La décision de la Cour suprême du Kenya d’annuler l’élection présidentielle du 8 août a été saluée pour son « courage » et le précédent qu’elle établit pour l’Afrique, mais sa portée, estiment les analystes, dépendra beaucoup de l’attitude des dirigeants kényans et de la crédibilité du nouveau scrutin.
– Une décision « historique » –
La proclamation de la victoire du président sortant Uhuru Kenyatta par la Commission électorale (IEBC) a été déclarée « invalide et nulle » vendredi par la Cour suprême, qui a évoqué des « irrégularités » dans la transmission des résultats après avoir été saisie par le candidat d’opposition Raila Odinga.
« C’est une décision historique, une première en Afrique », continent traversé de crises électorales plus ou moins violentes, estime Murithi Mutiga, du centre d’analyse International Crisis Group, rappelant que M. Odinga avait été débouté par cette même Cour suprême – alors composée d’autres juges – en 2013.
« Cela veut dire que le Kenya, une des sociétés les plus ouvertes d’Afrique, gagne en maturité démocratique. Cela veut aussi dire que, désormais, l’opposition peut se tourner vers la justice et partir du principe qu’elle sera équitable », ajoute-t-il.
Pour Nic Cheeseman, professeur de politique africaine à l’université de Birmingham, beaucoup d’observateurs s’attendaient à une décision « conservatrice » basée sur la décision de 2013, alors vilipendée pour son recours à une jurisprudence discutable et ses nombreuses arguties procédurales.
Pour Amnesty International, cette décision prise dans un pays où les accusations de fraudes électorales accompagnent chaque scrutin « démontre l’indépendance du système judiciaire kényan et montre l’exemple au reste du monde ».
Le jugement « renforce la constitution » progressiste adoptée en 2010, mais « va aussi soulever de nombreuses questions au sujet des observateurs électoraux étrangers, qui avaient massivement salué la bonne tenue du jour du scrutin », relève par ailleurs un diplomate africain, sous couvert de l’anonymat.
AFP