PressOpinion

Royaume-Uni: Londres sous le choc d’une violente attaque «terroriste»

L’Angleterre a été de nouveau frappée par le terrorisme ce samedi 3 juin au soir. Moins de quinze jours après l’horreur de Manchester où a eu lieu un attentat-suicide à la sortie d’un concert le 22 mai 2017, c’est Londres qui est touchée une fois encore. Une attaque à la voiture-bélier puis au couteau menée par plusieurs hommes armés : bilan : 7 morts ; les trois assaillants ont été abattus. Il y a quatre Français parmi les blessés.

Avec notre correspondante à Londres, Muriel Delcroix

La police a commencé à recevoir des appels de détresse peu après 22 h (heure locale) hier soir expliquant qu’une camionnette blanche venait de foncer sur des piétons sur le London Bridge. Les témoins ont vu le véhicule virer à environ 80 km/h sur le trottoir pour faucher un maximum de gens, avant de finir sa course de l’autre côté du pont, écrasé contre les grilles de la cathédrale de Southwark.

A ce moment-là, trois hommes ont sauté de la camionnette accidentée, et auraient crié « C’est pour Allah », avant de poignarder des gens au hasard en descendant dans des pubs et des restaurants de Borough Market, le marché couvert historique, situé en dessous du pont. La police dit être intervenue et avoir abattu les trois assaillants dans les huit minutes qui ont suivi les premiers appels, qualifiant très vite d’« attentat terroriste » cette attaque, qui a fait 7 morts et près de cinquante blessés.

« La camionnette roulait du mauvais côté »

On a appris un peu  plus tard que les trois terroristes portaient des ceintures d’explosifs qui se sont avérées être des faux. Un autre incident un peu plus loin dans le quartier de Vauxhall, au sud de la Tamise, au même moment, quelqu’un qui a été arrêté après une attaque à l’arme blanche, a finalement été écarté de l’enquête et la police a expliqué qu’il s’agissait d’un fait divers séparé.

Eric Souigenza, un passant témoigne : « La camionnette roulait du mauvais côté de la route, et j’ai d’abord pensé que ses freins avaient lâché car elle roulait très vite, et du mauvais côté. C’était une camionnette blanche avec des bandes jaunes, une de ces camionnettes qu’on peut facilement louer. Elle s’est déportée sur la droite et les gens essayaient de lui échapper. Je crois que personne n’a été blessé par l’impact. Trois personnes sont alors descendues, elles se sont dirigées vers les gens qu’elles avaient failli écraser. Là je me suis dit que c’était pour les réconforter parce qu’évidemment, pour moi, c’était un accident. »

« Mais en fait, continue l’homme, elles se sont mises à les frapper et ont sorti des couteaux. C’était un vrai massacre. Ensuite elles se sont dirigées, je crois que c’est vers la cathédrale de Southwark, en descendant les escaliers vers les bars. Les trois hommes se précipitaient vers les gens qui n’en croyaient pas leurs yeux, ne comprenaient pas ce qui se passait. Et ces gens ont commencé à se défendre, parce qu’ils se faisaient attaquer au couteau. Les trois hommes ont alors décidé de remonter vers le pont, deux se sont arrêtés. Une femme les regardait et ils ont commencé à la poignarder. L’un d’entre-eux a continué vers le pont, je ne sais pas s’il l’a atteint ou s’il s’est dirigé vers Borough Market. C’est là que j’ai décidé de faire demi-tour et de m’enfuir vers le nord du pont. Quand je l’ai traversé, partout il y avait des personnes allongées, qui saignaient. Les gens essayaient de s’entraider, d’être de bons samaritains pour ceux qui étaient blessés »

Quelles réactions côté gouvernement ?

Très vite cette nuit, la Première ministre Theresa May a fait savoir qu’elle suivait de près les développements de cette nouvelle attaque depuis Downing Street. Dans un communiqué, elle a déclaré : « Nos pensées sont avec ceux qui ont subi ces horribles événements ». Theresa May doit réunir maintenant son Conseil de sécurité Cobra et devrait indiquer si le niveau d’alerte relevé de « sévère » à « critique » au lendemain de l’attentat de Manchester, mais qui, depuis, a baissé à nouveau, va être réévalué ou pas.

Les forces de sécurité et les services de renseignements sont désormais sous pression alors que c’est la troisième fois, en moins de trois mois, que des terroristes échappent à la surveillance de la police. Le MI5, le renseignement intérieur britannique, assure que ses officiers et enquêteurs traquent actuellement 500 complots ou attaques en préparation à travers le pays, et qu’il faut s’attendre à ce que certaines d’entre elles passent à travers le filet.

De son côté, le maire de Londres, Sadiq Khan, a dénoncé une « attaque délibérée et lâche contre des innocents (…) Il n’y a aucune justification à de tels actes barbares ». Sadiq Khan, qui doit également assisté à ce conseil d’urgence de matin, demande aux Londoniens de rester calmes et vigilants.

La police se déploie dans les rues de Londres, le 3 juin 2017. Reuters / Hannah McKay

Selon Jean-Yves le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, il y a eu quatre blessés français dans l’attaque de Londres. « Nos autorités consulaires sont mobilisées pour accompagner ces blessés et ces familles. Et il a depuis cette nuit des liens permanents au sommet de l’Etat avec le président de la République mais aussi toutes nos autorités avec les autorités britanniques », a indiqué Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement. « On a aussi mis en place un centre de crise au ministre des Affaires étrangères au 01 43 17 51 00 qui peut permettre de faire le lien », a encore précisé M. Castaner.

Deux autres attentats en 2017

Cette attaque intervient après deux autres attentats commis en 2017 en mai à Manchester et en mars à Londres. Le 22 mai dernier, un jeune Britannique d’origine libyenne se fait exploser avec une puissante bombe à la sortie d’un concert de la chanteuse américaine Ariana Grande à la Manchester Arena, une grande salle de concerts de cette ville du nord-ouest de l’Angleterre. Vingt-deux personnes sont tuées et 116 blessées, dont de nombreux enfants et adolescents. L’attentat a été revendiqué par l’organisation Etat islamique.

Le 22 mars 2017, un homme fonce dans la foule avec son véhicule sur le pont de Westminster, qui enjambe la Tamise face à Big Ben, avant de poignarder mortellement un policier devant le Parlement. L’attaque fait cinq morts. Son auteur, Khalid Masood, un citoyen britannique converti à l’islam, est abattu par la police. Si l’attentat a été revendiqué par l’organisation EI, Scotland Yard déclare ne pas avoir « trouvé de preuve d’une association » de Masood avec l’EI ou avec al-Qaïda.

« Démanteler les réseaux dormants »

Pour Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire français au ministère de la Défense, il faut agir beaucoup plus fortement : « Personnellement j’insiste sur le fait que lors du dernier attentat, celui de Manchester, on en est aujourd’hui à 11 arrestations, c’est-à-dire que tous ces terroristes dont on croit qu’ils ont agi seuls, en fait, agissent toujours avec l’appui d’un réseau, qui est un réseau dormant, qui est en général composé de gens qui font très attention à ne pas franchir la légalité. Rester dans un espace où ils vont donner un petit coup de main. Ils vont accueillir quelqu’un, prêter une voiture, etc. »

« Donc, tous ces réseaux-là, c’est peut-être exactement le même type que celui qu’on a connu en France ces deux dernières années font toujours appel à des cellules dormantes qui se sont installées par exemple en France, il y a une vingtaine d’années, La Meinau à Strasbourg, Toulouse le Mirail etc. et contre lesquels on n’a pas agi. C’est-à-dire que si on n’agit pas contre ces cellules dormantes avec une vision antiterroriste beaucoup plus vaste notamment et si on ne fait pas agir en France toute la législation sur les propos antisémites, racistes, mysogines etc. on n’arrivera pas à les démanteler. Et à partir de ce moment-là, on aura toujours un degré de dangerosité élevé », estime-t-il encore.

AFP

Quitter la version mobile