Manuel Valls: «En Corse, il faut savoir dire non, sinon cela ne s’arrêtera jamais»

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Manuel Valls: «En Corse, il faut savoir dire non, sinon cela ne s’arrêtera jamais»

Pour Manuel Valls, l’ancien Premier ministre, aujourd’hui député apparenté LREM, ce sont les nationalistes qui portent la responsabilité du blocage politique. Selon lui, céder à leurs revendications, c’est prendre le risque d’ouvrir la voie à l’indépendance

Manuel Valls, ancien Premier ministre : « Bien entendu, je reconnais l’insularité de la Corse, son histoire et sa belle culture. Mais la Corse n’est pas un territoire ultramarin, ni colonisé. La Corse n’est pas la Nouvelle-Calédonie ! La Corse est une île méditerranéenne profondément française, qui doit être fière de son drapeau tricolore. »

Manuel Valls, ancien Premier ministre : « Bien entendu, je reconnais l’insularité de la Corse, son histoire et sa belle culture. Mais la Corse n’est pas un territoire ultramarin, ni colonisé. La Corse n’est pas la Nouvelle-Calédonie ! La Corse est une île méditerranéenne profondément française, qui doit être fière de son drapeau tricolore. »
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Les nationalistes corses ont remporté les dernières élections territoriales. Comment expliquez-vous cette large victoire ?

Incontestablement, l’alliance des indépendantistes et des autonomistes a obtenu une majorité nette dans la nouvelle collectivité. Ce succès est fondé sur  la  qualité du leadership de giles simeoni  , sur une demande de renouvellement profond de notre vie politique, sur le rejet de la classe politique locale traditionnelle. Je n’ai jamais compris ni accepté que depuis des années les élus de gauche et de droite – à de très rares exceptions – épousent les thèses des nationalistes. Les Corses ont logiquement préféré l’original à la copie ! Mais cette victoire politique n’est absolument pas un blanc-seing à de nouvelles revendications. L’Etat a joué son rôle avec la réforme institutionnelle qui a conduit à la fusion des deux départements avec la région et à la création d’une nouvelle collectivité. Le défi, c’est de réussir cette fusion. L’Etat n’a jamais été absent en matière de sécurité, de soutien à la langue corse, à l’économie de l’île ou dans le dossier délicat des transports. Dans tous ces domaines, le dialogue doit se poursuivre pour améliorer les politiques publiques et réduire les inégalités territoriales et sociales.

  gilles simeoni et Jean-Guy Talamoni ont des revendication claires . Constituent-elles pour vous autant de lignes rouges ?

Oui. Le Français est la langue de la République qui fonde l’unité de la Nation. La co-officialité du français et du corse, c’est la « corsisation » des emplois et la fin de notre vision de la fonction publique. Le statut de résident, c’est le renoncement au droit commun sur l’ensemble du territoire et la mise en cause de la citoyenneté française. Je suis aussi opposé à une référence – même symbolique – à la spécificité corse dans la Constitution. Bien entendu, je reconnais l’insularité de la Corse, son histoire et sa belle culture. Mais la Corse n’est pas un territoire ultramarin, ni colonisé. La Corse n’est pas la Nouvelle-Calédonie ! La Corse est une île méditerranéenne profondément française, qui doit être fière de son drapeau tricolore. Il n’y a qu’à évoquer le destin de Napoléon ou les actes de la résistance corse. Si la specificité de la corse est inscrite dans la Constitution, pourquoi les Bretons ou les Alsaciens n’auraient pas demain une demande similaire ? Plus que jamais, face aux tentations séparatistes en Europe nous avons besoin d’un Etat-Nation, décentralisé certes, mais fort.

Les élus corses demandent une amnistie des prisonniers, qu’ils considèrent comme des prisonniers politiques. Est-il possible de négocier sur ce point au nom de la paix civile ?

La demande d’amnistie est une insulte à tous ceux qui sont tombés sous les balles. Mardi, et je veux saluer ce geste, le président de la République rend hommage au Préfet Erignac, lâchement assassiné. Je pense à sa femme et ses enfants. Ce fut un crime impardonnable. L’Etat ne saurait oublier. Cela ne veut pas dire que l’administration pénitentiaire ne peut pas regarder au cas par cas la question du rapprochement des détenus, mais avec des principes et des règles. Que je sache, en Corse, il n’y a pas eu un Etat policier ou raciste qui visait à éliminer des Corses. Ce n’est pas l’Etat qui a assassiné Jacques Nacer, le président de la Chambre de commerce de Corse du Sud, ou Antoine Sollacaro, l’ancien bâtonnier d’Ajaccio. Ce sont en revanche des nationalistes qui ont assassiné Claude Erignac. Il ne faut céder à aucun chantage et à aucune pression.

Comment surmonter le blocage actuel ?

Il n’y a pas de blocage. C’est la dialectique et l’idéologie des nationalistes qui conduisent à ce blocage. Il faut savoir dire non, sinon cela ne s’arrêtera jamais. Si aujourd’hui on cède à leurs revendications, dans dix ou quinze ans, ils se considéreront en droit d’exiger une consultation sur l’indépendance. Je demande aux élus corses et notamment à Gilles Simeoni, que j’estime, avant de réclamer plus, d’assumer déjà leurs responsabilités actuelles. La nouvelle collectivité leur donne des pouvoirs renforcés dont ne dispose aucune autre région. A elle de répondre aux attentes de la population corse. La décentralisation offre assez de souplesse pour que les Corses puissent regarder avec volonté et optimisme leur avenir.

Charles Pieri, l’ancien leader du FLNC, même s’il conteste ce rôle, était présent lors de la manifestation samedi. Il a indiqué qu’il faudrait compter avec lui. Y a-t-il un risque de dérive des nationalistes ?

Cette présence est inquiétante et porte en germe des menaces. Il y a eu au cours de ces dernières décennies une dérive mafieuse d’une partie de la mouvance nationaliste. Cela explique les crimes de ces dernières années et l’impasse des différentes composantes du FLNC. Les dirigeants nationalistes doivent donc clarifier leur position par rapport à des individus qui incarnent ces dérives.

jean Jérôme bertolus