Les responsables gouvernementaux rejettent l’idée même d’une crise humanitaire. Ceci semble lié à une tentative inquiétante d’attirer des investissements étrangers et d’enrichir encore davantage ceux qui sont au pouvoir, en évitant toute surveillance de la part de l’extérieur.
Les forces de sécurité congolaises et des groupes armés ont tué des milliers de civils au cours des deux dernières années. Avec plus de six millions de congolais morts de causes liées au conflit au cours des deux dernières décennies, le conflit en RD Congo est le plus meurtrier dans le monde depuis la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, environ 4,5 millions de congolais sont déplacés de leur foyer – plus que dans tout autre pays d’Afrique. Des dizaines de milliers d’autres sont partis en Ouganda, en Angola, en Tanzanie et en Zambie au cours des derniers mois – faisant surgir le spectre d’une instabilité régionale accrue.
La RD Congo est le plus gros producteur de cuivre d’Afrique et la plus importante source mondiale de cobalt – dont la valeur a triplé au cours des 18 derniers mois du fait de la demande de voitures électriques. Des centaines de millions de dollars provenant de revenus miniers ont disparu au cours des dernières années, tandis que Joseph Kabila, sa famille et ses proches collaborateurs ont amassé des fortunes. Alors que l’énorme richesse minière de la RD Congo pourrait permettre de répondre aux urgences et autres besoins fondamentaux d’une population appauvrie, les revenus provenant de tous nouveaux investissements ont de plus grandes chances de finir dans les poches des gens au pouvoir.
Une grande partie des violences récentes est liée à l’aggravation de la crise politique dans le pays. Le Président Joseph Kabila a retardé les élections et fait usage de la violence, de la répression et de la corruption pour renforcer sa mainmise sur le pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle de ses deux mandats au 19 décembre 2016.
Kabila est à la tête d’un système d’impunité bien enraciné dans lequel ceux qui sont les plus responsables de violations sont régulièrement récompensés par des postes, des richesses et des pouvoirs. Les forces de sécurité congolaises ont engagé ou orchestré une grande partie des violences, dans certains cas en formant ou en soutenant des groupes armés locaux. Des sources de sécurité et de renseignement bien placées nous ont indiqué que les efforts pour semer la violence et l’instabilité sont une « stratégie du chaos » apparemment délibérée ayant pour but de justifier des retards supplémentaires pour les élections.
Les forces de sécurité congolaises ont abattu presque 300 personnes au cours des manifestations politiques de ces trois dernières années. Depuis le mois de décembre, les forces de sécurité ont battu un triste record en tirant dans l’enceinte d’églises pour interrompre les services religieux et empêcher des manifestations pacifiques après la messe dominicale.
Pendant ce temps, au cours des trois derniers mois, les attaques sur des civils se sont intensifiées dans la province de l’Ituri dans l’est de la RD Congo. Nous avons recueilli des récits terrifiants de massacres, de viols et de décapitations. Plus de 200 000 personnes ont dû quitter leur maison.
Alors que les responsables gouvernementaux ont insisté pour dire que les violences récentes sont les conséquences de tensions inter-ethniques, les citoyens, stupéfaits, rejettent cette interprétation. Un grand nombre d’entre eux ont parlé d’une « main noire » – apparemment des tueurs professionnels qui seraient venus dans leurs villages et auraient tué les gens à coups de couteau au cours d’attaques apparemment bien organisées. Certains ont avancé l’idée que des responsables gouvernementaux pourraient être impliqués.
Mais le Vice-ministre de la coopération internationale de la RD Congo a affirmé la semaine passée qu’il « n’y a pas de crise humanitaire ». Le ministre congolais des Affaires étrangères congolais a déclaré que la description de la situation humanitaire en RD Congo par les Nations Unies « est contreproductive pour l’image de marque et l’attractivité de notre pays, et agit comme repoussoir pour les investisseurs potentiels».
Les responsables gouvernementaux de la RD Congo ont envoyé des lettres de menace aux Pays-Bas et à la Suède, pays qui soutiennent la conférence, expliquant que, si ces derniers poursuivaient leurs préparatifs, le gouvernement de la RD Congo « se verrait dans l’obligation d’en tirer les conséquences qui s’imposent », et ils sont parvenus à convaincre les Émirats Arabes Unis de se retirer.
Les bailleurs de fonds ne devraient pas être intimidés. Ils devraient au contraire faire en sorte que des fonds adéquats soient recueillis pour répondre aux besoins vitaux de protection et d’assistance humanitaire humanitaires du peuple congolais. Et, tout aussi important, ils devraient s’attaquer aux causes sous-jacentes de la violence, afin d’empêcher que la crise ne s’aggrave et n’échappe davantage à tout contrôle.
Ceci implique le fait de travailler de façon étroite avec les responsables régionaux pour faire en sorte que Kabila se retire, conformément à la constitution, et permette l’organisation d’élections justes, libres et crédibles. Les Congolais ont besoin d’une opportunité pour élire un nouveau président, responsable de ses actions envers son peuple et œuvrant pour mettre fin à la violence, à l’impunité et aux souffrances en RD Congo. Le peuple congolais le mérite.
avec Human Rights Watch