Situation politique: Ouattara, Bédié et Gbagbo confrontés à des rébellions

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Situation politique: Ouattara, Bédié et Gbagbo confrontés à des rébellions

Démystifier les chefs tutélaires des partis, pour les ranger dans les placards de l’histoire politique, semble être l’objectif des « rebelles » qui ont ouvert des fronts dans les grandes formations politiques du pays. La Côte d’Ivoire expérimente un nouveau mode d’emploi démocratique, depuis un certain temps. Les rébellions ouvertes font rage dans chacune des grandes formations politiques.

Alassane Ouattara, le chef de l’État, président-fondateur du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) ; Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (Pdci-Rda), et Laurent Gbagbo, fondateur du Front populaire ivoirien (Fpi), font face, en interne, à des frondes qui n’en finissent pas d’écorner leur image, et de déstabiliser leur parti.

La récente sortie, très musclée, de Pascal Affi N’Guessan, président légal du Fpi suite à sa rencontre avortée en Belgique avec son « patron » Laurent Gbagbo, est un indicateur « rouge » de la montée en puissance des insurrections et des résistances ouvertes aux ordres de l’autorité légitime incarnée par ces présidents.

Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre des Ressources animales et halieutiques, ex-porte-parole du Pdci-Rda, aujourd’hui fondateur du mouvement « Sur les traces d’houphouët-Boigny », est le porte-étendard de toutes ces révoltes qui secouent ces partis. Il a été le premier à s’attaquer au symbole politique que représente, pour le Pdci-Rda, son vénéneux président Henri Konan Bédié. Par ses attaques, il a « désacralisé » le « Bouddha » de Daoukro, avant de fonder son mouvement « Sur les traces d’Houphouët-Boigny ». Depuis, que ce soit en Côte d’Ivoire où en France, il n’épargne pas Bédié de critiques acerbes et attaques jugées attentatoires à l’image du Pdci et de son président. « L’objectif de Bédié, c’était de faire en sorte qu’Adjoumani tombe. Parce que si Adjoumani tombe, c’en est fini pour le Rhdp version houphouétiste. C’est Bédié qui m’a trahi. Le président Bédié, publiquement, m’a humilié à Daoukro, en donnant raison au micro (Guikahué), et il m’a débranché du haut-parleur. Mais, quand il m’a débranché, il y a eu un grand haut-parleur qui est le Rhdp. On m’a branché là-bas… Si le cochon a de la graisse, quelle quantité de graisse peut avoir un éléphant ?», s’exprimait le président du Conseil régional du Gontougo, Adjoumani, devant les militants du Rhdp, à Paris, le 19 novembre 2018. Face à quelque 1 727 chefs baoulé à Bouaké, dans le cadre de la « Caravane nationale de la cohésion sociale et pour la paix en Côte d’Ivoire », initiée par son mouvement, Adjoumani Kouassi s’est encore attaqué à Bédié, et a déconstruit tout ce que le président du Pdci a entrepris de bâtir, en termes de stratégie, dans la perspective des élections présidentielles de 2020, avec les têtes couronnées du grand centre de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, Adjoumani semble être devenu, pour Bédié, un vrai « moustique » qui trouble son sommeil.

…leur heure a sonné

Convaincus que leur heure a sonné après l’incarcération de Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale (Cpi), Pascal Affi N’Guessan et des cadres ont déclaré une guerre totale à Laurent Gbagbo. A tort ou à raison, certains « frondeurs », qui ont épousé le combat d’Affi N’Guessan contre Laurent Gbagbo, estiment avoir été des laissés pour compte par le régime déchu de Laurent Gbagbo. Ils ont ainsi monté avec Pascal Affi N’Guessan, une rébellion politique dont l’objectif avoué, aujourd’hui, semble être de carrément déposer voire « Boutefliquer » ou « Mugabiser » le «Woody de Mama ». Ils criblent de critiques Laurent Gbagbo et son pouvoir qu’ils ont servi, et dont certains se sont largement servis, hier. « Nous sommes dans la logique de lutte des compétences et de la nouvelle énergie, pour faire avancer le Fpi. C’est ça le débat au sein du Fpi. C’est un débat classique, historique, universel », a expliqué, entre autres, Affi N’Guessan lors de sa conférence de presse du samedi 23 mars 2019, avant de faire un parallèle entre la situation que vit le Fpi et celle qui prévaut en ce moment en Algérie. « Un chef qui est fatigué a droit au repos. Il y a des gens qui ont tellement intérêt à ce qu’il soit là, qu’ils sont assis autour… Et, ils souhaitent qu’il soit là. Mais, ce monsieur, il a rendu tous les services à l’Algérie. L’histoire doit le reconnaître. Mais, aujourd’hui, est-ce que ce n’est pas mieux qu’on lui réserve une retraite confortable ? Et de l’autre côté, l’avenir qui est dans la rue. Donc, en Côte d’Ivoire, nous sommes à cette étape du choix. Au Zimbabwe, on a vécu une telle situation. Il ne faut pas que nous aussi on ait notre Mugabé en Côte d’Ivoire », a dit M. Affi.

Pour lui, Laurent Gbagbo est bon aujourd’hui pour une maison de retraite. Et comme il le présente comme « un acteur de la fronde, donc un adversaire », il va le traiter comme tel, a-t-il estimé. « Gbagbo n’est pas le président du Fpi. On ne peut pas me dire qu’il est président du Fpi et moi, je vais accepter ça. Où est-ce qu’il a été élu ? A La Haye ?», a martelé Affi N’Guessan. « Ni aujourd’hui ni demain, je ne pourrais faire une telle déclaration parce que le président Gbagbo n’est pas président du Fpi, il est président-fondateur du parti, il est notre chef, mais, il n’est pas le président du Fpi », a-t-il insisté.

Du côté du Rhdp, une rébellion a déjà fait son nid sur le toit de la formation du chef de l’État, Alassane Ouattara. Guillaume Soro, forcé, selon lui, à la démission pour divergence idéologique, travaille à saborder les plans du chef de l’exécutif ivoirien qui pourrait candidater à l’élection présidentielle de 2020 « parce que la Constitution le permet ». Depuis sa démission, le vendredi 8 février 2019, l’ex-Vice-président du Rassemblement des républicains (Rdr) n’arrête pas de pourfendre le numéro 1 ivoirien, dont il était un allié sûr. Le président du Comité politique (Cp) a fait du chef de l’État, son unique cible.

Que ce soit au Rhdp avec Guillaume Soro, au Pdci avec Kouassi Kobenan Adjoumani ou au Fpi avec Pascal Affi N’Guessan, l’objectif de ces «  rebelles » semble être de tourner la page de ces symboles, après les avoir démystifiés.

Armand B. DEPEYLA