Baptisée, dans un délire paternaliste Colonie française d’Afrique (Cfa) à sa création, la monnaie est rebaptisée Communauté financière d’Afrique par commodité linguistique et diplomatique pour occulter le fait néo-colonial qui devait s’attacher à l’attribut de souveraineté devant coller à la dignité d’Etat indépendant.
Pendant près de 70 ans, une partie de l’Afrique a subi les revers du F Cfa sans broncher. Subitement, la résistance s’organise.
Ainsi, l’activiste multi-récidiviste-dans le sens de la défense de ses idées panafricanistes, Kémi Séba est arrêté pour avoir déchiré un billet de 5 000 F Cfa. Il a violé la loi. Dont acte !
Cependant, cette arrestation survient dans un contexte où un débat sur une probable dévaluation du F Cfa, pour ce qui concerne la CEMAC, anime la gazette. Il s’agirait d’une surévaluation, qui ne présente pas que des avantages, pour la zone UEMOA.
Aucune voix officielle, venant d’un gouvernement africain, ne daigne rassurer son peuple, comme si les ordres devaient venir de l’autre rive de la Méditerranée et uniquement de ce côté-ci du monde mondialisé.
Pas plus tard que la semaine passée, le Fmi a publié un communiqué pour écarter toute perspective de dévaluation de cette monnaie.
Toutefois, à l’heure des méga-zones économiques, même les chefs d’Etat africains parmi les plus « franco-feel », comme Idriss Déby, n’usent plus de langue de bois pour préconiser une réforme des politiques monétaires. Cela, d’autant plus que certaines clauses de coopération du Franc CFA sont désuètes et contre-productives.
« Il y a aujourd’hui le F CFA qui est garanti par le Trésor français. Mais cette monnaie-là, elle est africaine. C’est notre monnaie à nous. Il faut maintenant que réellement dans les faits, que cette monnaie soit la nôtre pour que nous puissions, le moment venu, faire de cette monnaie une monnaie convertible et une monnaie qui permet à tous ces pays qui utilisent encore le FCFA de se développer. Je crois que c’est une décision courageuse que nos amis français doivent prendre », a récemment souligné le Président tchadien.
Kaku Nubukpo directeur de la Francophonie économique et numérique à l’Organisation Internationale de la Francophonie, ancien ministre de la Prospective du Togo, a été reçu à l’émission « Intelligence économique » sur France 24, ce mois d’août. Le Togolais a informé que les trois premiers partenaires commerciaux de la France en Afrique sont le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud. Et aucun de ces pays n’utilise le F Cfa. Autre inconvénient, les échanges entre les économies de la Zone F sont très faibles, 15%. Pour l’Union européenne, c’est 60 %. « A part la Côte d’Ivoire qui a la manne du cacao, toutes les balances commerciales de la Zone F sont déficitaires », ajoute-t-il. A l’en croire, cette situation a des répercussions négatives sur le financement des économies puisque les taux d’intérêt imposés par les banques sont au-delà de 10 %, tandis que dans la zone euro ledit taux est de 1 %.
Soupçonné de manœuvrer pour une nouvelle dévaluation du F Cfa, pour avoir eu des échanges jusqu’ici secrets avec les président Sall et Ouattara sur l’avenir de cette monnaie au lendemain de son élection, le chef de l’Etat français Emmanuel Macron n’a pas encore publiquement évoqué l’affaire.
Qu’à cela ne tienne, ce débat afférent à l’avenir du Cfa n’est plus tabou, y compris dans les cercles officiels en Afrique.
Même le F français a fait sa mue avec l’entrée en vigueur de l’euro. Il se dit que le débat, plusieurs fois remis à Pâques et la Trinité, sur la création de la monnaie de CEDEAO ne serait qu’un trompe-l’œil destiné à éviter la vraie question qui fâche.
Le tout est de savoir, en définitive, quelle sera l’attitude des dirigeants africains conservateurs et aux idées « arrimées à l’euro» si l’écrasante majorité des populations se rendent compte que la farce est de mauvais « coût » et qu’elle a trop duré.