En annonçant la mise en alerte de la force de dissuasion de l’armée russe, Vladimir Poutine brandit une nouvelle fois l’arme nucléaire, dont l’arsenal est important.
e continent européen se crispe après l’annonce deVLADIMIR POUTINE , qui franchit une nouvelle étape sur le plan militaire. Ce dimanche, le président russe a annoncé mettre en alerte la « force de dissuasion » de l’armée russe, qui peut comprendre une composante nucléaire, au quatrième jour de l’invasion de l’Ukraine par Moscou. « Il ne s’agit pas d’une menace nucléaire classique. Cela signifie qu’un ensemble d’actions vont être prises afin que la Russie soit rapidement prête à utiliser l’arme nucléaire », indique à L’Express Jean-Marie Collin, expert et co-porte-parolede la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires Ican, pour la France. Le chef du Kremlin a justifié cette décision par les « déclarations belliqueuses de l’Otan » envers la Russie. Il en a profité pour critiquer les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie pour son invasion de l’Ukraine, selon lui « illégitimes ».
Concrètement, les forces de dissuasion russes sont un ensemble d’unités dont le but est de décourager une attaque contre la Russie, « y compris en cas de guerre impliquant l’utilisation d’armes nucléaires », selon le ministère de la Défense. Depuis le début de l’invasion ukrainienne – qui a commencé jeudi 24 février – le chef de Moscou n’a cessé d’agiter la menace nucléaire, en faisant plusieurs fois allusion à l’arme atomique. A l’instar de son discours prononcé le 24 février, avant l’invasion de son voisin : le chef de l’Etat menace ceux qui s’opposent au conflit de « conséquences que vous n’avez encore jamais connues ».
Mais de quoi est composé l’arsenal nucléaire russe ? « La Russie représente la deuxième puissance en termes de capacité nucléaire militaire. Elle dispose un peu moins de 5000 armes nucléaires (4500 armes nucléaires selon les chiffres les plus récents) », indique Jean-Marie Coll
Les forces russes sont équipées de missiles, de bombardiers stratégiques, de sous-marins et de navires de surface. Sur le plan défensif, elles comprennent un bouclier anti-missile, des systèmes de contrôle spatiaux, de défense antiaérienne et antisatellite. Avec les Américains, les Russes sont les seuls à posséder toute la gamme des armes nucléaires stratégiques. Si neuf pays disposent d’armes nucléaires, les 90% de l’arsenal mondial appartiennent à la Russie et les Etats-Unis selon les données du STockholm international peace research institute . Jean-Marie Collin donne le détail : « Sur cet arsenal, une partie est déployée de manière permanente, dans des sous-marins notamment, une autre partie est disposée au sol dans des missiles balistiques, d’autres dans des trains nucléaires… » Par ailleurs, la Russie possède le « Satan 2 », un missile nucléaire capable de raser un pays de la taille de la France. Sa capacité d’action peut s’étendre jusqu’à 10 000 kilomètres.
« Qu’est-ce qui va se passer ensuite ? »
Pour l’aspect historique, la Russie s’est dotée de l’arme nucléaire en 1949. Moscou s’est rapidement engagé dans une course aux arsenaux nucléaires particulièrement agressive jusqu’au début des années 1990. Ainsi, les capacités nucléaires russes sont bien plus importantes que celles de la France, puisque l’Hexagone ne dispose « que » de moins de 300 armes nucléaires. « Mais ce qui est surtout important de comprendre, c’est qu’il suffirait d’engager une fraction de cet arsenal français ou russe pour entraîner une catastrophe humanitaire globale », alerte Jean-Marie Collin. Une chose est sûre : l’annonce de Vladimir Poutine marque un nouveau tournant dans cette guerre.
Sur Twitter, le chercheur Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire, spécialiste des Etats-Unis, va jusqu’à dire qu’on « est désormais, peut-être, dans la pire crise géopolitique mondiale depuis Cuba 1962. »
Alors que les troupes russes se heurtent à la résistance des forces ukrainiennes, Poutine souffle le chaud et le froid, oscillant entre souhait de négocier et chantage nucléaire. « Là où l’on se trouve dans une situation inédite, c’est qu’après l’escalade des mots, on a une action qui se met en place. qu’est ce qui va se se passer ensuite ?, s’interroge l’expert. Après l’annonce de Moscou, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a dénoncé ce dimanche la conduite « irresponsable » du Kremlin. « C’est une rhétorique dangereuse. C’est une conduite qui est irresponsable », a-t-il déclaré sur la chaîne CNN.
Selon le secrétaire général de l’organisation, la nouvelle déclaration de Vladimir Poutine vient s’ajouter au discours « très agressif » venant de la Russie « depuis plusieurs mois et particulièrement ces deux dernières semaines ». De leurs côtés, les Etats-Unis ont dénoncé ce dimanche une escalade « inacceptable » par Moscou, Washington accusant Vladimir Poutine de « fabriquer des menaces qui n’existent pas ». Entré en vigueur en janvier 2021, le traite d’interdiction des armes nucléaires avait été ratifié par 59 Etats. Cependant, il n’a pas été signé ou ratifié par les pays détenteurs de l’arme atomique. « On en paie les conséquences aujourd’hui avec une interrogation sur ce que peut réaliser Vladimir Poutine », estime Jean-Marie Collin.