Le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé vendredi de revoir à la baisse les effectifs militaires de la mission de maintien de la paix en RD Congo, alors que son bilan, tant politique que militaire, est plutôt mitigé.
La mission des Nations unies en République démocratique du Congo (Monusco), présente depuis bientôt 18 ans dans l’un des pays les plus instables du monde, a expiré le vendredi 31 mars. Sans surprise, son mandat a été renouvelé dans la foulée par le Conseil de sécurité. La RD Congo, qui est censée organiser d’ici décembre 2017 des élections présidentielles, est secouée par différents affrontements armés sur son territoire, des turbulences politiques, et une corruption endémique. Pourtant cette année, le nombre théorique de militaires de la mission onusienne sera réduit de 18 %, passant de 19 815 à 16 215.
Mais la réduction n’impactera pas réellement la situation sur le terrain, le nombre de forces déployées étant actuellement déjà inférieures de 3 000 à l’effectif maximal. Elle ne changera pas non plus un constat qui s’impose : depuis son premier déploiement en 1999, la Monusco n’a que très peu de réussites à son actif pour le maintien de la paix et la transition démocratique dans le pays. « Cette mission me semble avoir perdu assez largement sa boussole, en tous cas sa direction politique », confie Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut des relations internationales (Ifri) spécialiste de la région et co-auteur d’un article sur le bilan de la Monusco.
Capacités réduites
Initialement composée de 500 observateurs militaires, chargés du suivi de l’application du cessez-le-feu de juillet 1999 entre la RD Congo et cinq États de la région qui s’affrontaient sur son territoire, la mission de l’ONU s’est progressivement étoffée. De 5 537 soldats pour la supervision des premières élections libres du pays, en juillet 2006, elle passe à l’effectif actuel en 2010, devenant la plus grande opération de maintien de la paix au monde. Son mandat : garantir la protection des civils, et aider le gouvernement à stabiliser et consolider la paix. Mais la limite de ses attributions militaires apparaît très vite, notamment en 2012, lors de la chute de Goma, capitale du Nord-Kivu, à l’Est du pays, devant l’avancée du groupe rebelle M23. La contre-offensive menée par la Monusco et l’armée congolaise, qui aboutira à la reprise de la ville et à la défaite du M23 en novembre 2013, restera sa seule victoire d’importance. « Ça date, surtout qu’il y a maintenant une crise politique depuis 2015 [née de la volonté du président Joseph Kabila de briguer un troisième mandat]. Les forces onusiennes se sont montrées non seulement incapables de la prévenir, mais ont aussi prouvé qu’elles n’étaient plus un médiateur dans la crise congolaise », explique Thierry Vircoulon.
Le rôle de médiateur de l’ONU pour une sortie de crise a été supplanté par l’Union africaine, puis par une gestion de l’Église catholique. Depuis, la situation sécuritaire s’est encore détériorée et la Fédération international des droits de l’Homme (FIDH) s’est alarmée récemment de « l’intensification des violences commises par différents groupes armés » dans le pays. Pour le chercheur de l’Ifri, c’est dès 2015 que le mandat de la Monusco aurait dû être revu. Selon lui, le problème n’est pas le nombre soldats en place, mais la nécessité « de redonner un sens politique à cette mission ».
Coupes budgétaires américaines
À partir d’avril, les États-Unis, principaux contributeurs financiers de l’ONU, vont assurer la présidence tournante du Conseil de sécurité. Une opportunité pour Washington, qui cherche les moyens de réduire ses financements, de revoir la mission congolaise, dont le budget annuel avoisine les 1,2 milliards de dollars. « Nous allons revenir aux principes fondateurs et poser des questions difficiles. Quelle était l’intention initiale de la mission ? Remplit-elle son objectif ? », explique Nikki Haley, ambassadrice américaine à l’ONU, qui se dit satisfaite de l’accord de réduction des troupes. « Il est intéressant de savoir si la pression américaine sera suffisante pour une réforme du mandat de la Monusco. Soit ils utilisent l’arme budgétaire pour changer le mandat de la mission, soit ils se contentent de réduire le budget et la laissent en l’état », analyse Thierry Vircoulon.
Or la Monusco semble mal préparée à l’intensification de la crise qui se profile tous les jours un peu plus en RD Congo. Deux experts de la mission d’observation de l’ONU envoyée dans le Kasaï (centre), secoué par une rébellion armée, ont été enlevés et assassinés cette semaine avec leurs accompagnateurs, alors que le gros des troupes onusiennes reste cantonné au quartier général, à Goma. Et sans accord des autorités congolaises, déjà très critiques envers la Monusco, difficile de faire bouger les lignes, notamment si les violences s’étendent à la capitale Kinshasa. La Monusco a « un double échec, politique et militaire, à son actif. On ne sait plus comment la justifier », commente Thierry Vircoulon.
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Ce nouveau mandat d’un an de la Monusco se heurtera de toutes façons encore aux autorités congolaises, qui appellent son départ de leurs vœux depuis plus de six ans et acceptent difficilement de coopérer sur le plan militaire. « Ajouter davantage de troupes ne changera pas ce problème », constate Nikki Haley.
france 24