Projet de transport urbain d’Abidjan : Voici ce qui retarde le démarrage des travaux

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Projet de transport urbain d’Abidjan : Voici ce qui retarde le démarrage des travaux

Le lancement en 2016 du Projet de transport urbain d’Abidjan a suscité un enthousiasme tant chez les populations abidjanaises que les opérateurs économiques. Le portefeuille du Ptua comprend le Projet du 4e pont reliant les communes de Yopougon et d’Adjamé en passant par Attécoubé (initialement prévu pour durer 30 mois).

Sont également concernées les voies structurantes que sont la route de Dabou qui va passer en 2 × 2 voies jusqu’au carrefour de Jacqueville, la sortie Est qui part de la zone industrielle vers la prison civile jusqu’au carrefour Thomasset (au péage autoroutier – en 2 × 3 voies).

Parmi ces voies structurantes figure l’emblématique voie de contournement d’Abidjan, la Y4, qui part du grand giratoire sur le boulevard Mitterrand juste après la Palmeraie et qui passe dans la zone d’Abobo pour finir au stade d’Ebimpé. À cela s’ajoute le prolongement du boulevard Latrille de la station Petro Ivoire jusqu’au Chu d’Angré en 2 × 2 voies et à Abobo-Baoulé avec les mêmes dimensions.

Les trois échangeurs prévus sur le boulevard Mitterrand aux carrefours de l’Ecole de police, de la Palmeraie et de la Riviera 3 contenus dans le portefeuille devaient être réalisés en 20 mois comme les voies susmentionnées.

Prévus pour durer 5 ans (2016 – 2021), les travaux – hormis ceux du 4e pont – n’ont pas commencé et cela suscite bien des interrogations.

L’indemnisation des populations affectées, la priorité pour les bailleurs de fonds

L’époque où les projets d’infrastructures étaient réalisés au mépris des impacts sociaux et environnementaux nocifs est révolue. Aujourd’hui, les bailleurs de fonds en font le point de départ de toute collaboration. C’est l’une des questions principales qui retardent l’effectivité des travaux ou les ralentissements considérables.

D’où les centres de négociation ouverts dans différentes communes du District autonome d’Abidjan, pour traiter les dossiers et procéder à l’indemnisation des personnes affectées parce qu’installées dans les emprises des projets dans des foyers des jeunes ou des annexes des mairies de Yopougon, Adjamé, Anyama, Attécoubé, Cocody et Songon.

Au dire du chef de la Cellule de coordination du Projet (Cc-Ptua), Issa Ouattara, « cette opération concerne 13 174 ménages de 5 personnes en moyenne dans le cadre des travaux du 4e pont », les chiffres étant en cours d’affinement concernant les autres projets du portefeuille.

Sur ce point, le coordonnateur précise : « Les ressources venant au compte-gouttes, nous avons négocié avec 11000 personnes dont 7000 ont été dédommagées. Nous attendons les ressources pour payer les droits des 4000 autres ». Au niveau des sorties Est et Ouest d’Abidjan, ce sont respectivement 1146 et 2956 ménages qui sont impactés par le projet.

Les parties s’accordent sur le fait que les ralentissements du processus de dédommagement ne s’expliquent pas par la seule question des ressources financières. « D’abord, ces personnes ont parfois des difficultés dans la production de documents administratifs pour négocier avec nous. Ensuite, elles contestent parfois leur évaluation lors des négociations. Enfin, plusieurs ménages sont traversés par des conflits dans la désignation du nouvel ayant-droit, vu que le titulaire est décédé », selon Issa Ouattara.

Ces informations sont confirmées par les cabinets chargés des études d’impact social et environnemental, les Ong chargées d’accompagner les intéressés. Au centre de négociation ouvert dans les locaux de la Maison des jeunes de Yopougon, Francis Gnaoré, représentant le contrôleur financier, évoque le cas de locataires qui souhaitent être pris en compte plusieurs années après la fin du recensement, arguant qu’ils n’avaient pas eu l’information. « Alors que le processus de recensement a duré environ deux ans », précise-t-il.

Dans le cadre des travaux du 4e pont, la parade qui permet de faire avancer le projet consiste à procéder à une indemnisation et une libération des emprises en fonction de l’agenda de réalisation de l’entreprise.

En plus des questions d’indemnisation, le long processus de passation des appels d’offres explique pour beaucoup le retard enregistré dans la réalisation des différents projets.

Appel d’offres : un processus lourd et complexe

La lourdeur du processus de passation des marchés est un facteur ralentissant que le citoyen lambda ne perçoit pas toujours. Par exemple, relativement aux voies structurantes, l’appel d’offres a été lancé en 2019. « Cette étape a connu un long délai de traitement tant au niveau de la partie ivoirienne que du bailleur. C’est seulement en novembre 2020 que nous avons pu donner les ordres de démarrage des travaux. Ces travaux sont censés avoir démarré pour finir dans 20 mois. Tout cela a duré 6 à 7 mois », explique Issa Ouattara.

Sur le terrain, les entreprises ont commencé à s’installer, les panneaux et les bases vies sont en place et des rencontres sont organisées avec les populations des zones concernées – dans les mairies – afin qu’elles ne soient pas surprises du démarrage des travaux. Au niveau des échangeurs du boulevard Mitterrand, le processus de passation des marchés est toujours en cours.

Le patron du Ptua est clair sur ce point. « Le volet Jica – qui concerne les trois échangeurs dont la construction va durer 36 mois – a fait l’objet d’appels d’offres. Nous avons analysé les dossiers et transmis un rapport au bailleur pour son avis de non-objection que nous attendons. C’est seulement après que nous pourrons éventuellement procéder à une quelconque signature de contrat », explique-t-il. Le bailleur confirme cela et dit ne pouvoir se prononcer que lorsque le processus sera terminé dans les semaines à venir.

Même dans les cas où les entreprises ont été sélectionnées, des questions de logistique et de réajustement ont freiné les travaux. Le 4e pont illustre bien ce type de blocage.

Des « imprévus techniques » qui rallongent le délai de réalisation des travaux

Deux éléments ont constitué les premiers facteurs techniques de ralentissement des travaux. Le premier facteur est la mobilisation de la logistique par l’entreprise chinoise chargée de construire le pont. À ce sujet, le coordonnateur indique que « concernant le 4e pont, Il ne faut pas oublier que la mobilisation au niveau de l’entreprise a aussi allongé les délais. Compte tenu de la distance avec la Chine, la mobilisation des engins notamment a duré environ trois mois ».

En plus de cette question logistique, le passage du Brt (Bus rapid transit) et les changements du plan initial du pont ont également occasionné un rallongement des délais de livraison. Le chef de la Cellule de coordination indique qu’un terre-plein central de 20 m pour le passage du métro avait déjà été prévu et qu’en 2019, l’État a décidé de transformer cet espace pour le Brt pour donner un souffle nouveau au transport de masse.

« Dans ces conditions, vu que les routes étaient prévues en 2 × 2 voies, les risques de bouchons étaient élevés car il ne nous aurait resté qu’une voie dans chaque direction. Nous avons été obligés d’arrêter les travaux pour reprendre les plans pour les adapter à la nouvelle donne et faire le pont en 2 × 3 voies. Tout a donc changé au niveau de Boribana, notamment les fondations, les appuis et le tablier », précise Issa Ouattara.

Aboubakar Bamba