Parfois, la réalité de la terreur se laisse entrevoir entre les planches mal ajustées de la langue de bois droitdelhommiste du règime. Ainsi le journal du parti au pouvoir menace carrément les populations Wé de perdre leurs terres si elles se révoltent :
« Il ne se passe plus de jour, en effet, sans que les relais (les journaux bleus) ne collent des exactions aux FRCI qu’ils présentent non pas comme des soldats de l’armée nationale de Côte d’Ivoire, mais des soldats à la solde d’Alassane Ouattara et son régime. Ces journaux vont même jusqu’à pousser les populations à des révoltes au risque de perdre leurs terres au profit des ‘’envahisseurs’’ ». vendredi 6 avril 2012 Le Patriote
Le nouveau régime de la Cote d’ivoire ne semble pourtant pas spécialement hostile aux Wé et compte même quelques membres de cette ethnie parmi ses cadres, y compris au niveau ministériel. Simplement, ils ne tolèrent aucune résistance. Dans la zone qu’ils contrôlaient entre 2002 et 2011, 1,5 millions d’ivoiriens ont préféré fuir l’ordre de fer des « Forces Nouvelles ». Cependant, il faut faire une différence entre d’une part le Président Ouattara, un technocrate qui a vécu la plus grande partie de sa vie hors de Côte d’ivoire, et la base populaire de son régime. Car si le Président affiche un discours volontariste de rétablissement de l’État de droit, respect des droits de l’homme, et élimination de toute discrimination ethnique, la réalité de la Cote d’ivoire est exactement à l’opposée de ces belles intentions.
Le parti RDR du Président Ouattara est soutenu presque exclusivement par les « dioulas », terme argotique ivoirien qui amalgame les ivoiriens du Nord d’ethnie malinké, sénoufo, lobi (20 % de la population ivoirienne) et les immigrants venus des pays sahéliens (30% de la population ivoirienne) qui ont migré dans toute la Cote d’ivoire au cours des 30 dernières années. Cette base ethnique est caractérisée par une structure sociale autoritaire, hiérarchisée, fermée aux autres ethnies et qui ne tolère guère la dissidence. La pratique des mariages forcés de jeunes filles perdure aujourd’hui seulement chez les gens du Nord en Côte d’ivoire car la victime peut difficilement s’opposer à la volonté unanime de sa tribu.
Cette forte cohésion ethnique assure au parti RDR de Ouattara des scores souvent supérieurs à 95% avec une participation qui peut même dépasser les 100% dans les zones mono ethniques du Nord ivoirien. Ceux qui rejoignent des partis politiques opposés au RDR sont qualifiés par les ténors de ce parti de « feuilles mortes », expression qui signifie qu’ils n’ont plus d’avenir car ils ont quitté « l’arbre » de la tribu.
Ouattara est allié avec l’ex president bedié , qui a sa base ethnique dans le peuple Baoulé (20% de la population ivoirienne) au centre de la Cote d’ivoire. Il est donc possible à tous de s’allier avec le nouveau régime pour bâtir la « Démocratie consensuelle » selon les termes employé lors des élections législatives de 2011. Il s’agirait d’une sorte de retour au monopartisme d’Houphouët Boigny, mais élargi aux partis alliés. Avec cependant une différence, c’est que la première place serait occupée par les dioulas et la seconde par les baoulés alors que l’ordre était inverse à l’époque du premier président de la Cote d’ivoire ,(ce qui est vraiment faux) . Le Président Ouattara semble vouloir rétablir un semblant de justice et d’ordre tout en maintenant ses opposants dans la terreur. C’est ce qu’attende de lui les bourgeoisies « dioula » et » senoufo » nostalgiques du monopartisme qui l’ont soutenu dans sa lutte de pour le pouvoir.
Il n’est pas certain qu’il y arrive car sa base populaire semble avoir plutôt pour objectif la tyrannie d’une seule ethnie ayant le monopole des armes et l’ascension sociale à la force du fusil. C’est pourquoi, un an après la guerre, policiers et gendarmes sont toujours désarmés tandis que les classes dites moyennes, toutes ethnies confondues, sont terrorisés par le règne des soldats-bandits des FRCI.
Chacune des victoires des forces pro-Ouattara s’est traduite par le pillage des quartiers riches de Bouaké en 2002, puis d’Abidjan en 2011 par des jeunes « dioulas » pauvres embrigadés dans les milices pro-Ouattara, le remplacement de milliers fonctionnaires « sudistes » par des « nordistes », l’expropriation massive de terres appartenant à des autochtones « sudistes » par leurs fermiers venus du Nord ou du Centre. Cette guerre avait donc une composante ethnique, politique, mais aussi sociale.
Il est évident que Ouattara le « libéral » ne souhaite ni abolir la propriété foncière, ni permettre aux petits délinquants de banlieue de faire régner la loi du plus fort à coup de fusil d’assaut. Mais c’est ce qui se produit en pratique. Pour citer Joseph de Maistre à propos de la révolution française «Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n’y entrent que comme de simples instruments ; et dès qu’ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement.». Il faut esperer que la structure autoritaire de la société dioula permettra à Ouattara a reprendre le controle de ses troupes.
Un conflit latent s’est installé petit à petit autour de la possession des riches terres du Sud à partir de 1970 mais la croissance économique de cette époque en a longtemps masqué la gravité. Les peuples autochtones du Sud, dont les Wé, avaient tendance à louer leurs terres aux arrivants tout en profitant de leur niveau d’éducation plus élevé pour aller occuper des postes bien rémunérés en ville. A partir de la fin des années 1980, le cours du cacao et du café, les principales exportations ivoiriennes, se sont effondrés, entrainant une raréfaction des emplois urbains, une diminution des revenus paysans et une dégradation notable des services publics. Dans le même temps, les flux migratoires ont augmenté et les dernières forêts primaires ont été défrichées. Cette situation de concurrence exacerbée pour les ressources a entrainé une forte montée des antagonismes ethniques et sociaux qui a débouché sur la guerre 2002-2011.
Le conflit foncier comme moteur de l’épuration ethnique
Dans la littérature onusienne, les Wé sont accusés collectivement de soutenir Gbagbo pour s’emparer des terres des « allochtones », ce qui est loin de correspondre à la réalité de ce peuple profondément individualiste et par conséquent politiquement divisé. Le conflit foncier entre les Wé et les colons venus d’autres régions de Cote d’ivoire ou d’autres pays africains serait du selon l’organisation internationale aux » propriétaires terriens guérés qui avaient vendu des terres et forêts aux allogènes depuis des générations se retrouvent dans une logique de lutte pour leur récupération. ».
Pourtant, tous les ethnologues qui ont étudié la question savent que cette question est beaucoup plus complexe dans la mesure ou aucun peuple de Cote d’ivoire, y compris au Nord, n’accepte que la terre ancestrale soit vendu à des non autochtones. Il s’agit toujours de contrat de location de terres passé avec les autorités coutumières autochtones.
Selon un rapport de le conseil norvégien pour les réfugiés : « En Côte d’Ivoire, la gestion des terres rurales relève de la coutume à 98 %, et seuls 1 à 2 % des terres rurales font l’objet d’un titre de propriété conformément à la loi. (…) Un des fondements de base de la gestion coutumière de la terre en Côte d’Ivoire est l’impossibilité d’aliéner ou de céder la terre. La coutume fait une distinction très claire entre la propriété du sol, qui appartient à la collectivité (famille, lignage, village) et ne peut en aucun cas être cédée, et le droit d’usage du sol qui peut lui être l’objet de cession. Le bénéficiaire d’un droit d’usage cédé par un propriétaire coutumier peut effectuer des plantations et en récolter les fruits mais ne pourra pas acquérir le sol lui-même. »
Ces baux sont restés longtemps symbolique. Dans les années 60-70, il était encore possible d’obtenir une terre contre une bouteille de Gin et un casier de bière pour le chef. A la suite de la colonisation du pays Wé par des paysans « allochtones », les forets disponibles ont disparues au cours des années 80, les baux sont devenus progressivement de plus en plus coûteux, de plus en plus conflictuels et dépendants des rapports de forces politiques. Ils ont été annulés par la force militaire à partir de la guerre de 2002.
L’ONU prend donc clairement parti dans la résolution du conflit foncier de l’ouest ivoirien causé par l’obsolescence du droit coutumier : L’organisation internationale transforme donc les baux de location des « allochtones » en titre de propriété définifs.
Ainsi s’accomplit le rêve de l’éditorialiste Alexandre Adler :
» Le Sahel desséché et surpeuplé ne peut pas s’en sortir sans une respiration migratoire vers le sud. Cela demande certes du courage et de la maturité politique : mais les peuples africains n’en ont-ils pas davantage que leurs dirigeants (…).
A cette maturité africaine il faudrait que corresponde un jour un meilleur engagement européen. » Les morts de Duékoué ont peut être été victimes d’un excès de « maturité africaine » ou d’un « meilleur engagement » onusien. Le massacre des Wés en 2002 et les 8 ans de troubles qui ont suivit ont permis une appropriation des terres par les immigrants venus des pays au Nord de la Côte d’ivoire ou d’autres régions de la Côte d’ivoire. Le conflit foncier préexistant depuis les années 90 est donc le terreau qui a permis à la politique de terreur ouattariste de trouver des relais locaux complaisants parmi les populations immigrés locataires des terres. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que des rescapés des massacres de 2011 incriminent le désir de s’emparer des terres ainsi qu’en rend compte une dépêche d’IRIN « D’après certaines informations, le massacre a surtout eu lieu dans le quartier Carrefour, qui est connu pour être une base de miliciens pro Gbagbo. Des habitants ont dit que la milice avait fui et que des civils innocents avaient été laissés derrière. « [Les groupes qui cultivent la terre] tirent parti de la présence des FRCI pour éliminer le plus de locaux possible afin de prendre le contrôle de leurs terres », a dit l’un des milliers d’habitants qui a trouvé refuge à la mission catholique de Duékoué.
Le comportement indigne de l’ONU
Le 1 avril, lors du point de presse hebdomadaire, Hamadoun Touré Porte-parole de l’ONUCI, n’a mentionné aucun crime commis par les forces de Ouattara ni évoqué la ville de Duékoué alors que le massacre était en cours depuis 4 jours. Il a au contraire fustigé les crimes « des hordes de miliciens et de mercenaires libériens à la solde du Président Gbagbo ».
Le jour même, Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rompu le silence sur les événements tout en restant neutre sur les responsabilités en annonçant qu' »au moins 800 personnes » ont été tuées mardi 29 mars lors de violences intercommunautaires à Duékoué.
L’ONU n’a signalé le massacre que le lendemain 02 avril alors que 700 casques bleus sont stationnés à côté du quartier où ont eu lieu les principaux massacres. On sait qu’un hélicoptère de l’ONU a observé l’extermination des hommes guérés parce que l’ONU s’est plaint que les bandes de Ouattara avaient tiré sur eux. Mais si ils ont tout vu et rien fait, ils n’ont pas non plus dénoncé ce qu’ils ont vu. C’est seulement en réaction aux déclarations de la Croix-Rouge et de Caritas qu’ils ont tenté de minimise l’affaire et de partager les crimes entre les combattants des deux bords.
Selon les ONG, les massacres ont continué mais de façon plus discrète. Les rapports de l’ONU font la part belle aux crimes commis par les partisans de Gbagbo qui sont qualifiés de miliciens et mercenaires. L’organigramme, l’armement et le financement des milices pro-Gbagbo sont copieusement détaillés par des rapports successifs depuis une décennie, ce qui prouve que des investigations ont été menées.
Au contraire, les crimes des hommes de Ouattara, sont généralement commis par des éléments inconnus et incontrôlés, « dozos », « faux FRCI », « commando invisible » et « groupes d’autodéfenses » dont il n’a jamais été possible « déterminer avec précision la relation » avec le parti de Ouattara. Leurs forfaits sont toujours commis « par instinct de survie » ou en « signe de représailles » des « exactions des miliciens guerés et des mercenaires libériens. » Leur armement reste d’origine d’autant plus mystérieuse que la seule enquête sur le sujet signale que les matricules de leurs armes ont été consciencieusement limées.
Certaines expressions employées dans plusieurs de ces documents sont plus proches de l’argot journalistique ivoirien que du jargon ONG-ONU si bien qu’on peut se demander qui les a réellement écrit. Par exemple, les dozos sont « indexés » pour des crimes au lieu d’en être « accusés ». Ils disposent de « pouvoirs mystiques » alors qu’il vaudrait mieux parler de « superstitions leur prêtant de prétendus pouvoirs magiques ». Ils ont chassé les pro-Gbagbo par leur « travail », expression typiquement ivoirienne pour « rituel magique ». Le plus ahurissant est de lire que les soldats de Ouattara pratiquent parfois « le droit de cuissage sur toutes les femmes autochtones ». Pour d’autres pays, les éléments de langage onusiens pour ce genre de cas sont plutôt « violences sexuelles faites aux femmes » ou « le viol comme arme de répression politique ».
Loin d’être neutre la dérive sémantique des rapporteurs de l’ONU tends à amoindrir les crimes des Ouattaristes à qui il arrive de » régler leurs comptes aux autochtones guérés » tandis que les « autochtones guérés, soutenus par des miliciens et renforcés par des mercenaires libériens bien armés, ont décidé à leur tour d’en découdre avec les allogènes au motif que les étrangers voudraient s’imposer dans leur milieu. Ils ont alors tiré sur les populations faisant plusieurs morts et des blessés ».
Photo : Dozos « Guerrier de la lumiére » des forces Ouattaristes
Le syndrome rwandais dans la crise ivoirienne
Il faut bien reconnaitre que le peuple Wé n’est qu’une victime collatéralle du conflit entre les factions ethnico-politico-maffieuses de la classe politique ivoirienne. Utilisés comme chair à canon et victimes emblématiques par l’ex-Président Gbagbo, les Wé ont payé un lourd tribut à la victoire de son rival Allassane Ouattara . Mais pourquoi la quasi totalité des médias occidentaux, des ONG et des organisations internationales ont-ils passé sous silence le calvaire de ce petit peuple africain ?
Depuis le début du conflit ivoirien, les accusations de déstabilisation par des mercenaires étrangers, massacre ethnique et complot politique lancées par le gouvernement de Laurent GBAGBO ont été accueillies avec un scepticisme total par la presse occidentale. Inversement, chaque argument ou crime dénoncé par le groupe de Ouattara a trouvé un échos favorable à l’étranger même lorsqu’il s’agissait de mensonges ou d’exagérations manifestes.
Pendant toute la guerre, la presse et le gouvernement français ont entretenu l’illusion d’une rébellion indépendante du parti RDR du Président Ouattara malgré l’invraisemblance de cette idée. Tout les chefs rebelles avaient occupé des fonctions d’hommes de main de ce parti avant la guerre et quand elle s’est terminée, ils ont été promus députés, généraux ou ministres de ce même parti en remerciement de leur loyauté.
Leur rébellion aurait de toute façon été promise à l’échec si elle n’avait pas disposé d’importantes livraisons d’armes, de conseillers militaires, de puissants relais médiatiques et enfin de cadres étrangers pour faire fonctionner les services publics. Les rebelles ont administré de façon purement maffieuse et tribale la moitié de la Côte d’ivoire qui était sous leur contrôle. Leur règne était caractérisé par l’absence d’État et le règne de l’arbitraire que compensait partiellement le pillage des biens appartenant aux 1, 5 millions de réfugiés qui avaient fuit la zone rebelle ainsi que la gratuité démagogique des services publics résiduels. Cette gratuité était possible grâce aux ONG étrangères qui géraient le secteur médical, le ramassage des ordures et l’accès à l’eau tandis que le gouvernement Gbagbo, contraint par la communauté internationale, fournissait gratuitement l’électricité. Il est donc évident que la rébellion était non seulement une émanation du parti d’Ouattara, mais également le bras armé d’une coalition de pays et d’organisations internationales unis par la volonté de chasser le Président Gbagbo du pouvoir en Côte d’ Ivoire.
Qu’est ce qui a poussé des pays et des organisations réputés a soutenir la rébellion de Ouattara? Pourquoi Gbagbo a t il eu le rôle du méchant ultime qui a toujours tort et le peuple Wé celui de complice du monstre ?
Pour moi, l’explication tient au syndrome rwandais. Lors du déclenchement du conflit ivoirien beaucoup font un parallèle avec le Rwanda et invoquent un risque de génocide des immigrants burkinabés par les partisans de Gbagbo en se fondant sur une abondante littérature académique ou en provenance des ONG.
L’un des leitmotivs des articles abordant la crise ivoirienne est que le parti de Gbagbo aurait manipulé le dangereux concept d’Ivoirité pour pousser la population à la xénophobie. Cependant, l’Ivoirité n’a jamais été invoquée par Gbagbo ou ses partisans sinon pour la ridiculiser. Le père de l’Ivoirité est l’ancien Président Bédié, l’un des hommes qui finira par venir à bout du régime de Gbagbo en 2011 avec l’aide du Président Sarkozy. De plus, le fameux concept d’Ivoirité de Henri Konan Bédié n’est pas autre chose que l’Identité Nationale de Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais été considérée comme une idéologie génocidaire.
« De deux choses l’une, ou bien on est ivoirien, on se sent ivoirien, et on estime que les ivoiriens sont l’expression d’un ensemble d’attitudes, de comportements ou d’opinions qui leur ressemblent et les rassemblent et qu’ainsi ils ont en commun un héritage et des valeurs, une culture nationale à partager et faire fructifier pour en assurer l’universalité (…) ou bien on est étranger à cette réalité, à cette communauté (…) et dans cas on n’est pas concerné par le concept d’ivoirité, mais on peut vivre sa nationalité, sa citoyenneté pleinement dans la paix ; l’ivoirité, quelle que soit notre ethnie, notre religion, notre région, notre race est promise à tous, même aux étrangers pour autant qu’ils embrassent la culture ivoirienne. » Henri Konan Bédié, 10 ème congrès du PDCI
« La France est un pays ouvert, mais ceux que nous accueillons doivent prendre en compte nos valeurs. (…) « L’immigration, c’est la France dans trente ans. Si on n’explique pas aux futurs Français ce que c’est que l’identité française, il ne faut pas s’étonner que l’intégration ne marche pas. » Nicolas Sarkozy . Meeting à Caen, le 10 mars 2007
D’une certaine manière, la Côte d’ivoire est le miroir de nos propres peurs face aux problèmes posés par l’émigration et par les réactions de rejet qu’elles inspirent. Quelques mois avant le début de la crise ivoirienne, la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle française a certainement focalisé les esprits sur la tentation populiste xénophobe. Enfin, le génocide rwandais venait de montrer que les conflits ethniques pouvaient dégénérer de façon dramatique en Afrique. Pendant plusieurs décennies, les milieux politico-médiatiques français ont soutenu le régime rwandais qui a commis le génocide en 1994. Ils ont même parfois soutenu la thèse du complot anglo-saxon pour éliminer la présence française en Afrique en s’appuyant les tutsis. En 2002, politiciens et journalistes avaient mauvaise conscience et ont projeté le drame rwandais sur la crise ivoirienne.
Si pendant dix ans, chercheurs et journalistes avaient réfléchi à ce qu’avait été l’attitude des différents acteurs de la communauté internationale face au génocide rwandais, ils n’ont pas été capable de verbaliser leur malaise. En effet, lorsqu’un massacre se produit à l’ombre des médias ou dans la lumière trompeuse de la propagande, il est vain d’attendre une analyse publique des erreurs et des dérapages. Le rétablissement des faits réels est déjà très déstabilisant pour les « spécialistes » qui ont trompé l’opinion de façon souvent involontaire.
Ainsi, nul n’a jamais évoqué les mensonges honteux qui ont entouré la fin du génocide khmer rouge, en 1979 : A cette époque, la plupart des commentateurs accusaient les vietnamiens, qui venaient de mettre fin au règne des khmers rouges, d’exterminer les cambodgiens en les affamant dans le but de repeupler le pays avec leurs concitoyens. Ce discours visait à justifier le soutien occidental et chinois à la résistance cambodgienne, c’est à dire essentiellement aux khmers rouges, contre le Vietnam.
De même, le génocide du peuple de Timor a eu lieu dans l’indifférence générale pendant 20 ans alors que les faits étaient parfaitement connus depuis les premiers mois du massacre.
Dans le cas du génocide rwandais, quelques militants ont dénoncé l’attitude du gouvernement français et le traitement de cet holocauste dans les médias. A peu près ignorées du public, leurs analyses sont bien connues des « négrologues » de tout poil. Ainsi, un journaliste du journal « Le Monde », Stephen Smith, a appuyé son analyse de la crise ivoirienne en soulignant qu’elle était partagée même par l’association SURVIE alors que celle-ci a toujours mis en cause son travail de journaliste sur le Rwanda.
Ce syndrome rwandais a incité la presse internationale à fantasmer un scénario où le régime Gbagbo utiliserait l’implication du Burkina Faso, du Libéria et d’Allassane Ouattara au côté de la rébellion ivoirienne comme prétexte pour exterminer 3 millions de personnes. La pièce majeure de l’acte d’accusation en génocide était le charnier de Youpougon, où ont été enseveli une cinquantaine de manifestants tués par la police lors d’une des tentatives de renversement du régime de Gbagbo.
Il existe de nombreux exemples récents ou des crimes de bien plus grande ampleur ont été commis par des régimes fidèles au bloc américano-occidental. La découverte d’une fosse commune contenant les corps des milliers de civils exécutés secrètement par la police colombienne en est un exemple. Mais ce genre de crimes peu ne pas « faire sens » pour les journalistes, c’est pourquoi ils sont remisé au rang du douteux ou de l’horrible anecdotique et immédiatement oubliés. Mais dans le cas du « charnier de Youpougon », le sens a été fait « génocide en préparation ».
Gbagbo et Licorne
Photo : Gbagbo face à l’armée francaise
Pourtant, cette crainte du « génocide ivoirien » paraît infondée au regard des faits proprement ivoiriens. Il est indéniable que le parti de Gbagbo, comme avant lui le parti de Bédié et celui de Guei, a utilisé l’exaspération de beaucoup d’Ivoiriens vis-à-vis de l’immigration massive (30 % de la population ivoirienne) pour tenter d’élargir son soutien populaire et empêcher Allassane Ouattara de participer aux élections. Mais il n’a jamais rien entrepris de concret pour la restreindre ou pour brimer les immigrants.
Malgré la guerre civile et la stagnation économique, des centaines de milliers de nouveaux immigrants ont rejoint la Côte d’ivoire pendant les 10 ans de présidence Gbagbo. Seraient-ils venus s’ils avaient cru à ce génocide ivoirien fantasmé par la presse internationale ? Le contexte multiethnique et multipartite de la Côte d’Ivoire était radicalement différent de celui, binaire, des pays qui ont sombré dans le génocide : Cow boys/Indiens, Turcs/Arméniens, Allemands Chrétiens/Juifs, Khmers rouges/Khmers urbains, Hutus/Tutsis.
Le jeu mouvant des alliances ethno-politiques s’est emballé à partir de 1999 en Côte d’Ivoire, multipliant des changements d’alliances et de régimes qui entraînaient des dizaines de morts, mais avec une recomposition permanente des pôles antagonistes. Aprés la crise ivoirienne, diplomates et journalistes se félicitent d’avoir évité un génocide en Côte d’ivoire. Mais comme le massacre de Duékoué a été commis par les « gentils » devant le nez des forces internationales impassibles, il n’a pas sa place dans le tableau. Ainsi s’écrit l’histoire.
presse opinion/
vabé Charles directeur de presse et de la communication du pdci (paris ile de France )