Personne ne sait, pour l’instant, pourquoi la nomination d’Edouard Philippe a pris du retard ce lundi. Peut-être était-ce dû à des détails liés à la composition du futur gouvernement, dont la révélation est prévue pour mardi. En revanche, certains éléments propres à la carrière du nouveau Premier ministre posent question, et risquent de troubler ses débuts à Matignon, au-delà des défis politiques qu’il aura très vite à affronter.
Petits soucis de transparence
Il y a tout d’abord un problème lié à la transparence, pourtant tant défendue par Emmanuel Macron durant sa campagne. Comme l’a révélé Mediapart vendredi, le maire du Havre a écopé d’un blâme de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour avoir refusé de fournir certaines informations sur sa déclaration de patrimoine de 2014, pourtant exigées par la loi.
En cause, son incapacité à évaluer la valeur de ses biens immobiliers. Appartement parisien, parts dans sa résidence de Seine-Maritime, bien en Indre-et-Loire… Pour chacun d’entre eux, Edouard Philippe s’est borné à écrire « Aucune idée ».
L’ancien porte-parole d’Alain Juppé pendant la primaire à droite se retrouve donc parmi les 23 parlementaires (sur 1048) dont la déclaration de patrimoine a été assortie d’une « appréciation » de la HATVP. En clair, l’institution a considéré que ces imprécisions portaient atteinte au « caractère exact » de sa déclaration. Pour autant, aucune saisine de la justice n’a été envisagée. Nous sommes loin d’un cas comme celui de Patrick Balkany.
Quand bien même, le détail fait tâche. D’autant que le député de Seine-Maritime s’est opposé en 2013 -comme la quasi entièreté du groupe UMP- aux lois « post-Cahuzac » sur la transparence.
Du lobbying pour Areva
Cette potentielle méfiance vis-à-vis du principe de transparence est en partie liée, semble-t-il, aux activités menées par Edouard Philippe en périphérie de son engagement politique. Notamment en tant que directeur des affaires publiques -de lobbyiste, en somme- d’Areva jusqu’en 2010.
L’ancien rocardien a rejoint le groupe à la suite du départ précipité d’Alain Juppé du gouvernement Fillon en 2007. Quoi qu’il en soit, ces fonctions n’ont pas manqué de faire bondir des associations anti-nucléaire
L’un des proches d’Emmanuel Macron, le député des Français de l’étranger Arnaud Leroy, a très vite pris la défense du nouveau chef du gouvernement.
L’Observatoire du nucléaire, association militante qui dénonce les activités de communication de l’industrie nucléaire, reproche notamment à Edouard Philippe d’avoir oeuvré en coulisse pour permettre à Areva d’exploiter des mines d’uranium au Niger à bas prix.
L’ouverture à la Sarkozy n’est pas son truc
Dans une interview accordée au Talk du Figaro, Edouard Philippe a eu l’occasion de donner son avis sur la forme d’opposition que devait prendre son parti, Les Républicains, face à Emmanuel Macron. Reconnaissant qu’il était d’un « élémentaire bon sens » de s’accorder avec la majorité sur certains textes, le député juppéiste n’en a pas moins critiqué la notion de « débauchage individuel », par le pouvoir en place, chez ses opposants.
Et le maire du Havre de prendre un exemple précis, celui de Nicolas Sarkozy en 2007 qui, au lendemain de son élection, a tenté de contrecarrer la gauche en y piochant des personnalités comme Bernard Kouchner, Fadela Amara, Jean-Pierre Jouyet ou Eric Besson pour son gouvernement. « Je ne crois pas au système d’ouverture. J’ai vu Nicolas Sarkozy pratiquer l’ouverture en 2007. (…) Je ne vois pas quel est l’impact politique de cette ouverture », a-t-il répété le 3 mai, quelques jours avant la victoire d’Emmanuel Macron. Reste à savoir s’il verra autre chose que de « l’ouverture » dans sa nomination à Matignon.
Ecole buissonnière au Palais-Bourbon
Afin d’entrer en conformité avec la règle du non-cumul des mandats, Edouard Philippe a annoncé qu’il ne se représenterait pour la députation en Seine-Maritime. Il conserve donc son mandat de maire du Havre et de président de la Communauté de l’agglomération havraise.
Cependant, comme le rapporte le site de l’hebdomadaire Capital, le nouveau Premier ministre ne laissera visiblement pas un souvenir impérissable au Palais-Bourbon. Il a été l’un des députés les moins actifs de la législature finissante, se plaçant à la 478e place (sur 504) du classement établi par Capital, grâce à des données amassées par le collectif Regards Citoyens. Sur cinq ans, Edouard Philippe ne s’est présenté que 124 fois en commission (en sachant qu’au total, plus de 400 réunions ont lieu en une année). Côté production législative, l’élu s’est contenté de déposer 6 amendements et n’a rédigé aucun rapport ni proposition de loi. Il était plus productif en 2011, année où il publiait un roman, Dans l’ombre (JCLattès). Une fiction « erotico-machiste » qui ne devrait pas plaire à toutes ses futures collaboratrices.