Quelques vingt-quatre mois de l’échéance 2020, les irréductibles du parti unifié tentent de réveiller les démons de la violence et de la division. Ils caressent le secret espoir de tisser une alliance avec le Fpi.
2018 s’annonce comme un tournant décisif dans la volonté des héritiers de l’houphouétisme de bâtir le « parti unifié » des partis membres du Rhdp. Bédié et Ouattara ont à peine deux ans pour rassembler tous les ”enfants” d’Houphouët Boigny. Un rêve que les deux poids lourds du Rhdp ne sont pas parvenus jusque-là à réaliser, en huit ans de gestion commune du pouvoir. Tant le chemin qui mène au « parti unifié » est semé d’embûches.
Le premier obstacle à franchir est l’hostilité de certains cadres du Pdci Rda à accepter de vivre ensemble à nouveau avec le Rdr, le parti du Président Alassane Ouattara. En effet, les têtes de fil des irréductibles, comme Bédié aime à les appeler, ont une dent dure contre le mentor des républicains ivoiriens. Beaucoup continuent, à tort ou à raison, d’attribuer à Ouattara le coup d’État de décembre 1999 qui a renversé le sphinx de Daoukro. Voulant être plus royalistes que le roi, Maurice Kacou Guikahué (secrétaire exécutif du Pdci Rda et membre du Comité de haut niveau), Akossi Bendjo, Jean-Louis Billon (ancien ministre du Commerce dans le gouvernement Duncan), Kouadio Konan Bertin dit KKB, Yasmine Ouégnin, pour ne citer que ces cadres, sont prêts à tout pour humilier Bédié et son allié Ouattara. La vraie fausse guéguerre entre les cadres du plus vieux parti politique de Côte d’Ivoire autour de la mise en place de ce grand rassemblement n’est rien d’autre qu’un paravent derrière lequel se cachent en réalité les « Tout Sauf Ouattara (TSO). Il n’y a pas qu’au sein de l’opposition ivoirienne que l’on compte les TSO. A quelques vingt-quatre mois de l’échéance 2020, « les irréductibles » tentent donc de réveiller les démons de la violence et de la division. Ils caressent le secret espoir de tisser une alliance avec le Fpi de Laurent Gbagbo. En espérant rallier à leur cause les frustrés que la construction du parti unifié ne manquera pas susciter.
Le long combat contre le Rhdp
Nous sommes en 2010. Dans l’entre deux tours de la présidentielle mettant aux prises le Président sortant Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Bédié, éliminé, appelle ses militants à soutenir le candidat du Rhdp. KKB, le président des jeunes du Pdci, confesse dans les salons des cadres proches de Laurent Gbagbo qu’il ne sait comment retourner sa langue pour appeler les militants de son parti à suivre les consignes de vote de son président. Il a fallu une très bonne campagne de tous les leaders du Rhdp pour faire échec au plan des TSO. En 2015, les irréductibles espéraient prendre leur revanche. KKB, Banny, Essy Amara déclarent leur candidature à la présidentielle, malgré l’appel de Bédié à donner un second mandat à Ouattara. « Je continue de soutenir cet appel à l’union des héritiers de Félix Houphouët- Boigny, pour nous mettre autour de notre candidat qui a démontré de multiples manières ses capacités à gérer la Côte d’Ivoire en seulement quatre ans d’exercice du pouvoir. Nous devons lui donner ce second mandat qu’il mérite amplement, pour poursuivre l’oeuvre gigantesque qu’il a entamée. Cela doit constituer pour nous un devoir. », lancet- il. KKB et Banny défient Bédié et maintiennent leur candidature. La suite est connue. Qu’à cela ne tienne, ils ne démordent pas. C’est désormais autour du parti unifié que Guikahué, élu député grâce au Rhdp, et son groupe ont déterré la hache de guerre pour ”couper” la tête à tous ceux qui oeuvrent au quotidien à la réalisation du rêve cher à Bédié et Ouattara.
Adjoumani, l’homme à abattre
Plus l’échéance 2020 approche, plus les coups bas et les intrigues seront récurrents de la part de tous ceux qui ont décidé de tomber le masque. Le chef du secrétariat exécutif du Pdci en tête. Guikahué est à la manoeuvre, malgré le rappel à l’ordre du président de son parti qui ne cesse de repréciser sa pensée. « Le Rhdp, insiste ”N’Zuéba”, aura un candidat et ce candidat sera issu du Rhdp ». La première cible visée, Kobenan Kouassi Adjoumani n’a pas été choisie au hasard. En effet, le porte-parole en chef du Pdci et du Rhdp fait partie des ardents défenseurs du parti unifié. En déstabilisant l’actuel ministre des Ressources animales et halieutiques, c’est tout un pan de la stratégie de communication du Rhdp que les adversaires veulent neutraliser afin de continuer à clamer à qui veut les entendre que le « Pdci ira à l’élection présidentielle de 2020 avec ou sans les autres alliés ». Pour cet autre partisan de Bédié, le chef du secrétariat en chef du Pdci, membre du comité de haut niveau, gagnerait à batailler pour faire triompher ses positions lors des débats au sein de cette structure informelle mise sur pied par les deux leaders du Rhdp. « Nous sommes en démocratie, s’il parvient à convaincre les seize autres membres, on s’alignera.
Il ne faut pas faire injure aux houphouétistes constants que sont le Vice-président Duncan, le Premier ministre Ahoussou, les ministres Achi, Jean-Claude Brou, Kobenan Kouassi Adjoumani etc.» Pour ce cadre du vieux parti, comme dans l’esprit des initiateurs du parti unifié, c’est un long processus qui ne se décrète pas en un ou deux ans. Maintenant que le vin est tiré, les deux camps, les défenseurs du parti unifié et les irréductibles, se surveillent.
Jean Roche Kouame
Le Jour Plus