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FER entretien routier/Côte-d’Ivoire: L’audit révèle une dette fictive de 35 milliards de fcfa (journaliste)

Plusieurs dizaines de milliards non-justifiés

Le FER, constatent les auditeurs, affirme devoir encore 35 milliards de CFA d’un emprunt auprès à la BGFI. Mais problème, notent les auditeurs, cette banque ne confirme pas la dette. Alors, DIABY Lanciné a-t-il créé une dette fictive dans l’intention de siphonner 35 milliards des caisses du Fonds d’Entretien Routier ? La question reste entière, puisque l’ex-DG du FER n’a pas répondu à notre demande d’entretien. J’ai cependant eu une conversation avec un haut cadre de la BGFI à Abidjan qui m’a confirmé l’information des auditeurs. « Nous avons souvent accordé des facilités de financement au FER, mais nous ne nous reconnaissons pas dans le prêt de 35 milliards, et nous l’avons dit, par écrit, aux auditeurs. Si une telle information apparaît dans leurs livres de compte, il s’agit clairement d’un détournement de fonds dissimulé sous la forme d’une provision pour rembourser une dette fictive » a indiqué mon interlocuteur qui a requis l’anonymat pour des raisons évidentes de secret bancaire. DIABY Lanciné a-t-il pu, par ce procédé, dérober 35 milliards des caisses du FER ? « Une fois que vous avez créé une fausse créance, il vous suffit ensuite de faire virer régulièrement de l’argent sur un compte que vous avez ouvert dans cette banque, au motif de remboursement d’une dette qui n’a jamais existé. C’est du classique. Mais c’est du classique réservé à des voyous dotés de beaucoup d’audace », soutient le banquier.
De l’audace, DIABY Lanciné n’en manque visiblement pas. Les enquêteurs de KPMG ont mis en évidence le fait que des dizaines de véhicules présentés comme des dons de la Direction Générale des Infrastructures Routière (DGIR), se retrouvent, dans les factures, payés par le FER sur son budget. En clair, le FER débloque de l’argent pour supposément payer des véhicules qui lui ont été offerts. Montant décaissé : 240 millions de F.CFA pour la seule année 2019. Le rapport d’audit est formel : « La documentation mise à notre disposition indique qu’il s’agit d’un don de la DGIR au profit du FER. Toutefois, nous notons que ces véhicules ont été plutôt payés à partir des comptes bancaires du FER ».

* Fraude sur les appels d’offres
Le contrôle des auditeurs qui a porté sur uniquement 68% de l’ensemble des documents comptables de la période couverte par l’enquête a révélé des irrégularités sur la quasi-totalité des marchés attribués par le FER de DIABY Lanciné. KPMG note un trop grand recours à des Appels d’Offres Restreints (AOR) et une propension à des gré à gré, souvent sur des marchés de plusieurs milliards de F CFA. Le cabinet américain remarque que le recours à ces pratiques ne se justifiait nullement.
Un cadre du FER affirme que « les AOR et les gré à gré ont rapporté plus de 25 milliards au DG durant ses quatre années à la tête du FER, principalement à travers des rétro-commissions que lui reversaient les entreprises de ses amis et parents adjudicataires de ces marchés exclusifs portant généralement sur des gros montants ». Mon interlocuteur reconnaît que cette affirmation ne peut être prouvée, mais s’empresse d’ajouter : « qui pourrait croire que DIABY Lanciné a offert des centaines de milliards de CFA de gré à gré juste pour le plaisir d’user d’une pratique qui le compromet, si ce n’est pour de fortes contreparties financières ? ». Sur la base des documents comptables du FER que je me suis procurés, DIABY Lanciné a accordé pour plus de 700 milliards de marchés soit de gré à gré, soit en Appels d’Offres Restreints.
Les auditeurs ont été consternés de constater qu’un marché de 23 milliards F.CFA a été attribué à une entreprise d’un capital de 50 millions CFA. Ce qui, selon les auditeurs ne respecte pas la réglementation.
L’audit remarque, au chapitre des paiements des factures, que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Le principe et la règle en matière de paiement, écrivent les auditeurs, est celui de l’antériorité. En d’autres mots, le premier arrivant est le premier servi. Or au moment où les PME dont certaines attendent d’être payées depuis plusieurs années étaient au bord du dépôt de bilan, le FER a honoré des factures de certains fournisseurs en seulement trois jours, pour des montants de plusieurs dizaines de milliards.
J’ai cherché à comprendre par quelle magie certains arrivaient à se faire payer, par le FER, dans des délais très courts. Je n’ai pas pu poser directement la question à l’ex-DG qui signait tous les chèques, puisqu’il a refusé de répondre à mes questions. J’ai cependant pu échanger discrètement avec deux agents de la comptabilité qui soutiennent que « le DG décidait seul de celles des entreprises qu’on devait payer. Nous ne savons pas sur quelle base ces entreprises étaient désignées, mais il se chuchotait que les structures qui versait des gros montants à M. DIABY recevaient leurs chèques ». Un des agents s’est même voulu plus précis : « c’était souvent entre 5% à 10% des montants attendus que les gens devaient verser au DG avant tout paiement ». Deux patrons d’entreprises qui traitent avec le FER me confirment qu’il fallait payer des dessous de table au DG pour recevoir son paiement. « DIABY était trop gourmand », souffle un de mes interlocuteurs qui ne cache pas sa joie que le patron du FER ait été limogé. Si l’information sur les rétro-commissions perçues sur les factures payées aux fournisseurs du FER se vérifie, sur la base des différents chiffres que j’ai pu consolider des documents comptables du FER, en quatre ans de gestion du FER, DIABY Lanciné aurait pu amasser un peu plus de 18 milliards francs CFA.
Un crime n’est jamais parfait, dit-on, et cela se confirme dans la gestion de DIABY Lanciné. Les auditeurs notent ainsi que trois entités supposément concurrentes appartiendraient en fait au même individu. Les prestataires 2K AUTO, ETS SALAMI et UNIVERS reportage ont été pris en flagrant délit de fraude : « souches identiques, numéro de facture chronologiques ; signature ». Visiblement, dans le but d’accorder des marchés à des copains ou à des parents, au FER de DIABY Lanciné, un vendeur de vélos peut s’improviser fournisseur de carburant, une activité très loin de son corps de métier comme l’ont constaté les enquêteurs de KPMG.

* DIABY Lanciné indexé comme un mauvais gestionnaire.*
Lorsque DIABY Lanciné endette l’Etat au motif de construire et d’entretenir les routes, l’argent est détourné vers d’autres activités, comme le révèle l’enquête de KPGM. Le rapport de l’auditeur note ainsi que sur une dette de 210 milliards contractée auprès d’ECOBANK, 31% seulement de cette somme « est conforme à l’objet du financement », autrement dit l’entretien des routes.
Mais il y a pire dans les découvertes des auditeurs sur ce chapitre. Non seulement l’argent emprunté auprès des banques ne sert que très peu à l’entretien des routes, DIABY Lanciné se permettait même d’emprunter plus qu’il n’en fallait. Le rapport de KPMG constate que « l’analyse des besoins et des utilisations révèlent que la dette contractée sur la période 2017-2020 excède le besoin réel de financement d’environ 104 milliards de F.CFA ». Aux taux d’intérêts appliqués par les banques aux prêts accordés au FER, cette faute de gestion a fait perdre au contribuable environ 12 milliards F.CFA, selon un expert financier avec qui je me suis entretenu.

2 milliards 700 millions à des avocats pour rien *
Le rapport d’audit constate que le FER de DIABY Lanciné a payé la faramineuse somme de 2,7 milliards CFA au cabinet d’avocat ivoirien KSK pour une prétendue « commission d’arrangement ». En clair, il s’agit d’une commission aux avocats pour la facilitation d’un emprunt auprès d’une banque. Les auditeurs trouvent que ce paiement est injustifié ou tout au moins qu’il ne peut s’expliquer, puisque « l’analyse des coûts des financements (taux d’intérêts et commissions) montre qu’ils sont élevés au regard de la qualité de l’emprunteur, des institutions sollicitées et l’effort de négociation attendu des arrangeurs ». Le FER paie donc près de 3 milliards à des avocats pour négocier un prêt et, résultat des courses, il emprunte de l’argent à des taux d’intérêts beaucoup plus élevés que toute autre structure ivoirienne de même nature. DIABY Lanciné ayant refusé de nous parler, j’ai en vain tenté d’obtenir des explications auprès du cabinet KSK, dont les associés sont Me Kouamé KLEMET, Me Georges ANGAMAN Kouadio et Me Zinda SAWADOGO.
Je me suis rapproché d’un ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats pour tenter de comprendre le paiement d’honoraires aussi faramineux qu’ils intriguent les auditeurs. Mon interlocuteur est formel : « nous sommes sur des montants qui correspondraient plus à ceux payés dans le cadre d’un recouvrement que ceux d’une assistance judiciaire dans la négociation d’un contrat d’emprunt bancaire. Même à 100 millions F.CFA, le FER aurait été très généreux ». J’ai donc demandé à l’avocat-conseil si DIABY Lanciné a fait perdre 2 milliards et demi au contribuable et sa réponse est empreinte d’un certain cynisme : « L’Etat a indiscutablement perdu, mais ce que l’Etat a perdu est entré dans les poches de DIABY Lanciné, puisqu’il est évident pour ceux qui savent comment ça fonctionne, que le cabinet KSK lui a reversé une partie du trop-perçu d’environ 2 milliards 500 millions ».

Bradage des biens publics***
Les véhicules revendus à la réforme ont attiré l’attention des auditeurs, tant les prix auxquels ces biens ont été revendus sont apparus extrêmement bas. Des véhicules de trois ans d’âge, achetés chacun à près de 17 millions revendus à 700.000 F.CFA l’unité ou encore un véhicule de 12 millions revendu à 150.000 FCFA. Pour 93.661.016 francs dépensés par l’Etat pour acquérir des véhicules, DIABY Lanciné les a cédés, trois ans plus tard, pour 3.150.000 F.CFA. Ça c’est pour les véhicules pour lesquels DIABY Lanciné a pris la peine de fournir le minimum de documentation aux auditeurs. Le gros des véhicules a été bradé sans aucune documentation permettant aux auditeurs de juger de ce que la procédure a été respectée. Un 4×4 acquis à 17 millions est revendu à 300.000 F.CFA ; un autre de 25 millions est parti pour moins de 3 millions. Quinze véhicules acquis par l’Etat, quelques années plus tôt, pour 248 millions, DIABY Lanciné les a bazardés pour 16 millions. Le père noël s’appelle en réalité DIABY Lanciné.
Il n’y a pas que sur les véhicules que les auditeurs ont noté des comportements pouvant être assimilables à des fraudes et tentatives de détournements. Le rapport d’audit note par exemple qu’un « terrain de 2 254 m² dans les environs du Lycée Technique d’Abidjan a été valorisé à 338 millions de francs CFA ». Problème, ce terrain acquis quelques années plus tôt par le FER à 2 milliards 200 millions vaudrait en réalité, aujourd’hui, au moins 5 milliards F.CFA d’après un expert immobilier que je consulte régulièrement dans le cadre de mes investigations. Pour quelle raison DIABY Lanciné a-t-il fait évaluer un bien public en dessous de sa valeur réelle ? L’ex-DG du FER ayant refusé de répondre à nos questions, je me suis retourné vers un auditeur qui m’a indiqué que « la pratique est courante chez les dirigeants d’entreprise véreux. Ils sous-évaluent le bien de la structure, et ils l’achètent ensuite à travers des prête-noms>>.
L’audit du FER a certes précipité la chute de DIABY Lanciné, mais alors que le président Ouattara a lancé une opération mains propres dans le pays, l’opinion nationale et internationale comprendrait difficilement que le cas de l’ex-DG du FER ne soit pas judiciarisé, afin qu’il se justifie devant les tribunaux, des milliards de CFA qu’il est soupçonné d’avoir détourné.

Source: abidjaninfos.net ( Said Penda )

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