POLITIQUE :.A cette allure l’armée peut prendre le pouvoir en Cote D’ivoire

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POLITIQUE :.A cette allure l’armée peut prendre le pouvoir en Cote D’ivoire

 


« Que vaut la chaîne de commandement quand des soldats sont obligés de se mutiner pour trouver solution à leur problème ? Il y a eu des défaillances, affirmait
le 22 janvier 2017 Joël N’Guessan, porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), le parti présidentiel. Certaines personnes n’ont pas joué leur rôle ou n’ont pas suffisamment pris leurs responsabilités. »

La crise post électorale a lourdement affecté le quotidien ivoirien. La période d’anomie consécutive aux combats d’Abidjan a entraîné des moments de doute et d’incertitude dont les conséquences sécuritaires seront envisagées à la fois relativement aux personnes et aux biens mais également à leurs incidences sur l’économie nationale.

Je n’ai pas pour le moment la maîtrise de la rue et des hommes qui sont sous mes ordres » Un tel aveu d’impuissance du ministre de la défense Hamed Bakayoko est le signe du désordre qui règne dans les services de sécurité constitués par les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui sont à la fois la police, la gendarmerie, l’armée …Communément surnommées « Forces Reconnues par la Communauté Internationale », la boutade locale les désigne également sous le sobriquet de « Frères Cissé ». Une telle appellation dénote encore du caractère régionaliste de la nouvelle armée qui ne présente pas, en l’état actuel, les caractéristiques d’une armée nationale en dépit de la fusion forcée des ex-FDS et des ex-FAFN. La quasi-totalité des militaires est issue de la seule région septentrionale de la Côte d’Ivoire et s’exprime en langue locale (Dioula) alors que la langue officielle est le français, reflexe identitaire qui n’est pas pour rassurer  En outre, l’appellation de « forces républicaines » renvoie au RDR (Rassemblement Des Républicains) du Président Alassane Ouattara pour lequel elles ont toujours affirmé se battre sous leur précédente appellation de Forces Nouvelles. L’idéal terminologique récemment décidé est un retour au sigle initial : les FANCI (Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire) conforme à la constitution, loi fondamentale de la République. Il reste donc à attendre que ce changement récemment proposé soit opérer. A terme, la fusion des deux armées, FANCI et FAFN, est essentielle pour cimenter l’armée nouvelle. Toutefois, les projets de recrutement envisagés actuellement dans le cadre de l’institutionnalisation militaire de l’ex-rébellion n’accordent aucun égard à la diversité géographique et sociologique des populations ivoiriennes. L’ancienne armée étant composée d’environ 16 000 éléments d’origines diverses, le recrutement de 11 000 éléments favorables au nouveau régime (8 700 hommes issus des FAFN et 2 300 volontaires de l’armée nouvelle, c’est à dire des combattants ayant rejoint l’ex-rébellion durant le conflit post-électoral) déséquilibrerait l’institution militaire. L’armée qui se veut le creuset de l’unité nationale, doit être l’émanation de la géopolitique nationale. Dans ce contexte, la Côte d’Ivoire, qui compte 62 ethnies, ne peut disposer d’une armée majoritairement issue de la région septentrionale au détriment des autres régions sans que cela n’ait une incidence au plan sécuritaire.


Certains experts militaires estiment que ceux qui ont régné pendant presque dix ans sur le nord de la Côte d’Ivoire sont aujourd’hui décrédibilisés aux yeux du gros de la troupe. Pourtant, ils ont tout de même réussi à placer des proches à leur place, ouvrant la voie à une nouvelle génération de comzones qui répondent plus aux ordres de leurs aînés qu’à ceux de leur hiérarchie. Et le fait qu’un Wattao ait joué les médiateurs lors de la dernière mutinerie alors qu’il n’est plus « que » commandant en second de la Garde républicaine montre bien qu’Abidjan n’a pas complètement réussi à le mettre sur la touche. Voire qu’il conserve une forte influence sur une partie de la troupe.

Si les menaces sont récurrentes sur les vies humaines et les biens des particuliers, les activités économiques n’échappent pas non plus aux prédations des nouvelles forces militaires. L’économie parallèle expérimentée dans les ex-zones CNO a été reproduite dans la capitale où les ex-chefs rebelles, les dix com’zones, se sont partagés la capitale comme un butin de guerre, divisant celle-ci en quatre zones de contrôle. Le racket, les barrages anarchiques, les saisies illégales de véhicules et de maisons et les règlements de comptes sont autant de techniques éprouvées dans les zones sous leurs contrôles depuis huit ans. En moins de trois mois, les rapports entre les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et les opérateurs économiques se sont dégradés, en raison des exactions dont ils sont victimes. 

Mis à part les rackets, le contrôle de la ville par les militaires s’exprime à travers d’autres méthodes. Devant certains commerces et administrations, les vigiles des sociétés privées de sécurité ont été remplacés par des éléments des FRCI, qui perçoivent des taxes de passage. « Ils font la loi et la justice à leur manière. Un com’zone ne s’est même pas gêné pour ordonner à un magistrat de prendre une décision en faveur de son protégé. Chaque com’zone est à son compte et dispose de ses hommes (environ 350) pour vivre sur la bête, dénonce un fonctionnaire »  De même, face au climat d’insécurité, des hommes d’affaires choisissent de s’offrir les services de ces nouveaux protecteurs, au risque de générer des incidents armées, comme au mois d’août 2011 dans le quartier de Biétry à Abidjan, où des coups de feu ont été échangés entre les éléments du commandant Issiaka Ouattara dit Wattao et ceux du commandant Koné Zakaria. A l’origine des faits, « un litige sur fond de règlement de compte opposant des partenaires en affaires ayant pour protecteur ces com’zones rivaux »

Évoquer la « nouvelle armée ivoirienne » en l’état actuel des réformes effectuées, est abusif pour l’heure. L’armée nouvelle n’est pas une institution homogène et est composée d’une juxtaposition incongrue des ex-forces régulières et d’ex-rebelles. Or, la sécurisation des populations passe avant tout par un retour de la confiance que doit leur inspirer les forces censées les protéger. Ainsi, la poursuite de la réforme est indispensable pour recréer les conditions d’un retour à la vie normale dans le pays.

Vabe Charles :consultant en stratégie et expert en communication

directeur de presse et de la communication du pdci France