Un 1er-Mai africain marqué par quelques frictions et beaucoup de revendications

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Un 1er-Mai africain marqué par quelques frictions et beaucoup de revendications

Pour marquer la fête du Travail, en ce 1er-Mai, des défilés et manifestations ont eu lieu sur tous les continents. En Afrique, ces rassemblements, loin d’être consensuels, ont parfois suscité la polémique.

En Afrique du Sud, le président Jacob Zuma a été chahuté par les uns et acclamé par les autres, dans un stade de Bloemfontein. Des bagarres ont éclaté entre pro et anti-Zuma. Tous les discours ont été annulés et le chef de l’Etat est reparti sous les huées.

Les célébrations du 1er-Mai ont ainsi fait éclater au grand jour les divisions profondes qui rongent l’alliance tripartite qui regroupe l’ANC, le Parti communiste et la centrale syndicale Cosatu.

Le rassemblement organisé par la confédération syndicale Cosatu, dans la province du Free State, s’annonçait périlleux puisque quatre syndicats membres avaient fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas voir Jacob Zuma s’exprimer à la tribune. La situation a effectivement rapidement dégénéré sous les yeux du président et tous les discours ont dû être annulés à la dernière minute.

Des altercations ont éclaté entre les militants chantant des slogans pro Jacob Zuma et ceux qui hurlaient « Zuma must go » (« Zuma doit partir »). Devant la cohue, le rassemblement a dû être annulé, une humiliation cuisante pour Jacob Zuma et qui ne présage rien de bon pour l’avenir de l’ANC et ses alliés, comme l’a relevé Blade Nzimande, chef du parti communiste.

« Nous risquons de perdre ce pays et nous ne pouvons pas accepter que l’Histoire se rappelle de nous comme la génération de leaders aux mains desquels l’Alliance a éclaté », a-t-il déclaré.

Alors que Zuma quittait le rassemblement de la Cosatu, à Bloemfontein, Zwelinzima Vavi s’adressait, quant à lui, à la Saftu, la toute nouvelle confédération syndicale rivale de la Cosatu, réunie dans la ville de Durban.

« Repose en paix, toi, la Cosatu ! Repose en paix, toi, l’ANC ! Enfin, notre peuple voit votre vrai visage ! », a-t-il scandé.

Les responsables de la Saftu ont appelé les travailleurs à quitter la Cosatu et à les rejoindre en nombre.

Au Gabon, il n’y a pas eu une mais deux manifestations du 1er-Mai. Un cortège officiel composé de plusieurs milliers de personnes a défilé devant le Premier ministre, sur le Boulevard Triomphal Omar Bongo. Un second groupe de syndicalistes qui réclamaient la réhabilitation de la Conasysed, la principale centrale syndicale de l’Education nationale, interdite d’activités depuis le 18 mars, a tenté d’organiser une marche au rond-point d’Awendje, dans le 4e arrondissement, mais la police a interdit ce rassemblement.

Des militants membres de Dynamique unitaire (DU), une coalition de syndicats de plusieurs secteurs d’activité (éducation, santé, industrie,..), ont été chassés par les forces de sécurité gabonaises à l’occasion du 1er-Mai, à Libreville. © STEVE JORDAN / AFP

Il était 11h au rond-point d’Awendje lorsque près d’une centaine de travailleurs étaient déjà rassemblés, attendant d’autres camarades pour entamer la marche. Soudain, des policiers sont arrivés dans un bahut et une Jeep. Pour la police, la manifestation est interdite. Un lieutenant engage des discussions et les organisateurs brandissent l’accusé de réception fourni par le ministère de l’Intérieur. Finalement, Jean Remy Yama, principal organisateur, joue la carte de l’apaisement.

« Nous ne voulons pas d’affrontements. Camarades travailleurs, nous allons nous rabattre en un autre lieu parce que je ne voudrais pas qu’en ce jour de fête du 1er-Mai, certains soient blessés ou que certains soient tués », a-t-il appelé.

Entre-temps, sur le boulevard triomphal Omar Bongo, dans le 2e arrondissement, c’est l’ambiance de fête. Des milliers de travailleurs défilent sous le regard admirateur du Premier ministre et de son gouvernement. Occasion pour le ministre porte-parole du gouvernement, Alain Claude Bilie By Nze, d’expliquer que la manifestation d’Awendje n’était pas autorisée.

En Côte d’Ivoire, c’est un discours plutôt franc que le chef de l’Etat ivoirien a tenu devant les syndicalistes en ce jour de la fête du Travail. En effet, dès le début de l’année, les fonctionnaires de l’administration publique ainsi que les militaires avaient engagé le bras de fer avec le gouvernement à travers des actions de protestation qui ont paralysé le pays pendant plusieurs semaines. Et le président Alassane Ouattara a créé la surprise en faisant un rapprochement entre les récentes grèves de fonctionnaires et les revendications des militaires qui ont tiré en l’air dans différentes casernes du pays pour se faire entendre.

Le 1er-Mai revêt cette année un intérêt tout particulier en raison des revendications diverses qui ont marqué le premier trimestre de l’année, en particulier celle des éléments des forces armées et celle des fonctionnaires et agents de l’administration publique

Théodore Gnagna Zadi, président de la Plateforme nationale des organisations professionnelles du secteur public, rejette ces accusations.

Nous n’avons jamais fait une action en vue de fragiliser la situation sécuritaire de notre pays.

Un syndicaliste s’est dit « très étonné » par ces déclarations, assurant que les fonctionnaires n’avaient, eux, contrairement aux mutins, violé aucune loi.

Le président Ouattara a toutefois tenu à rassurer l’ensemble des travailleurs quant à son engagement à œuvrer pour le bien-être des populations. « Nous devons travailler main dans la main pour améliorer les conditions de vie de tous les Ivoiriens, mais avec réalisme, sans chantage et sans confrontation », a-t-il déclaré.

Le chef de l’Etat ivoirien a saisi cette occasion pour appeler à une trêve sociale et promet de se pencher sur les revendications des travailleurs. « J’approuve totalement l’appel du gouvernement à une trêve sociale conclue d’ici la fin du mois de juin. Elle doit nous permettre de travailler sereinement à la résolution des problèmes identifiés », affirme-t-il.

Selon Alassane Ouattara, cette trêve est nécessaire au regard du contexte économique actuel marqué par un ralentissement dû à la baisse des cours du cacao sur le marché international ainsi que les manifestations sociales du début d’année. Il a invité les uns et les autres à faire preuve de compréhension afin de préserver les acquis obtenus jusque là grâce aux efforts de tous.

Marche organisée pour le 1er mai 2017 à Banjul, en Gambie. © RFI/Claire Bargelès

En Gambie, on a célébré le premier jour du travail sans Yahya Jammeh. Un 1er-Mai un peu particulier puisque jusque-là les syndicats n’étaient pas vraiment écoutés par le régime autoritaire. Des centaines d’employés, du public et du privé, se sont retrouvés au stade de l’Indépendance. Une journée festive puisque les Gambiens fêtent le 1er-Mai à travers une compétition sportive entre les différentes entreprises. Au programme, tir à la corde et course en sac. Mais aussi un peu de sérieux puisque les syndicalistes et travailleurs espèrent que ce soit le début d’une nouvelle ère pour le droit des travailleurs.

La journée a commencé par une marche. Comme chaque année, les employés, aux couleurs de leur entreprise, défilent derrière leurs bannières. Sauf que cette fois-ci, c’est une vraie fierté de participer pour Ismaila qui travaille pour l’Etat. « Le pays a changé et je suis très heureux et excité de participer à cette belle occasion. Les gens maintenant sentent qu’ils font partie d’un système porteur d’espoir, donc c’est un jour du travail assez spécial », s’enthousiasme-t-il.

Les travailleurs ont l’espoir d’être mieux considérés par le gouvernement et les syndicats d’avoir leur mot à dire. C’est avec conviction que Garba Cham, à la tête de l’Union des syndicats, a prononcé son discours traditionnel. « Le gouvernement doit considérer de manière urgente l’augmentation des salaires et des remboursements des transports dans tous les secteurs pour compenser avec la réalité des prix à la consommation. »

Des revendications entendues par la ministre du Commerce et de l’Industrie, Isatou Touray, décidée à permettre le dialogue. « On vient de sortir de 22 ans d’autoritarisme, où aucun individu ne pouvait faire de proposition pour améliorer le droit et les conditions de travail. Il faut qu’on s’asseye autour de la table pour que tous les acteurs se rassemblent et créent une situation gagnant-gagnant », a-t-elle estimé.

Le ministère travaille sur la réécriture du droit du travail et élabore en ce moment une loi pour que les syndicats puissent dialoguer avec les employeurs et le gouvernement.

RFI