Au Fpi, Laurent Gbagbo et Affi N’guessan ne regardent plus dans la même direction. Leurs partisans respectifs s’apprêtent à célébrer séparément la fête de la liberté
Les Gbagboïstes à Duekoué les 27 et 28 avril 2019, les Affiistes à Adzopé les 3 et 4 mai 2019. Au Front populaire ivoirien (Fpi), la guerre des petites phrases consécutive au couac de Bruxelles a fait place à la bataille de terrain.
Partisans des deux camps s’affrontent par meetings interposés sur l’ensemble du territoire en prélude à la…fête de la liberté. Cette célébration annuelle est un grand moment chez les socialistes ivoiriens et fait l’objet d’un important accompagnement médiatique. Mais preuve- s’il en est besoin- que le parti fondé par Laurent Gbagbo est traversé par une crise sans précédent : la fête de la liberté sera célébrée séparément. La branche du Fpi actuellement conduite par Assoa Adou, et qui considère Laurent Gbagbo comme président du parti, fera sa fête de la liberté à Duekoué, les 27 et 28 avril ; Affi N’guessan, qui se réclame président légal, organisera avec ses soutiens, une fête de la liberté à Adzopé, les 3 et 4 mai. Les lieux de célébration sont parfaitement étudiés.
Le camp gbagboïste voudrait, au travers de sa présence à Duekoué, susciter l’intérêt de la communauté nationale et internationale vis-à-vis du peuple wè, grande victime des crises successives que le pays a connues. En conférence de presse, vendredi 19 avril, Justin Koua, porte-parole du Fpi pro-gbagbo, s’expliquait le rendez-vous de Duekoué : « ce grand rassemblement est (…) un engagement que nous allons prendre pour le combat, sans relâche, que nous devons mener afin d’interpeller la communauté nationale et internationale sur notre responsabilité commune à reconnaître le génocide subi par le peuple wê, à nous donner les moyens pour réhabiliter et rétablir ce peuple dans ses droits et enfin, à trouver ensemble les mécanismes pour la réparation des dommages ».
En choisissant Adzopé, Pascal Affi N’guessan et ses troupes se rendent dans un bastion historique du Fpi. Dans le contexte de crise aiguë qui frappe le parti, l’enjeu est flagrant : tenter d’avoir le contrôle du pays akyé en prélude aux futures échéances électorales. « C’est grâce au peuple attié que nous avons pu émerger aux yeux de toute la nation ivoirienne, comme parti politique sérieux, comme un parti politique qui pouvait incarner les aspirations des Ivoiriens. Dès ses premiers moments, nous avons eu des cellules dans la région de la Mé. Cela nous a encouragé à continuer. C’est avec l’appui de ce peuple que nous avons pu accéder au pouvoir en 2000 », concède Affi N’guessan. Le député de Bongouanou sous-préfecture achève ce mercredi une tournée de quarante huit-heures dans la Mè en prélude aux festivités de début mai. Il sait, avec ses partisans, qu’il devra tenir le pari de la mobilisation. S’il échouait à drainer des foules, ce serait un coup dur pour l’ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, dont certains lieutenants notamment Agnès Monnet, ont rejoint le camp adverse dans l’affaire du rendez-vous manqué de Bruxelles. Si, au contraire, il parvenait à mobiliser en grand nombre militants et sympathisants du Fpi, Pascal Affi N’guessan pourra se délecter d’une victoire précieuse sur ses concurrents qui ont projeté d’assécher « toutes » ses « bases ». Dimanche 7 avril, dans la foulée de la démission d’Agnès Monnet du poste de secrétaire générale du Fpi d’Affi N’guessan, Assoa Adou déclarait à la résidence des Gbagbo : « Si Mme Monnet démissionne, c’est que quelque part elle s’est rendue compte qu’Affi n’était pas un homme digne de confiance. Et nous autres militant du Fpi, compagnons de Laurent Gbagbo, ce qu’on peut dire c’est que déjà vous avez gagné la bataille. Notre rôle maintenant est de faire de telle sorte que toutes les bases d’Affi soient asséchées. Et que tous nos camarades qui l’ont suivi reviennent à la maison. C’est ce message que nous devons passer à la base.»
Sans doute, Pascal Affi N’guessan jettera toutes ses forces dans cette bataille de terrain. Il tentera d’apporter la preuve à ceux qu’il assimile volontiers à des « frondeurs » qu’il a, avec lui, un monde (plus que) respectable. De leur côté, les Gbagboïstes voudront faire la démonstration de force à Duekoué. Ces fidèles de Laurent Gbagbo ont longtemps argué qu’ils tiraient leur légitimité de la base tout en raillant la « légalité » de M. Affi. Rater la mobilisation, ce week-end, serait un scénario trop fâcheux auquel les Gbagboïstes n’osent même pas penser.
Kisselminan COULIBALY