Le régime d’Ali Bongo a-t-il réellement l’ambition d’apaiser le climat social plombé par la crise post-électorale ? L’officier de l’armée de l’air Alain Djally, détaché comme aide de camp de l’ancien président de la Commission de l’Union africaine Jean Ping, a été arrêté manu militari, ce matin à 9h à Libreville par la police judiciaire (PJ). En présence de son épouse, qu’Info241 a joint au téléphone ce jeudi soir, elle a parlé d’une perquisition violente à leur domicile, sans mandat légal, au mépris des lois en vigueur au Gabon.
Une épouse sous le choc
Interrogée , Mme Djally choquée par ce qu’elle vient à peine de vivre a expliqué les circonstances de l’arrestation musclée de son mari : « On ne sait pas pourquoi nous avons été arrêtés mon mari et moi. À 9h précisément nous faisions nos achats de journaux. Nous avons vu débarquer des hommes armés jusqu’aux dents, membres de la police judiciaire. Ils nous ont arrêté sans en préciser les motifs et nous ont conduit dans les locaux de la DGR (Direction générale des recherches, ndlr). Moi j’ai été libérée à 16h et mon mari a été présenté au juge pour être écroué à la prison centrale de Libreville. Pour quel motif ? On ne sait toujours pas » .
Poursuivant ses explications Mme Jeanne Djally, la voix tremblotante encore sous le choc, a étayé ce qui suit : « Je suis écœurée par l’insécurité généralisée qui prend de l’ampleur dans ce pays. On nous a brutalisé mon mari et moi devant nos enfants en nous arrêtant sans motif. Nous n’avons ni volé ni tué. Nous n’avons commis aucun délit, si ce n’est de jouir de notre liberté d’expression et d’opinion. Les agents de la police judiciaire ont menotté mon mari comme un malfrat. Après une perquisition à notre domicile entre 11h et midi sans mandat de perquisition ou d’arrêt. Nous vivons désormais dans un pays où l’insécurité est totale. Nous ne sommes plus en sécurité au Gabon. Les lois sur les libertés publiques sont bafouées ».
L’accès « interdit » de l’avocat du mis en cause
Selon l’avocat du proche collaborateur de Jean Ping qui a tenu un point de presse ce début de soirée à Libreville : « le soit disant motif de l’arrestation est le non permis de port d’arme. Ce qui est une totale aberration car M. Djally est un ancien agent de l’armée de l’air affecté auprès de Jean Ping depuis une quinzaine d’années. C’est un motif totalement fallacieux. Nous exigeons la libération immédiate de notre client. Nous sommes face à une manœuvre politique visant à intimider et à affaiblir Jean Ping. D’ailleurs nous avons appris de sources concordantes qu’il s’agirait d’une opération contre la garde rapprochée de Jean Ping, le prochain sur la liste serait le Pr John Nambo ».
Concernant l’arme trouvée au domicile d’Alain Djally, maître Jean Rémy Bantsantsa a fait remarquer ce qui suit : « s’il s’agit simplement de cette arme, j’ai posé la question à son épouse qui m’a confirmé que M. Djally possède bien un permis de port d’armes. Donc à ce jour, dire qu’il y a d’autres choses derrière ce dossier, les informations que nous avons sont que M. Djally a été arrêté parce qu’il serait détenteur d’une arme ou d’armes qui à ce jour ne nous ont pas été montrées ». Tout en affirmant : « Je me suis rendu à la DGR pour en savoir en plus et j’ai été évidemment baladé comme d’habitude lorsque les avocats arrivent dans les brigades de gendarmerie ou les commissariats de police. On m’a entraîné de bureaux en bureaux et chacun prétendait qu’on ne connaissait pas ce monsieur et qu’il n’était pas dans les geôles de la gendarmerie ».
Alors ce qui est curieux, a martelé maître Bantsantsa, « nous avons constaté et je n’étais pas seul étant accompagné de certains membres du cabinet de M. Ping, le véhicule de M. Djally était bien stationné à la DGR. Son épouse a été arrêtée en même temps que lui à la DGR avant d’être relâchée. Et c’est elle qui est venue nous dire que son époux est arrêté à la DGR. Donc vous comprenez que dans ce type de dossier, il y a une manière de faire qui est loin d’être dans les règles normales d’une procédure. Qu’est-ce qui se passe ? C’est toujours le même mystère lorsqu’il y a des dossiers qui concernent bien entendu l’entourage de M. Ping. En précisant que la femme de M. Djally a un moral ébranlé. Elle est arrivée en pleurs et dans une totale incompréhension suite à l’arrestation jugée arbitraire de son époux ».
« Une séquestration de personnes dépositaires de l’autorité publique »
Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, porte-parole de la coalition des partis de l’opposition autour de Jean Ping n’est pas allé dans le dos la cuillère en déclarant : « L’arrestation arbitraire de Monsieur Alain Ndjally, assistant personnel de Jean Ping, est en définitive un enlèvement et une séquestration arbitraire exécutée par les fonctionnaires de la Direction générale de recherches (DGR) de la Gendarmerie nationale. Les agents se réclamant de la DGR les ont enlevé, son épouse et lui ce matin, alors qu’ils sortaient de leur domicile. Ils ont été conduit dans les locaux de la DGR sans mandat. Son épouse a été libérée en milieu de journée, mais Alain y est toujours retenu. Son avocat qui s’est présenté n’a pas été autorisé à le voir et il lui a été répondu qu’Alain ne s’y trouvait pas. Alors que son épouse et lui y ont été conduits ce matin ».
Avant d’exprimer son indignation en ces termes :« Son domicile a été fouillé par ces mêmes personnes, sans avoir présenté un mandat de perquisition. Nous nous trouvons en face d’une situation inqualifiable de violation des droits de la personne d’Alain Ndjally de séquestration par des personnes dépositaires de l’autorité publique. Le pouvoir, une fois de plus montre à la face du monde son vrai visage. Celui d’un pouvoir autocratique et brutal que les Gabonais sont déterminés comme jamais à se libérer ».
Rappelons que M. Alain Djally, est un ancien militaire de l’armée de l’air. Il a pris régulièrement sa retraite. Il est à côté de Jean Ping depuis son passage au ministère des Affaires Étrangères. Puis, il a été avec le diplomate gabonais à New York lorsqu’il siégea au Conseil de sécurité de l’ONU et à Addis-Abéba lorsqu’il fut président de la Commission de l’Union africaine. Affaire à suivre…
AFP