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Mabri viré, Flindé en puissance…Ouattara prend un gros risque dans la conquête de l’Ouest divisé

Par Connectionivoirienne

Alassane Ouattara a procédé à un réaménagement technique du gouvernement mercredi, au lendemain de son entretien par visioconférence avec son premier ministre en séjour médical à Paris. Cette nouvelle version de l’équipe gouvernementale a été fatale au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Albert Mabri Toikeusse, le seul à avoir perdu son poste.

Le président de l’Udpci, présenté comme le véritable dernier allié d’Alassane Ouattara depuis la signature de l’accord de Paris en octobre 2005, était ces derniers temps en désaccord avec celui-ci. La pomme de discorde fut la désignation le 12 mars 2020 d’Amadou Gon Coulibaly, candidat du Rhdp sous l’instigation d’Alassane Ouattara. Depuis ce 12 mars, la cohésion du parti au pouvoir s’est détériorée et le ministre des Affaires étrangères au moment des faits, Marcel Amon Tanoh a rendu sa démission dans la foulée. Seul Mabri, tardait à concrétiser son droit à la différence. Ce mercredi, il a été poussé à la porte. Le chef de l’Etat met ainsi fin à deux longs mois d’hésitation et de manque d’engagement de celui qui lui apporta un soutien précieux dans la bataille de 2010 face à l’ancien président Laurent Gbagbo.

Mabri est donc sorti du gouvernement. Un remake de 2016, lorsque président de l’Udpci, il avait refusé d’aller aux législatives sous la bannière Rhdp. Cette fois, à six mois de la présidentielle d’octobre où le parti présidentiel a besoin de présenter une meilleure image, Ouattara a fait un pari fort risqué. Après s’être aliéné une partie de l’électorat du nord par l’éviction de Soro Guillaume, se débarrasser de Mabri pourrait délester le Rhdp de l’électorat de l’Ouest montagneux. Dans la configuration de 2010, l’Udpci s’était révélée la première force politique de cette région devant la Lmp de Laurent Gbagbo, le Rdr et le Pdci se disputant çà et là la 3e place. Mabri y avait récolté plus de 80 % de ses 100 mille et quelques voix le plaçant 4e au premier tour.

En 2020, les choses ont-elles sensiblement changé ? En Côte d’Ivoire, l’électorat reste encore régionaliste et tributaire de certaines considérations d’ordre sociologique. Le bilan de la gouvernance et le programme comptent certes mais au constat, ils ont encore peu d’influence sur le réflexe du votant. A six mois de l’échéance 2020, Albert Flindé qui fait son entrée au gouvernement au détriment de Mabri peut-il inverser considérablement les tendances ? Albert Mabri Toikeusse c’est au moins 20 ans d’influence sur une partie de la Côte d’Ivoire qui a basculé dans le parti créé par l’ancien chef de la junte Robert Guéi arrivé au pouvoir en décembre 1999. Il serait difficile de construire un nouveau leadership en six mois et incliner la balance en faveur du Rhdp. Pour certains militants de l’Udpci, Flindé n’a pas le coffre pour mener cette bataille qui se présente comme un défi pour lui. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il est enrôlé pour affaiblir Mabri. Laurent Gbagbo avait misé sur lui quand il le nommait dans son gouvernement. Ouattara l’a également déjà essayé. Il ne s’était pas montré à la hauteur de la tâche. Mabri a toujours pris le dessus.

Cette fois, Albert Flindé a la double mission de désintégrer l’Udpci et d’implanter le Rhdp dans toute la région en l’espace de quelques mois. Autant dire que la guerre des Albert n’aura pas lieu. Et Mabri le sait si bien qu’il n’a pas osé ouvrir les hostilités après son limogeage. Il sait que Ouattara ne prendra pas le risque de se défaire de lui. Pour l’instant il reste au Rhdp en attendant une nouvelle fois son heure.

SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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