Paquinou en pays Baoulé: Comment le décès de Bédié et le jeûne musulman plombent l’édition 2024

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Paquinou en pays Baoulé: Comment le décès de Bédié et le jeûne musulman plombent l’édition 2024

PAR Ernest FAMIN

La célébration de « Paquinou » en pays baoulé cette année 2024, se situe dans un double contexte spirituel et mortuaire. Le décor festif auquel est coutumier le peuple baoulé dans les villes et villages du V baoulé, va connaître une variation à un degré moindre. Et pour cause, le décès de feu le Président Henri Konan Bédié. 

Dans 48 heures, la Pâques, fête d’essence religieuse, sera célébrée par l’ensemble des communautés chrétiennes. Le peuple baoulé, qui a fait de cette fête religieuse, une singularité, s’organise également à la célébrer. D’où, l’appellation « Paquinou ». Dans les villages et sous-préfectures des villes baoulés, les préparatifs vont bon train. Les mutuelles et comités d’organisation sont à pied d’œuvre pour un succès de ce rendez-vous festif. Sauf que cette année, Paquinou aura lieu dans un contexte différent. Elle coïncide non seulement avec le jeûne musulman, mais surtout avec les obsèques de l’ex-chef de l’État Henri Konan Bédié. Décédé le 1er août 2023 dans sa ville natale à Daoukro, ses obsèques sont prévues du 20 au 2 juin 2024. Le peuple baoulé dont une partie se reconnaît en ce leader politique qui a dirigé le PDCI-RDA de 1993 à août 2023, n’entend pas célébrer cette fête comme à l’accoutumée. Bien que le menu habituel qui meuble ces festivités soit resté invariable, il ne connaîtra pas tout de même la même intensité, affirme des élus et présidents de comité d’organisation de Paquinou de plusieurs localités du V baoulé.  Les festivités vont se dérouler dans un esprit de sobriété, soutiennent ces cadres pour une simple raison, respecter la mémoire de l’illustre disparu. Selon Olivier Akoto, député de la circonscription de Daoukro, « la Côte d’Ivoire est en deuil et ce deuil frappe tous les Ivoiriens et particulièrement, les populations de la région de l’Iffou et singulièrement Daoukro.

La sobriété recommandée dans les villages baoulés    

Mais face à cette situation exceptionnelle, nous en tant qu’élus, nous observons d’abord, un recueillement et la prière pour la mémoire du président Bédié et invitons nos parents à fêter dans la sobriété », a soutenu ce député, promoteur du plus important festival de Daoukro (FICAD). C’est d’ailleurs, l’une des raisons du report de ce festival qui devrait se tenir pendant ces festivités pascales.  « C’est pour donner le ton à cette posture de sobriété que nous avons reporté l’événement major culturel de l’Iffou qui est le FICAD, festival international de la culture et des arts de Daoukro qui devrait se tenir en cette période de Pâques, aura lieu finalement du 10 au 17 août 2024 et ce, en raison des obsèques du président Bédié », a-t-il dit. Poursuivant, Olivier Akoto a indiqué la forme que vont prendre les rencontres : « Nos parents vont se retrouver dans les villages et à bien d’autres lieux, c’est clair qu’au-delà de la prière pascale, ces retrouvailles vont se faire sous forme de réunions, d’échanges pour le développement de notre localité, mais l’aspect festif de Paquinou auquel nous sommes habitués, va se faire dans la plus grande sobriété. N’empêche que les rassemblements vont se faire, mais en étant dans ces rassemblements, il faut avoir une pensée pieuse pour le président Bédié ».  

Dans la région du Bélier, c’est la même atmosphère de sobriété qui est privilégiée en signe de respect pour la mémoire du président du PDCI-RDA, a souligné Brou Célestin, président du Comité d’organisation de Paquinou 2024 Alialikro et Bolikro, sous-préfecture de Moronoublé dans le département de Didievi : « Le président Bédié est un homme politique de grande envergure et a été arraché à notre affection. Non seulement, la Côte d’Ivoire tout entière est en deuil, mais bien entendu, le peuple baoulé est en deuil. Mais comme on ne peut pas laisser Paquinou, on va la célébrer dans la sobriété », a-t-il soutenu. 

La communauté musulmane n’est pas impliquée

Paquinou n’est pas l’affaire exclusive des baoulés. Des invités de toutes les régions du pays et même des ressortissants des pays étrangers, effectuent le déplacement dans le centre du pays pour participer à la fête.  Les musulmans, au nombre des invités, ne boudaient pas leur plaisir. Cette année, c’est une autre réalité, en raison du Ramadan qui se poursuit en pleine célébration de la Pâques. Les habitués de Paquinou ne pourront honorer le rendez-vous festif, a souligné Brou Célestin : « (…) J’ai des amis musulmans et libanais musulmans qui avaient bien voulu venir, mais malheureusement, la fête coïncide avec le jeûne musulman ».

Ce qui va se faire à Koumassi

À Abidjan, à la place In’Challa, la communauté musulmane n’a pas été officiellement invitée à la 4e édition du festival « de la Pâques autrement », contrairement aux autres, a révélé Kouassi Pauline, la promotrice de ce festival. « Nos invitations se font par communauté. Mais cette année, la communauté musulmane n’a pas été invitée en raison du jeûne musulman ».

Kouassi Pauline a indiqué néanmoins un fort engouement autour de l’évènement à Abidjan : « Les gens sont motivés autour de l’événement. Tout le monde ne va pas au village. De plus en plus, tout le monde commence à s’intéresser à Paquinou. Avant, c’était une affaire de baoulé en plus des chrétiens. Mais à l’avenir, les baoulés risquent de ne plus être les seuls à charger cette fête. Il est fort probable de ne plus avoir du monde dans leurs villages pendant Paquinou, parce que les autres peuples qui commencent à prendre goût à cette fête, vont aller chez eux pour célébrer Paquinou. La preuve, quand on se retrouve à la place In’challa, il n’y a pas que les baoulés ».

Ernest Famin