l’ex-Premier ministre kényan (2008-2013) Raila Odinga, désigné jeudi candidat de la coalition de l’opposition pour la présidentielle du 8 août, affrontera le chef de l’Etat sortant Uhuru Kenyatta dans une réédition de l’élection de 2013.
Lors d’un rassemblement géant réunissant plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le principal parc du centre de Nairobi, Uhuru Park, la coalition d’opposition baptisée NASA a mis fin à plusieurs mois de suspense et d’intenses tractations en annonçant son ticket présidentiel.
Raila Odinga, 72 ans et vétéran de la scène politique kényane, déjà trois fois candidat malheureux à la présidence (1997, 2007 et 2013), conduira ainsi l’opposition à la bataille de la présidentielle avec Kalonzo Musyoka, candidat au poste de vice-président, une fonction que ce dernier occupait dans un gouvernement d’union nationale entre 2008 et 2013.
Un troisième poids lourd de l’opposition, Musalia Mudavadi, occupera en cas de victoire le poste de « ministre en charge de la coordination du gouvernement », équivalent de la fonction de Premier ministre qui n’existe pas dans l’actuelle Constitution kényane.
L’élection présidentielle d’août 2017 sera donc un remake de celle de mars 2013, le ticket Odinga/Musyoka étant de nouveau opposé à celui d’Uhuru Kenyatta et de son vice-président William Ruto.
« C’est un grand honneur et je l’accepte », a déclaré jeudi M. Odinga, qui avait été battu dès le 1er tour en 2013. Il avait alors dénoncé des irrégularités avant d’accepter la validation des résultats par la Cour Suprême. M. Mudavadi avait, lui, fait cavalier seul au scrutin précédent, récoltant moins de 4% des voix.
– ‘Manque d’intégrité‘ –
L’annonce de la désignation de Raila Odinga a été accueillie par les vivats de la foule, chauffée à blanc par les leaders de NASA qui appelaient leurs militants à renvoyer Kenyatta et Ruto « nyumbani » – « à la maison » en kiswahili – dénonçant leurs « inaptitude et manque d’intégrité ».
Les citoyens de la première économie d’Afrique de l’Est se rendront aux urnes le 8 août pour des élections générales, 10 ans après les pires violences électorales de l’histoire du pays (plus de 1.100 morts), alimentées par des doutes substantiels sur la crédibilité de la réélection de Mwai Kibaki.
M. Odinga, issu la communauté Luo et déjà à la tête d’une coalition de l’opposition, avait dénoncé à l’époque des fraudes massives. Les sympathisants de l’opposition, notamment dans ses fiefs électoraux de l’ouest du pays, étaient massivement descendus dans les rues.
La violente répression de ces manifestations par les forces de sécurité, qui avaient reçu l’ordre de « tirer pour tuer », avait fait près de la moitié des victimes de 2007/2008. L’autre moitié avait été le fruit de violences politico-ethniques attisées par la compétition électorale, notamment dans la vallée du Rift (centre) et dans les bidonvilles de Nairobi.
Le 8 août, quelque 19 millions d’électeurs sur une population estimée à environ 46 millions d’habitants par la Banque mondiale seront appelés à élire leurs président, gouverneurs, députés, sénateurs et membres des assemblées locales.
Les élections au Kenya se jouent rarement sur des programmes, beaucoup plus sur des sentiments d’appartenance ethniques et géographiques.
MM. Kenyatta et Ruto comptent sur le soutien massif de leurs communautés – Kikuyu pour M. Kenyatta, Kalenjin pour M. Ruto – pour l’emporter. Il mettent en avant leur bilan en terme de développement des infrastructures, de meilleur accès à la santé et de raccordement de nombreux foyers à l’électricité.
Des avancées contestées point par point par l’opposition, qui dénonce les nombreux scandales de corruption éclaboussant le gouvernement.
En 2013, MM. Kenyatta et Ruto, dont les ethnies s’étaient violemment affrontées pendant les violences de 2007/08, étaient poursuivis par la Cour pénale internationale en raison même de ces violences, poursuites qui ont depuis été abandonnées.
En face, NASA regroupe cinq poids-lourds de la politique kényane, et a affiché jeudi une unité qui, si elle perdurait jusqu’au scrutin, pourrait inquiéter le président sortant.
AFP