Jean-Pierre Bemba a été condamné, mercredi 22 mars, à un an de prison et 300 000 euros d’amende pour « atteinte à l’administration de la justice » par la Cour pénale internationale (CPI). Une peine qui s’ajoute aux dix-huit ans auxquels l’ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC) avait été condamné, en juin 2016, pour « crimes contre l’humanité » et « crimes de guerre » commis en Centrafrique en 2002 et 2003.
Au cours de ce premier procès, Jean-Pierre Bemba avait corrompu quatorze témoins, avec l’aide de quatre complices. A l’époque, son avocat, Me Aimé Kilolo, et l’un des membres de la défense, Jean-Jacques Magenda, avaient mis en place « un plan commun » pour persuader des témoins de déposer en faveur de Jean-Pierre Bemba. En échange de leurs dépositions, ces personnes avaient reçu des sommes allant de 600 à 800 euros, du matériel informatique et, pour certains, la promesse d’un passeport pour l’Europe.
Quant au député congolais Fidèle Babala, il a transféré les fonds à deux des témoins et a été condamné à six mois de prison, qu’il a déjà purgés. Les accusés avaient passé onze mois en préventive dans la prison des criminels de guerre de Scheveningen, proche de la Cour de La Haye. Le dernier des prévenus, Narcisse Arrido, avait incité quatre témoins à préparer leurs faux témoignages, et a été condamné à onze mois, déjà purgé.
« Utilisation du secret professionnel »
Les juges ont reproché à Me Kilolo l’« utilisation abusive du secret professionnel ». L’avocat avait bénéficié de communications privilégiées avec son client, jusqu’à ce que le procureur décide, en 2013, d’ouvrir une enquête après avoir été alerté par un indicateur anonyme.
Par son jugement, la CPI dit espérer « dissuader » l’avocat un tel comportement, « de votre part et d’autres personnes », mais a néanmoins pris en considération ses actions pour promouvoir « la justice en RDC » et ses travaux passés pour Avocats sans frontières. L’avocat a été condamné à trente-six mois de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende, qui seront versés à un fonds dédié aux réparations allouées aux victimes des crimes de guerre jugés par la Cour.
Selon Xavier-Jean Keita, le chef du bureau de la défense, le greffe peut désormais décider de rayer ou non l’avocat de la liste de ceux habilités à plaider devant la Cour. Mais Me Kilolo a pour l’instant d’autres préoccupations, puisqu’il est, depuis janvier, chef de cabinet du ministre du tourisme congolais à Kinshasa. Peu après l’audience, l’avocat se disait satisfait et assurait que ses relations avec Jean-Pierre Bemba étaient au beau fixe. « Après avoir défendu une personne pendant tant d’années, nous avons des relations humaines. Je n’ai aucune raison de lui en vouloir de quoi que ce soit, nous avons de très bonnes relations. »
« On cherche un leader »
Les quatre complices de Jean-Pierre Bemba sont tous ressortis librement de l’audience. Quant au « chairman », comme l’appellent ses partisans, il est retourné dans sa cellule de La Haye où il est incarcéré depuis mai 2008, après son arrestation en Belgique où il résidait alors.
Représentante du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) en Europe, le parti de Jean-Pierre Bemba, Marie Louise Efekele se dit soulagée et compte sur sa libération prochaine. « Le pays est paralysé politiquement et on cherche un leader depuis la mort d’Etienne Tshisekedi. On espère des élections en décembre, et s’il y a une transition, nous espérons que d’ici là, il sera libre. Il reste trois ans s’il bénéficie d’une remise de peine. » Les condamnés peuvent en effet demander une première remise de peine après en avoir purgé les deux tiers.
De son côté, le bureau du procureur n’a pas indiqué s’il ferait appel de la décision. « Notre espoir [est] que cette affaire et le résultat d’aujourd’hui auront un effet dissuasif sur la commission de tels crimes dans les futures procédures », a-t-il déclaré dans un communiqué. Par le passé, la Cour a émis trois mandats d’arrêt contre des Kényans pour avoir intimidé des témoins. Mais les trois suspects n’ont jamais été livrés à la Cour par Nairobi.
stephanie maupas