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Désintox : non, le franc CFA ne sera pas fabriqué au Cameroun /une monnaie nocive pour les Etats africains

La Banque centrale des États de l’Afrique centrale tord le cou à la rumeur qui court depuis une semaine selon laquelle elle imprimerait désormais sa propre monnaie.

   les billets  de francs cfa  emis par la banque des etats de l’afrique centrale (beac) continueront d’être imprimés à Chamalières, à côté de Clermont-Ferrand, en France, contrairement à une fausse information relayée par plusieurs sites internet africains.

« Cette fausse information resurgit une fois de plus ? », s’agace-t-on à Yaoundé, au siège de la banque commune au Cameroun, au Gabon, à la Guinée équatoriale, au Congo, au Tchad et à la Centrafrique. L’information avait surgi l’année dernière, à la suite de la publication d’un appel d’offres de la BEAC.

La banque cherchait à acquérir « 600 rouleaux de feuillards synthétiques siglés « BEAC » et 54 machines à cercler les billets de banque », à la suite de quoi plusieurs médias en ligne en avaient conclu que l’institut d’émission allait désormais fabriquer lui-même sa monnaie.

Simple mesure de sécurité

« Les rouleaux de feuillards synthétiques sont utilisés par la machine à cercler pour attacher les billets, rappelle-t-on à la BEAC. L’opération de cerclage consiste simplement à attacher les billets, par lot de mille, avec un fil très résistant, pour éviter qu’un billet soit soutiré lors des manipulations. Il s’agit donc d’un dispositif de sécurité. »

Une activité à laquelle s’est toujours livré la Banque centrale. Le changement tient au fait que le nouveau code des marchés de l’institution lui impose désormais de lancer des appels d’offres pour l’acquisition de ce matériel, en faisant jouer la concurrence. Cette publicité a débuté l’année dernière.

Cette année, alors que la BEAC n’a pas relancé l’appel d’offres, la même interprétation erronée resurgit. Le sujet du franc CFA est très sensible auprès des opinions africaines et il suffit d’un rien pour embraser les débats… et diffuser les fausses informations.

La BEAC fait par ailleurs observer que la fabrication de la monnaie exige une compétence pointue. Par conséquent, très peu de banques centrales impriment leurs propres billets.

Monnaie – Franc CFA : 70 ans d’histoire contrastée

26 décembre 1945 – 26 décembre 2015, le franc CFA fête ses soixante-dix ans. D’où vient cette monnaie ? Quels étaient les objectifs des décideurs de l’époque ? Quelle est la trajectoire de cette monnaie ? Retour sur 70 ans d’histoire d’une monnaie dont le principe de fonctionnement est au coeur des débats. D’abord, le franc est une monnaie de référence de l’empire colonial français à la moitié du XIXe siècle. Cette monnaie est alors émise par les banques d’émission coloniales, qui sont des institutions privées dont la fonction est d’émettre des billets de banque pour financer le commerce international. La parité de la monnaie est l’usage courant, un franc colonial équivaut à un franc or pour faciliter les échanges commerciaux.

Les pouvoirs publics ont commencé par voir dans les banques d’émissions coloniales un enjeu de souveraineté. En France, le pouvoir commence à s’imposer dans les conseils d’administration de ces banques. Mais voilà, les monnaies sont privatisées, et chaque colonie possède son institut d’émission local. La fin de la guerre de 1939-1945 approchant, les États veulent contrôler les capitaux qui circulent, surtout ceux issus des colonies qui leur échappent. Le franc devient alors un élément de stabilité des échanges, mais aussi un outil de développement économique pour la métropole et l’empire qu’elle contrôle. Décembre 1945, la France ratifie les accords de Bretton Woods, et procède à la première déclaration de parité auprès du Fonds monétaire international (FMI). En 1958, le franc CFA devient « franc de la communauté française d’Afrique ». Aujourd’hui le franc CFA signifie franc de la communauté financière d’Afrique pour les pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, et franc de la coopération financière en Afrique centrale pour les pays membres de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique Centrale, auquel vient s’ajouter le franc Comorien.  À partir des années 1960, tout s’accélère, les communautés économiques prennent le pas sur les instituts d’émission. Force est de constater qu’au début des années 1960, alors que l’AOF et l’AEF se libèrent de la tutelle coloniale, les nouveaux États n’obtiennent pas leur autonomie monétaire. Le franc CFA survit aux indépendances, et bientôt, cette monnaie devient le symbole d’une colonisation qui ne dit pas son nom.

1939 : Les décrets du 28 août, et dès les 1er et 9 septembre 1939 instituent un strict contrôle des échanges entre la France et ses colonies d’une part et le reste du monde d’autre part, pour se protéger des déséquilibres structurels en économie de guerre.

1945 : Le 26 décembre 1945 sont créés le franc CFA, qui signifie alors « franc des colonies françaises d’Afrique » et le franc CFP (« franc des colonies françaises du Pacifique »). Un franc CFA vaut alors 1,7 franc français.

1948 : La valeur du franc CFA est portée à 2 francs français.

1958 : Le franc CFA devient le « franc de la communauté française d’Afrique ». Après les indépendances, il deviendra le « franc de la communauté financière d’Afrique » en Afrique de l’Ouest et le « franc de la coopération financière en Afrique centrale ».

Billet de 500 francs CFA antérieur à la création de la BCEAO © DR

1959 : La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est créée et se substitue à l’Institut d’émission de l’Afrique-Occidentale française et du Togo. De la même manière, l’Institut d’émission de l’Afrique équatoriale et du Cameroun fait place à la Banque centrale des États de l’Afrique équatoriale et du Cameroun (BCEAEC).

1960 : La Guinée se retire de la Zone franc. Le nouveau franc français entre en circulation : 1 FRF = 50 FCFA.

1962 : Les États d’Afrique de l’Ouest appartenant à la Zone franc créent une union monétaire : l’Union monétaire des États de l’Afrique de l’Ouest (UMOA) qui regroupe alors la Côte d’Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), la Mauritanie, le Niger et le Sénégal. Le Mali quitte temporairement la Zone franc en choisissant d’émettre sa propre monnaie. La même année, le 12 mai 1962, la France et les États de l’UMOA signent des accords de coopération monétaire, dits « accords de Matignon », qui se substituent ainsi aux accords bilatéraux.

1965 : Les ministres des Finances de la Zone franc se réunissent pour la première fois à Paris en mars 1965. Cette rencontre sera par la suite institutionnalisée à un rythme semestriel.

1965 : Les ministres des Finances de la Zone franc se réunissent pour la première fois à Paris en mars 1965. Cette rencontre sera par la suite institutionnalisée à un rythme semestriel.

1972 : La Convention de coopération monétaire entre les États de l’Afrique centrale est signée le 22 novembre 1972. Elle deviendra la Convention régissant l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC) en 1996 et sera modifiée en 2008. À l’instar des pays d’Afrique de l’Ouest, les États d’Afrique centrale appartenant à la Zone franc s’engagent dans la constitution d’une union monétaire. La France et les États de l’Afrique centrale appartenant à la Zone franc signent une convention de coopération monétaire (Convention entre les États membres de la Banque des États de l’Afrique centrale et la République française) le 23 novembre 1972. Cette convention n’a jamais été modifiée.

1973 : Le traité constituant l’Union monétaire ouest-africaine est signé le 14 novembre 1973. L’accord de coopération monétaire entre la République française et les Républiques membres de l’Union monétaire ouest-africaine, l’un des trois accords de la Zone franc demeurés inchangés à ce jour, est signé le 4 décembre 1973. La Mauritanie choisit de ne pas signer le traité de l’UMOA et, partant, l’accord de coopération monétaire avec la France. Elle quitte ainsi la Zone franc.

Madagascar choisit d’émettre sa propre monnaie, et ne compte plus parmi les pays de la Zone franc. Les États de l’Union monétaire ouest-africaine créent la Banque ouest-africaine de développement (BOAD).

1975 : La Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) est créée.

1977 : Le siège de la Banque des États de l’Afrique centrale est transféré de Paris à Yaoundé au Cameroun.

1978 : Le siège de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest est transféré de Paris à Dakar au Sénégal.

Billet de 5000 francs de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (1961). Ces productions, qui se rattachent par leur esthétique à l’école française du billet évoquent dans leur composition les paysages, l’art, la culture ou les activités économiques des pays d’émission. © DR/BCEAO

1979 : La signature de l’Accord de coopération monétaire entre la République française et la République fédérale islamique des Comores, entérinant l’appartenance de l’Union des Comores à la Zone franc, intervient le 23 novembre 1979. La parité entre le franc français (FRF) et le franc comorien (KMF) est fixée à 1 FRF = 50 KMF.

1981 : Une réunion des hauts fonctionnaires des ministères des Finances, des banques centrales et des principales institutions de la Zone franc est instituée pour préparer la réunion des ministres des Finances de la Zone franc.

1984 : Le Mali rejoint la Zone franc.

1985 : La Zone franc est élargie à la Guinée équatoriale. À partir de 1994 et de la dévaluation, les États africains de la Zone franc s’engagent dans la constitution d’unions économiques, complémentaires des unions monétaires.

1994 : Les francs CFA et comorien sont dévalués de respectivement 50 % et 33 %, le 11 janvier 1994. À compter de cette date : 1 FRF = 100 FCFA au lieu de 1 FRF = 50 FCFA ; 1 FRF = 75 KMF au lieu de 1 FRF = 50 KMF. Le Traité constitutif de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et le Traité instituant la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) sont signés respectivement le 10 janvier 1994 à Dakar et le 16 mars 1994 à N’Djamena au Tchad entre les États membres de chacune des unions monétaires. 1997 : la Guinée-Bissau rejoint la Zone franc.

1998 : Le 23 novembre 1998, le Conseil de l’Union européenne reconnaît les accords de coopération monétaire entre la France et les États de l’Union monétaire ouest-africaine, les États de la Banque des États de l’Afrique centrale et l’Union des Comores, au motif principal que l’engagement de la France relève d’un engagement budgétaire. Le passage à l’euro n’entraîne pas de modification de parités. À compter du 1er janvier 1999, 1€ = 655,957 FCFA et 1 € = 491,968 KMF.

2012 : Les accords de coopération monétaire de la Zone franc entrent dans leur 40e année.

Le Franc CFA est toujours fabriqué dans l’imprimerie de la Banque de France à Chamalières, une bourgade située dans la région de Clermont-Ferrand.

 presse-opinion:  Vabe charles