PressOpinion

En Côte-d’Ivoire un couvre-feu improductif qui favorise la violence des forces de l’ordre

Monsieur le Procureur de la république et messieurs les agents de la force publique, le couvre-feu n’a aucun impact sur la lutte contre la pandémie du coronavirus.

Devant la polémiques provoqués par les bastonnades, tortures et autres formes de mauvais traitements infligées aux citoyens qui se sont rendus coupables d’infraction à la mesure de couvre-feu ordonnée par le Gouvernement, j’en suis arrivé à m’interroger sur l’impact réel de cette mesure sur la lutte contre la dissémination du coronavirus. En quoi cette mesure spécifique présente un intérêt suffisant contre l’avancée de la pandémie susceptible de justifier les sévices corporelles et les humiliations subies par les malchanceux qui se sont faits prendre en situation infractionnelle ? Cette interrogation a d’autant plus de sens que l’institution judiciaire s’est mis également en branle pour sanctionner le non-respect du couvre-feu mais pas les infractions aux autres mesures de l’état d’urgence.

J’avoue qu’à part la participation de la mesure à la prise de conscience par les populations des enjeux du moment, je n’ai trouvé strictement aucun impact direct, en dehors d’un confinement total, du couvre-feu sur la lutte contre la pandémie.
D’ailleurs la polémique créée par les brutalités des agents de la force publique contre les contrevenants a anéanti cet impact psychologique.

Je dirai même que le couvre-feu est même devenu contre-productif parce que phagocytant tout le débat sur la pandémie pour la focaliser sur la mesure la plus objectivement inefficace dans les moyens d’action que c’est donné le Gouvernement.

La mise en œuvre de la quarantaine et des confinements individuels présentaient par exemple plus d’intérêt pour la lutte quand on en connait les conséquences. Il aurait certainement été plus légitime d’utiliser ses réponses disproportionnées contre ceux qui s’y sont ou qui s’y soustraient que contre les personnes qui violent le couvre-feu. Monsieur le Procureur de la République, on est en droit de s’attendre à une réaction prompte de votre part contre ce type de contrevenant et moins de zèle en matière de respect du couvre-feu, parce que le plus important c’est de se prémunir contre le péril annoncé que de s’investir dans une action spectaculaire pour l’opinion publique mais sans grand intérêt pour la lutte contre la pandémie.

Messieurs les agents de la force publique, on a constaté que vous êtes incapables de battre et d’humilier tous ceux qui enfreignent les mesures de l’état d’urgence sans discrimination, cela au profit des puissants et au détriment des plus faibles.
Je vous invite à faire preuve de plus de réserve et de respect de l’intégrité morale et corporelle des contrevenants au couvre-feu parce qu’ils sont toujours moins dangereux pour la santé publique que ceux qui ne respectent pas la quarantaine ou le confinement individuel.

À bon entendeur, salut

Grah Ange Olivier
Magistrat

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