Confronté à un accueil des plus calamiteux, à une humiliation sans précédent infligée par la diaspora gabonaise lors de son dernier séjour à Paris, le 12 décembre 2017 pour le One Planet Summit, le despote monarchiste Ali Bongo, ne pouvait souffrir de voir sur les réseaux sociaux l’accueil triomphal préparé par les gabonais à Jean Ping, le chef de file de la Coalition de l’opposition qui revendique toujours sa victoire à la dernière présidentielle du 27 août 2016 en se présentant comme le véritable Président élu du Gabon. C’est dans ce contexte qu’intervient une convocation de Jean Ping en vue d’une audition, lui interdisant de partir pour la France. Nous vous livrons dans les lignes qui suivent l’analyse du collectif Gabon Démocratie qui regorge des juristes engagés pour la restauration état de droit et le respect des droits de l’homme en terre gabonaise
Débilité, illettrisme, incompétence, forfaiture … les qualificatifs ne manquent pas pour désigner l’auteur malheureux, à savoir Marie Christine Lebama, premier juge d’instruction, de la convocation à titre de renseignement assortie d’une interdiction de quitter le territoire adressée le 12 janvier 2018 à Jean Ping, Président de la République gabonaise depuis le 27 août 2016.
C’est sur le fondement de ce document aussi ubuesque qu’illégal qu’une bande de malfrats en uniforme a empêché le Président de la République à prendre son vol à destination de Paris. Si la compromission de nombreux magistrats ne fait plus de doute, il est cependant nécessaire d’analyser les implications à tirer de cette nouvelle forfaiture. Un petit cours de « Droit pour les nuls » s’impose manifestement.
Parée de la vertu de la légalité, l’ » AS » de la procédure pénale gabonaise, sur le fondement de l’art.77 du C.Proc.Pen qui vise la citation en cause, se sent encore pousser des ailes. En effet, le dit article énonce que : « Le Juge d’Instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il Juge utiles à la manifestation de la vérité ».
L’application de cet article par la magistrate zélée est une illustration de plus, s’il en fallait encore, de l’illettrisme qui frappe une partie non négligeable de la magistrature gabonaise. Marie Christine n’aura retenu et compris que le segment : « à tous les actes d’information qu’il Juge utiles à la manifestation de la vérité ». Diantre ! Il s’agit d’une interprétation des plus extensives et permissives de l’art.77 sus référencé qui ne tient aucunement compte de ce préalable imposé, à savoir : « conformément à la loi ». Quelle bêtise !
C’est cette expression qui fonde l’illégalité de la convocation adressée au Président Jean Ping, qui fait de cette citation à comparaître un chiffon car la loi est claire. Ne dit – on pas que lire c’est bien, mais comprendre, c’est encore mieux ? En matière d’audition de témoins, car c’est semble-t-il de cela qu’il s’agit, l’art.90 du code de procédure pénale en énonce que : « Le Juge d’Instruction fait citer à comparaître devant lui, par un huissier ou un agent de la force publique, toute personne dont l’audition paraît utile à la manifestation de la vérité ».
Il est précisé à l’art.91 du même code que l’absence du témoin convoqué est sanctionnée d’ « une amende de 20.000 à 100.000 francs CFA. » Au surplus, selon l’art.91 al 3, l’intéressé peut se voir « décerner un mandat d’amener » par le juge d’instruction. Ainsi, il apparaît clairement que dans son ignorance coupable, Marie Christine viole les dispositions encadrant la procédure d’audition ! Mais les implications sont bien plus lourdes. En effet, en agissant ainsi, la magistrate zélée se substitue au législateur en imposant une peine non prévue par la Loi dans la procédure en cause. Elle crée ainsi le droit au mépris du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Quelle mégalomanie !
Exit l’art 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, intégrée au bloc de constitutionnalité gabonais qui interdit l’application de peines non expressément prévues par la loi. Il s’agit du célèbre principe de légalité des peines, pourtant cher aux vrais magistrats, et fondamental dans la plus part des systèmes judiciaires des Etats démocratiques et modernes. Il est cependant fort probable que Madame Lebama n’ait jamais lu le texte de la Déclaration des Droits de L’Homme et du Citoyen ou qu’elle ne l’ait pas compris. Peut – être, devrait-elle se reporter au plus accessible art.5 du Code Pénal, modifié par la loi n°19/93 du 27 Août 1993, lequel dispose : « Nul crime, nul, délit, nulle contravention ne peuvent être punis de peines qui n’étaient pas prononcées par la loi ou le règlement avant leur commission ».
Ne peut – on lire à travers cette attitude de Madame » la première juge d’instruction « , une manifestation de l’art.132 du code pénal qui punit de destitution, notamment les juges, (en l’occurrence) qui se seront « immiscés dans l’exercice du pouvoir législatif (..) en arrêtant ou suspendant l’exécution d’une ou plusieurs lois(…) » ? En effet, l’interdiction de quitter le territoire imposée au Président Ping pour une éventuelle absence lors d’une audition du témoin, contrevient, voire suspend l’effectivité des art.8 de la DDHC et 5 du code pénal susmentionnés.
Mais ne peut – on aller plus loin à travers l’art.142 du code précité qui punit d’une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans, tout juge, (pour ne citer qu’eux), » qui aura détruit, supprimé, soustrait ou détourné les actes ou titres dont il était dépositaire(…) » ? Profiter ainsi de sa qualité de magistrat pour non seulement se substituer au législateur mais aussi pour détourner une citation à comparaître en vue de légaliser une interdiction de quitter le territoire qui ne ressort même pas de ses compétences ne correspond – il pas au détournement d’acte relevé à l’art.142 susmentionné ? Cette interrogation appelle à une réflexion profonde des magistrats corrompus qui se sentent au dessus de la loi en raison de leur statut particulier mais surtout de leur allégeance aveugle à un tyran aujourd’hui sur le déclin.
Relèvera – t – on par ailleurs, que la liberté des individus d’aller et venir sur le territoire national est un droit, une liberté fondamentale, protégée à plusieurs échelons du système juridique et conventionnel gabonais. Elle ne peut donc être mise en œuvre que de façon exceptionnelle, par une autorité exceptionnelle. Il ne peut en aucun cas s’agir d’une sanction de simple droit commun dont relève l’audition de témoin !
Cette prérogative, selon toute vraisemblance et en vertu de sa gravité, n’échoit – elle pas au ministre de l’intérieur ?! La mégalomanie de Marie Christine Lebama n’a – t – elle point de limite ?! Il est d’ailleurs étonnant d’observer le silence complice … ou soumis du ministre concerné, Lambert-Noël Matha, d’habitude si prompte à réclamer le strict respect de la Loi ( qu’il viole cependant lui même au quotidien pour les besoins du nouveau monarque Ali Bongo ). Et que dire de l’absence de Francis Nkea, ministre de tutelle, qui avait dénoncé une corruption généralisée de la magistrature, dédouanant de fait, et à tort, la mainmise coupable du pouvoir exécutif et politique sur ce corps de métier.
Compte-tenu de ce qui précède, il est indispensable de rappeler à chaque citoyen gabonais que, l’action de Marie Christine Lebama, aussi condamnable soit – elle, ne doit pas remettre en cause la sincérité du Synamag dans son combat, réclamant notamment, sur le fondement de la Constitution et du statut des magistrats, l’effectivité de la séparation des pouvoirs à travers l’éviction du pouvoir exécutif et politique du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Dans ce nouvel épisode qui traduit la fébrilité, le naufrage du « capitaine » Ali, les gabonais doivent plus que jamais se parer du Vert Jaune Bleu national car ils sont face à un Ali Bongo Ondimba, désespéré, qui ne reculera devant rien pour tenter de retarder sa chute certaine. Même s’il feint d’ignorer que la présence de Jean Ping à Paris n’est qu’une formalité. L’essentiel est déjà enclenché !
Collectif Gabon Démocratie