André-Alain Atundu Liongo, porte-parole de la Majorité présidentielle, réaffirme que Joseph Kabila ne pourra pas briguer un troisième mandat en décembre.
De passage à paris, André-Alain Atundu Liongo, porte-parole de la Majorité présidentielle, la coalition au pourvoir en République démocratique du Congo (RDC), s’exprime sur la crise politique que traverse son pays à quelques mois, en théorie, d’élections générales à haut risque.
Le président Joseph Kabila, arrivé au pouvoir après l’assassinat de son père, en 2001, fait face à un large mouvement d’opposition – partis politiques, société civile et Eglise catholique – qui conteste la légitimité de son pouvoir. Son deuxième et dernier mandat a en effet pris fin, légalement, le 20 décembre 2016. Il n’y a pas eu d’élections en 2016 et celles prévues l’année suivante ont été reportées. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a finalement annoncé des élections présidentielle, législatives et régionales pour le 23 décembre.
Une partie de l’opposition craint toutefois que ce calendrier ne « glisse » à nouveau et permette à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir. Elle demande donc la démission immédiate du président à qui la Constitution en vigueur interdit de se porter candidat. La Majorité présidentielle dément vouloir organiser un référendum constitutionnel qui permettrait de contourner cette interdiction, mais ne ferme pas la porte à une telle initiative portée par des organisations de la société civile.
La répression des manifestations – à Kinshasa principalement – a provoqué la mort de plusieurs dizaines de personnes, souvent tombées sous les balles des services de sécurité, parfois jusque dans les églises catholiques. Ce recours à la force est jugé disproportionné par les Nations unies et plusieurs autres partenaires de la République démocratique du Congo (RDC), dont la belgique . Des condamnations qui sont à l’origine de sérieuses tensions diplomatiques.
La Commission électorale congolaise a fixé la date des élections présidentielle, législatives, provinciales et locales à décembre. Des doutes pèsent sur la capacité de l’Etat à financer ces scrutins. Pensez- vous que le calendrier électoral sera respecté ?
André-Alain Atundu Liongo : Le président nous conseille de ne pas être distraits et de nous preparer au scrutin. Ce que nous faisons. A priori, nous n’envisageons pas de report. Nous subissons des contraintes budgétaires certaines, mais l’Etat provisionne 30 millions de dollars par mois [environ 24 millions d’euros] pour couvrir un budget total de plus de 500 millions de dollars. Ça ne devrait pas poser de problèmes. Idem pour le fichier électoral : l’enrôlement est terminé, il faut seulement que la CENI nettoie les listes. En revanche, nous avons la conviction que l’opposition n’est pas prête et qu’elle voudrait repousser la date.
Les provinces du Kasaï et du Kivu sont le théâtre de violences récurrentes. La sécurité du scrutin pourra-t-elle être garantie ?
Il est difficile de partir sur une présomption de paix, notamment au Nord-Kivu et dans le Kasaï. Il ne faut pas sous estimer le pouvoir de nuisance de certaines forces. Les élections sont toujours un moment de tension, particulièrement chez nous, à cause des rapports difficiles existant, d’une part, entre la majorité, l’opposition et la société civile, et, d’autre part, à l’intérieur de chacune de ces composantes. Il faut organiser des élections qui ne conduisent pas au chaos.
Les incertitudes qui pèsent sur la candidature du président sortant, Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, n’entretiennent-elles pas ces tensions ?
Non. Il a clarifié sa position, mais beaucoup de gens ne veulent pas l’accepter. Il n’est pas susceptible d’être candidat, en raison des dispositions constitutionnelles et en vertu de l’accord du 31 octobre 2017 qui souligne qu’on ne peut pas se representer après avoir rempli deux mandats. entretenirle doute est une tactique électorale. La Constitution sera respectée. Le président l’a dit devant le Congrès, il l’a redit lors de l’accord du 31 octobre. Il ne peut plus pretendre à un troisième mandat.
La Constitution peut aussi être changée et ensuite respectée…
D’un point de vue intellectuel et politique , c’est possible. Les partis signataires de l’accord se sont engagés à ne pas organiser de référendum pour modifier la Constitution. Ceci étant dit, on ne peut pas empecher un groupe non signataire désireux de changer la Constitution d’user de son droit au référendum, seul instrument qui permet au peuple d’intervenir à tout moment. Tout dépend de sa capacité à reunir 100 000 signatures, déposer sa proposition de référendum au bureau de l’Assemblée et avoir ensuite son aval par un vote des parlementaires.
La répression meurtrière des dernières manifestations de l’opposition à l’appel de l’Église catholique a été condamnée par la communauté internationale. Comment réagissez-vous à ces réprobations ?
Chacun de nos partenaires peut donner son avis sur des événements, et notamment sur cette opération musclée de maintien de l’ordre. Les autorités militaires et judiciaires ont été saisies et mènent des investigations. Malheureusement, l’union europeenne (UE) ne comprend pas qu’il y a tout intérêt à ce que la justice n’aille pas trop vite. Des policiers ont ainsi été interpellés ces derniers jours.
Mais les relations avec la Belgique sont au bord de la rupture…
La Belgique ne se prive pas de se prononcer sur ce qui se passe en RDC. Mais ce qui est inacceptable est la remise en cause des bases de nos relations diplomatiques à cause d’un dérapage qui échappe aux autorités. La Belgique a décidé d’allouer son aide directement aux ONG et non plus au pouvoir. Cela relève de sa souveraineté. C’est aussi la nôtre de dire que le Bureau de coopération belge [en RDC] ne sert plus à rien puisqu’ils préfèrent traiter avec des ONG. C’est une réplique normale. La Belgique n’est pas au-dessus de tout soupçon. Elle est partie prenante et considère que tout ce que fait la majorité est mauvais. Elle abuse de sa position au sein de l’UE pour induire les autres en erreur. La france ne devrait pas la suivre aveuglément.
L’Église catholique congolaise a aussi pris position contre le pouvoir. Le cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, a dénoncé « la barbarie » des forces de sécurité coupables de violences durant la marche des chrétiens, le 31 décembre 2017…
Précisons qu’il n’y a aucune persécution contre des catholiques en raison de leur religion. On reconnaît les principes de liberté des cultes et de liberté de pensée, en même temps que celui de la laïcité de l’État. Les lieux de culte sont inviolables pourvu qu’ils gardent leur destination première. S’il apparaît qu’ils servent à autre chose, les autorités civiles peuvent prendre toutes les mesures qui s’imposent.
Il faut distinguer l’archevêque de Kinshasa de l’Église congolaise. Le cardinal Monsengwo entretient une confusion regrettable entre la mission apostolique de l’Église et son rôle politique. Si elle veut jouer un rôle politique, elle peut le faire en tant que société civile. Ce n’est pas à un cardinal de demander « aux médiocres qui gouvernent l’État de dégager ». Le cardinal ne cherche pas l’unité mais les conflits. De plus en plus de chrétiens refusent cette confusion entre l’autorité du cardinal sur le dogme et ses prétentions à imposer ses convictions politiques.
L’erreur que l’Église doit éviter est la tentation – qui semble toucher le cardinal – de vouloir instaurer une « théologie de la démocratisation ». Cette approche risque d’échouer, tout comme a échoué la théologie de la libération en Amérique du Sud. prendre l’habit de l’Église pour véhiculer des idées politiques, ça ne va pas. Nous ne voulons pas d’une guerre avec les autres religions du Congo. Nous avons déjà 450 tribus, 500 « églises du réveil » [protestants évangéliques]… L’important est de maintenir la cohésion nationale.