Emmanuel Macron est le nouveau président qui va conduire aux destinées de la France durant le quinquennat 2017-2022. Il a été élu avec 65,8 % des suffrages au second tour de l’élection présidentielle l’ayant opposé au porte-flambeau de la France raciste, Marine Le Pen. A peine les résultats provisoires ont-ils été officialisés que son désormais homologue Faure Gnassingbé lui a adressé ses « très vives et chaleureuses félicitations » pour cette victoire. Mais voilà, un tel geste de civilités, c’est la troisième fois que le Togolais le fait à l’égard des chefs d’Etat élus en France. Ce sont au total quatre (04) présidents qu’il voit passer, en douze (12) ans de règne. Voit-il le rapport ?
Les félicitations express à Macron
La boite à lettre d’Emmanuel Macron doit craquer, tant les courriers de félicitations doivent affluer de par le monde depuis ce dimanche soir. Parmi les premiers dirigeants à écrire au nouvel élu de l’Elysée et le féliciter, se trouve Faure Gnassingbé. A peine les résultats provisoires ont-ils été rendus publics qu’il a écrit à son nouveau pair de la France. « Monsieur le Président élu, Au moment où le peuple français vous porte à la magistrature suprême, je tiens à vous adresser, au nom du peuple togolais et de son gouvernement ainsi qu’en mon nom personnel, mes très vives et chaleureuses félicitations pour cette victoire qui récompense votre vision pour la grande nation française. En cette heureuse occasion, je vous formule mes vœux ardents de santé et de succès dans l’accomplissement de vos futures charges au service d’une France forte et engagée sans cesse en faveur de la paix et de la prospérité dans le monde », écrit le Togolais à son homologue français, et de profiter d’ores et déjà pour draguer le nouveau locataire de l’Elysée : « Saluant les excellents liens d’amitié traditionnelle et de coopération qui unissent le Togo et la France, je voudrais également exprimer mon vif souhait de travailler avec vous au renforcement du partenariat qui est de tout temps au cœur des relations franco-togolaises ».
Certaines mauvaises langues racontent que Faure Gnassingbé avait sûrement apprêté le courrier depuis longtemps, au vu des ralliements au lendemain du premier tour et des sondages donnant Macron élu au second tour, à moins d’un cataclysme. Toujours dans cette veine, son message de félicitation a été l’objet de parodie, comme c’est souvent le cas sur les réseaux sociaux. On le donne pour avoir ajouté ces conseils utiles (sic) après les félicitations d’usage : « Monsieur Le Président et cher frère, permettez-moi de vous suggérer cette sagesse africaine que moi-même je tiens de mon feu père le Général Eyadema: Votre victoire est certes sans appel, mais il ne faut laisser personne derrière. C’est pourquoi je vous invite, dès votre prise de fonction, à mettre en place un gouvernement de Large Ouverture accepté par tous. Comme le dit feu mon père, « Les adversaires politiques ne sont pas des ennemis ». C’est pourquoi moi-même je ne cesse ici de traîner partout où besoin est, mon opposant historique, M. Gilchrist Olympio. Je vous suggère d’en faire autant à l’endroit de Madame Le Pen. Vive la République française, vive la démocratie !».
Une chose est certaine, Faure Gnassingbé ne s’est pas fait prier pour féliciter Macron. « Moins d’une heure après l’annonce des résultats provisoires de la présidentielle française, le chef de l’Etat Faure Gnassingbé a félicité le président élu, Emmanuel Macron ». Précision utile signée republicoftogo.
Faure voit passer 4 présidents en France !
Adresser des félicitations à des présidents élus, c’est bien. C’est d’ailleurs une marque de civilités, et presque tous les dirigeants du monde congratuleront Emmanuel Macron, l’OVNI que personne n’a vu venir, mais qui vient de se faire élire à l’Elysée, damant le pion aux carriéristes de la politique française. Mais là où le bât blesse, c’est de savoir que c’est la troisième fois que Faure Gnassingbé adresse un pareil courrier de félicitation à un président élu de la France ! En effet, le Prince l’avait fait à l’endroit de Nicolas Sarkozy lorsqu’il fut élu le 6 mai 2007 à l’Elysée, en remplacement de Jacques Chirac, réédité le geste lorsque ce fut le tour de François Hollande 5 ans plus tard, et vient de le faire avec l’élection d’Emmanuel Macron ce dimanche 7 mai 2017.
Ce sont en tout quatre (04) présidents que le Prince a personnellement vu passer à l’Elysée : Jacques Chirac qui a dirigé la France du 17 mai 1995 au 16 mai 2007, en plus des trois présidents que l’on vient de citer. Tout cela s’est passé en l’espace de douze (12) ans. C’est dire qu’en ce laps de temps au Togo, il aurait donc pu y avoir aussi autant de présidents qui se soient succédé à la Présidence de la République. Mais pendant ce temps, c’est un seul homme qui est resté au pouvoir.
Toujours dans la même logique, en un demi-siècle de pouvoir en France, coïncidant avec la IVe République, c’est une bonne dizaine de présidents qui se sont relayés à l’Elysée. Dans l’ordre chronologique, il y a eu Charles de Gaulle (8 janvier 1959 – 28 avril 1969), Georges Pompidou (20 juin 1969 – 2 avril 1974), Valery Giscard-D’Estaing (27 mai 1974 – 21 mai 1981), François Mitterrand (21 mai 1981 – 17 mai 1995), Jacques Chirac (17 mai 1995 – 16 mai 2007), Nicolas Sarkozy (16 mai 2007 – 15 mai 2012), François Hollande (15 mai 2012 – 13 ou 14 mai 2017), puis Emmanuel Macron, officiellement à partir de sa prise de fonction le 13 ou 14 mai 2017. C’est le huitième chef d’Etat qu’a enregistré la France. Mais pendant ce temps, ce sont seulement deux qu’ont connus les Togolais : Eyadema et son fils Faure ; mieux, une seule famille.
Vous ne voyez pas le rapport ?
« Monsieur Faure, cela fait 50 ans que votre famille contrôle le Togo et le président François Hollande est obligé de partir au bout de 5 ans. Qu’avez-vous envie de lui dire? », telle était la colle à lui posée par un « petit » journaliste français, tout comme il l’a fait avec bien d’autres dirigeants qu’il a enquiquinés par cette question-piège, en marge du 27e sommet France-Afrique tenu à Bamako les 13 et 14 janvier 2017. Visiblement contrarié, le Prince togolais avait bredouillé : « Je ne vois pas le rapport. La France c’est la France, le Togo c’est le Togo. Donc je ne vois pas du tout le rapport ».
Cette boutade célèbre (Je ne vois pas le rapport) qui avait fait le buzz sur les réseaux sociaux, Faure Gnassingbé, ses griots et autres caisses de résonance peuvent bien la plaquer, pour nous rétorquer. Mais le rapport qu’il y a dans la comparaison faite entre la France et le Togo, notamment le nombre de présidents qui se sont succédé au pouvoir, c’est simplement l’alternance, un principe sacro-saint de la démocratie, cet idéal politique pour lequel le Togo dit avoir opté. Ce principe voudrait qu’à la fin de deux mandats d’affilée au pouvoir, on cède la place à un autre pour qu’il fasse ses preuves. Et si l’envie te prend de revenir, tu peux le faire après un mandat d’intermède. La démocratie voudrait aussi que l’on respecte les choix du peuple à travers les urnes. C’est justement ce qui manque au Togo ! C’est une seule famille qui régente le pays depuis un demi-siècle ; là où des pays démocratiques ont connu une dizaine de dirigeants. Après le père qui a régné durant trente-huit (38) ans sans partage, le fils qui lui a succédé, dans une mare de sang de ses compatriotes en avril 2005, réélu en 2010 pour son second et dernier mandat, a tenu les câbles et rempilé pour un 3e en avril 2015, prétextant la Constitution qui ne limiterait pas le mandat. Il jouit en fait du tripatouillage effectué par son défunt père en décembre 2002. Même après avoir réussi son projet, Faure Gnassingbé ne montre aucun signe d’un homme qui veut quitter le pouvoir. Au contraire, il fait tout pour s’y accrocher, jouant sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles de l’Accord politique global (APG) du 20 août 2006, avec sa fameuse Commission d’« intellos » mandatée pour lui tailler des réformes sur mesure. Le rapport, c’est donc l’alternance au pouvoir…
Source : Tino Kossi, Liberté
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