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Félix Tshisekedi chez la veuve de l’ambassadeur d’Italie tué à Goma


RDC: Le couple Présidentiel chez la veuve de Luca Attanasio Ambassadeur d’Italie tué le lundi 22 février 2021 dans le nord-kivu .

La violence ordinaire de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a coûté la vie à l’ambassadeur d’Italie, Luca Attanasio, lundi 22 février au matin, à l’issue d’une embuscade tendue par un groupe armé à 25 kilomètres au nord de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. Le diplomate de 43 ans, en poste depuis 2019, se rendait avec une délégation du Programme alimentaire mondial (PAM) à Rutshuru, une localité située plus au nord sur la route nationale 2 (RN2), au cœur du parc national des Virunga.

Il devait y visiter une cantine scolaire installée par l’agence onusienne, récente lauréate du prix Nobel de la paix. Son attaché de sécurité, Vittorio Iacovacci, et un chauffeur du PAM, Mustapha Milambo, ont également péri dans l’attaque. A ce stade, rien ne permet d’affirmer que les assaillants avaient prémédité leur action contre la mission onusienne, ou qu’il s’agisse d’un funeste hasard.

« Aucun signe ne pouvait laisser prévoir qu’une attaque allait se produire dans cette zone » Jean Metenier, responsable du bureau de l’Unicef à Goma

Le convoi des deux véhicules du PAM aurait quitté Goma depuis moins d’une heure quand, vers 10 heures, au niveau de la localité de Kibumba, six hommes armés lui auraient barré la route en tirant des coups de feu en l’air, selon le récit du gouverneur du Nord-Kivu, Carly Nzanzu Kasivita. Les sept passagers sont alors sommés de sortir des 4 x 4. A moins d’un kilomètre de là, le bruit des tirs a alerté les militaires des Forces armées de la RDC (FARDC, l’armée congolaise) et les écogardes du parc des Virunga, qui font marche vers le lieu de l’attaque.

« Pour forcer [leurs victimes] à quitter la route et à s’enfoncer dans la brousse, ils ont tué le chauffeur du PAM », poursuit le gouverneur. « Puis, ils sont rapidement rattrapés par les Forces armées et des tirs sont échangés. Au bout de quelques minutes, le garde du corps de l’ambassadeur italien lui aurait dit de se lever et de courir avec lui pour s’échapper. » Luca Attanasio est mort de ses blessures à l’abdomen après avoir été transporté à l’hôpital de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco), à Goma. Vittorio Iacovacci, lui, a été tué sur place. Tous les autres otages ont été libérés, selon le chef provincial.

Pas d’imprudence
« Aucun signe ne pouvait laisser prévoir qu’une attaque allait se produire dans cette zone. Le nombre d’incidents déclarés par les populations était en baisse ces dernières semaines et nous étions en train de réduire le nombre de routes rouges, celles qui doivent être empruntées uniquement sous escorte de la Monusco », témoigne Jean Metenier, responsable du bureau de l’Unicef à Goma. De Goma à Rutshuru, la RN2 est classée jaune. La seule obligation est de circuler à deux véhicules et d’être relié par radio au centre de sécurité des Nations unies. Le convoi du PAM n’a donc pas fait preuve d’imprudence au regard des règles en vigueur.

Les ambassades ont de leur côté leurs propres règles en matière de sécurité. Les autorités locales déplorent ne pas avoir été informées du déplacement du diplomate italien. « Normalement, les ambassadeurs nous communiquent leur programme, et une audience avec eux est toujours prévue », a fait savoir le gouverneur du Nord-Kivu.

Mardi, le département de la sécurité de l’ONU, un service créé après l’attentat contre le siège de l’institution à Bagdad en 2003, l’ensemble des agences présentes à Goma ainsi que la Monusco devaient se réunir pour examiner la situation. Sans attendre, toutes les opérations impliquant d’emprunter cet axe principal du Nord-Kivu ont été suspendues, « jusqu’à ce qu[’ils obtiennent] des informations sur les circonstances exactes de cette attaque », précise l’Unicef, qui assure notamment la logistique pour faire face à la résurgence du virus Ebola dans la région de Butembo, située à 300 kilomètres au nord de Goma.

Des incertitudes

Dans un message lu par son porte-parole à la télévision nationale, le président Félix Tshisekedi a condamné « avec la plus grande fermeté [une] attaque terroriste », et demandé qu’« une enquête soit menée pour identifier les auteurs et les traduire en justice ». Le ministère de l’intérieur s’est cependant empressé de désigner comme coupables les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe de rebelles hutu rwandais très actif dans la région. Selon des témoins, les assaillants s’exprimaient en kinyarwanda, la langue parlée au Rwanda.

Pierre Boisselet, coordinateur du baromètre sécuritaire du Kivu, fait preuve de davantage de prudence : « Les FDLR ne sont pas les seuls à parler kinyarwanda, d’autres groupes présents dans la région le parlent, comme les Nyatura ou les ex-M23. » Les chercheurs, qui ont publié lundi une cartographie des groupes armés dans l’est du Congo, identifient 45 groupes dans le Nord-Kivu, dont l’emprise varie fortement. Mais leurs méthodes pour se procurer des revenus sont identiques : barrages routiers, enlèvements contre rançons de plusieurs milliers de dollars, taxes levées sur les paysans.

Et le parc des Virunga, plus ancien parc d’Afrique, connu pour abriter les derniers gorilles de montagne, offre jusqu’à présent une source inépuisable de trafics (charbon de bois, ivoire, pêche illicite sur le lac Edouard…). Vingt écogardes sont morts en 2020 en luttant contre le braconnage ou dans des interventions contre des groupes armés. En 2018, deux touristes britanniques avaient déjà été kidnappés à moins de 5 kilomètres du lieu où le convoi du PAM a été attaqué. Ils avaient été libérés au bout de quelques jours.

Par Juliette Dubois(Kinshasa, correspondance) et Laurence Caramel
Lemonde.fr

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