MR BERNARD DOZA :Le grand problème de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, c’est l’ivoirité. Concept inventé par les AKANS ..

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MR BERNARD DOZA :Le grand problème de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, c’est l’ivoirité. Concept inventé par les AKANS ..

PRÉSENTATION DE MR DOZA

Mr DOZA, La rédaction du journal ’ a le plaisir de vous rendre visite à l’heure où la Côte D’ivoire, votre pays, traverse une grave crise politique. Nous vous remercions de nous accueillir. Et nous allons tenter avec vous de comprendre un tant soit peu les causes, les origines et les conséquences éventuelles de cette crise.
Mais avant tout : qui est Bernard DOZA ?

Bernard DOZA :

Je suis, Bernard DOZA, un ivoirien venu en France en 1977, poursuivre des études universitaires. Au vu de la situation des pays africains, militant et étudiant anti-impérialiste, je suis devenu journaliste le 25 septembre 1983 grâce à une émission que j’ai créée sur Radio Média Soleil, intitulée « EXIL ». Cette émission avait une spécificité du fait de ma formation politique de militant : Je voulais donner la parole aux opposants politiques d’Afrique francophone. C’est avec cette émission, recevant les opposants tous les dimanches jusqu’en 86, que j’ai été recruté comme journaliste à Média Tropical, (anciennement Tropic FM). J’y ai aussi fait d’autres émissions. Depuis j’ai été conseiller des présidents Blaise COMPAORE et Abdou DIOUF suite à des évolutions dans ces pays au moment des élections du 28 février 88 et, en ce qui concerne le Burkina Faso, au lendemain de l’assassinat de Thomas SANKARA.

Je suis toutefois toujours resté à Paris où à l’aide de mes émissions politiques j’ai aidé à promouvoir des opposants politiques tels Laurent GBAGBO en un temps où les différents soubresauts politiques en Côte d’Ivoire ne permettaient pas d’entrevoir les perspectives d’avenir.

RAPPELONS LES FAITS DU 19 SEPTEMBRE 2002
Depuis le 19 septembre 2002 , une mutinerie de soldats semble s’être transformée en tentative de coup d’Etat. De quoi s’ agit-il ?

Bernard Doza  :

Rappelons que c’est la troisième tentative de renversement du pouvoir GBAGBO. Mais cette fois c’est plus grave, car il y avait non seulement intention de tuer à grande échelle, mais l’échec du coup d’état a vu aussi naître une rébellion armée contre la REPUBLIQUE laquelle a maintenant transformé la moitié du pays en« Zone de résistance ».

Dans cette tentative de coup d’état, le plus important à mon avis, ce n’est pas la méthode utilisée pour parvenir au renversement du pouvoir mais le pourquoi de la déchirure…
Depuis 1960, les ivoiriens ne sont pas d’accord sur les méthodes de gouvernement et même avec le président de l’époque. Mais ils étaient étouffés, emprisonnés voire assassinés par HOUPHOUET.

En 1990, à la chute du mur de Berlin, ils ont tenté de dire non à la dictature, et ils ont été floués à travers le décret du Multipartisme du 30 Avril, qui entérinait la confiscation de la révolution du peuple par la petite bourgeoisie sortie du PDCI. Depuis cette époque la volonté populaire du changement se cherche des leader pour renverser les institutions et les dignitaires de l’ancien régime.

Lorsqu’en 1990 GBAGBO crée le Front Populaire Ivoirien, le peuple le croit capable de chevaucher ces revendications jusqu’à la chute du système mais HOUPHOUET meurt en héros et depuis c’est l’incertitude….

DE HOUPHOUET A OUATTARAL

Monsieur DOZA pouvez-vous évoquer pour nous quelques uns des fondements de la crise que vit en ce moment la Côte d’Ivoire ?

Bernard DOZA :

Il faut toujours revenir à l’histoire. Et pour saisir ce qui arrive, il faut remonter jusqu’en 1909 lorsque la guerre coloniale battait son plein en Côte d’Ivoire. Toutes les tribus étaient hostiles à la pénétration coloniale. L’une d’entre elles les Akouès (Baoulés) a alors trahi les autres en s’engageant au côté des colons. En guise de remerciement ces derniers avaient scolarisé une des pupilles de la chefferie traditionnelle, en l’occurrence, Félix HOUPHOUET BOIGNY.

Quand en 1925, M. KOUASSI-NGO (l’oncle d’HOUPHOUET) meurt, et que ce dernier devient chef traditionnel, c’est un gouverneur colonial (Maurice DELAFOSSE) diligenté par la France qui devient conseiller politique d’HOUPHOUET. C’est ce gouverneur colonial là , qui crée la première association des personnes originaires de Côte d’Ivoire. Et conséquemment lorsque HOUPHOUET forme la bourgeoisie africaine dans les années 1930, c’est essentiellement et majoritairement avec de jeunes Akans. A regarder la liste des huit (8) principaux bourgeois qui ont été à la base de la création du Syndicat Agricole Africain en 1944, force est de constater que la majorité d’entre eux est Akan.

Aussi pour comprendre les convulsions que nous vivons aujourd’hui, il faut dire que c’est en partie parce que cette philosophie de l’ivoirité qui a été écrite par M. BEDIE en 1994, puise ses sources dans le pouvoir Akan qui ne veut pas céder la place à une véritable démocratie en Côte d’Ivoire : c’est là , à mon sens, le fond du dossier. Ce pouvoir Akan se met en place dès 1945, lorsqu’au lendemain de la guerre, la France lance à Paris une Assemblée Constituante et demande à l’Outre-Mer d’envoyer des députés. Un grande campagne démarre et confronte d’abord deux principaux candidats : OUEZZIN COULIBALY de la Haute-Volta (puisque les deux pays par la grâce coloniale formaient une même entité) et HOUPHOUET qui venait de la Basse-Côte.

Au cours de la campagne électorale, OUEZZIN était populaire et en avance de presque dix voix au premier tour. Houphouet, déséquilibré, décida de faire campagne sur un thème xénophobique dans le centre et le sud, principalement à Bouaflé, Tiébissou et Sakassou avec des slogan contre les étrangers Mossi. OUEZZIN au vu de ce discours haineux, s’est alors désisté au second tour et a appelé les Voltaïques à voter pour Houphouet.

Dans le même temps il y avait un autre candidat choisi par le parti progressiste : c’était SEKOU SANOGO. Il présentait sa candidature à MANKONO.
A Mankono, SANOGO était majoritaire comme dans toute la partie Nord du pays. Et c’est à cause de cela, que la victoire d’Houphouet n’a été proclamée que le 25 novembre. HOUPHOUET BOIGNY ne l’a jamais oublié. C’est aussi l’une des raisons de ce retard dans le développement dont souffre le grand Nord en Côte d’Ivoire.

HOUPHOUET BOIGNY fut le premier à avoir instrumentalisé la xénophobie à l’orée de l’indépendance en 1945. Dès 1958, il approche un jeune Bété, PEPE PAUL, à qui il donne les moyens de créer la ligue des originaires de Cote d’Ivoire. Il faut rappeler que, selon les historiens et même les contemporains tel Samba Diara, c’est le même PEPE PAUL avec d’autres amis comme Groguhet qui, en 1962-63, a servi d’élément catalyseur pour le complot de 1963. HOUPHOUET BOIGNY a ainsi pu briser la dynamique d’une jeunesse qui sortait de la colonisation, galvanisée par Amadou Kone, arrêté et mis en prison. Ce fut lors du complot de 63 appelé le Complot du chat noir que l’on a donc assisté à la première phase de l’élimination de l’élite nationale.

Et pendant que la ligue des originaires, créée en 1958, organisait le lynchage des Dahoméens puis des nigérians en 1968, des maliens en 1975, des mauritaniens en 1982, des ghanéens en 1988 et 1992, HOUPHOUET BOIGNY nommait des étrangers connus qui ne s’étaient même pas donner la peine de changer de nationalité pour devenir ministre en Côte d’Ivoire. On compte parmi eux Amadou Thiam qui avait épousé la propre soeur d’Houphouet, Amoin, Mohamed Diawara, malien d’origine (depuis qu’il n’est plus ministre, il s’est installé au Mali, précisément à Bamako) et Aboulaye Sawadogo (Burkinabé).

Il faut comprendre que le peuple de Côte d’Ivoire vivait entre deux frustrations . Voilà pourquoi les étrangers ouest africains vivant dans le pays subissaient régulièrement les affres de la xénophobie lors des crises politiques, pendant que d’autres étrangers originaires de la bourgeoisie étaient au sommet de l’Etat. Cette frustration combinée va être le lot commun des ivoiriens jusqu’en 1990 lorsque HOUPHOUET BOIGNY, sentant ses forces l’abandonner, décide de nommer un jeune baoulé considéré comme son fils (ce que moi même j’ai écrit dans mon livre « liberté confisquée »). Il s’agit de Henry Konan Bedié dont le curriculum politique national aurait eu peu de chances d’être plébiscité par le peuple ivoirien.

Henry Konan Bedié nommé Ministre de l’Economie en 1966 avait en effet profité de la constitution pour percevoir 1% sur chaque aide perçue par la Côte d’Ivoire. Il a d’ailleurs fêté ses 7 milliards en 75, détourné plus de 35 milliards des usines sucrières du Nord en 77 jusqu’à ce que HOUPHOUET BOIGNY lui même soit contraint de le chasser du gouvernement. Il est alors parachuté à la Banque Mondiale et revient en 1980 au nom de ce que l’on a appelé, dans le temps, « la démocratie dans le parti unique ». Il se fait élire à Daoukro comme député et finance la campagne des jeunes députés du parti unique qui n’avaient pas de moyens, lesquels, une fois élus à l’Assemblée Nationale le plébiscitent comme Président de cette institution pour l’aider à prendre le pouvoir.

HOUPHOUET BOIGNY va jusqu’à sacrifier Yace Philippe connu depuis les années 60. En 1963, à l’occasion du complot de 1963 il avait officiellement accusé ses propres amis d’avoir voulu tuer HOUPHOUET BOIGNY. C’est le même Yace qui a géré la crise entre la Côte d’Ivoire et la Guinée en insultant chaque jour à la radio Sekou Touré (le président guinéen)et qui est brisé alors qu’il apparaissait comme le dauphin au congrès de 1980 à Abidjan. A l’issue des débats, Yace revient du congrès sur une civière au profit de Henry Konan Bédié qui en 1990 était encore Président de l’Assemblée Nationale.

Il était donc devenu nécessaire de nommer quelqu’un qui pourrait tromper le peuple ivoirien. Voilà comment est arrivé Alassane Dramane Ouattara, nommé premier ministre, à qui on a demandé d’établir les cartes de séjours des étrangers africains, de privatiser, d’opérer les relèvements fiscaux, de faire ce que n’avait pas osé faire HOUPHOUET BOIGNY et encore moins son gouvernement. Une fois Alassane Dramane Ouattara devenu impopulaire dans le pays, on pouvait, HOUPHOUET BOIGNY étant décédé, instruire la philosophie de l’ivoirité et lui barrer la route du pouvoir.

On avait cependant compté sans son sens de la stratégie politique et son armée de conseillers. Constatant que sa position en Côte d’Ivoire était déséquilibrée du fait qu’il avait des origines burkinabé (Burkina Faso) que fait-il au cours d’une conférence à Paris ? il annonce officiellement qu’on ne veut pas de lui comme candidat en Côte d’Ivoire parce qu’on ne veut pas d’un musulman pour Président. Dès lors tous les Dioulas, tous les commerçants pour la plupart originaires du Nord, ont commencé à soutenir Alassane Dramane Ouattara.

A partir de 1994, notre pays est entré dans une phase d’affrontement Nord/Sud et c’est sans aucun doute le fruit de tractations politiciennes mises au point par HOUPHOUET BOIGNY pour préserver le pouvoir aux Baoulés et aux Akans. Henry Konan Bedié, ayant pris le pouvoir, logiquement il devait le perdre au profit du neveu d’ HOUPHOUET BOIGNY, Charles Banny qu’il a pris soin de nommer gouverneur de la BCAO au lendemain de la nomination d’ Alassane Dramane Ouattara comme premier ministre. L’explosion à laquelle nous avons assistés depuis l’an 2000, au lendemain du coup d’Etat, n’est que le résultat d’une philosophie que, nous qui nous battons pour la démocratie en Côte d’Ivoire , n’avons jamais voulu partager et encore moins porter à bras le corps. Ceux qui ont décidé de le faire en sont aujourd’hui pour leurs frais. Le pays est divisé en deux, et c’est une preuve de l’échec politique de ceux qui ont lutté depuis les années 80 pour la démocratie en Côte d’Ivoire sans remettre en cause la gestion néo-coloniale.

LA SITUATION ACTUELLE ET L’HERITAGE DE BEDIE : L’ECHEC D’UNE VISION

Quel regard jetez-vous alors M.Doza sur la crise qui secoue votre pays ?

Bernard DOZA :

Ce que je constate, c’est d’abord l’échec d’une vision de la société ivoirienne ; pour ne pas dire d’une certaine pratique de la démocratie. Or je n’ai pas lutté, pas plus que mes amis, pour que en Côte d’Ivoire le Sud se batte contre le Nord, les Bétés contre les Dioulas et encore moins les Bétés contre les Baoulés ou vice versa. La Côte d’Ivoire doit se battre pour construire une NATION. Et le problème fondamental est de savoir avec qui nous allons construire cette nation.

Ce qui nous manque en Côte d’Ivoire ce sont des hommes à la légitimité forte qui soient capables de voir ce dont la Côte d’Ivoire a besoin en tant que puissance régionale économiquement parlant, pour asseoir sa position dans la sous région et contribuer à son développement. Il est patent que le système que nous avons choisi à travers l’ancien Président BEDIE fondé sur une philosophie de la séparation raciale ne peut réussir. Et c’est pourtant cette même philosophie délétère qui a été reprise par des opposants , anciennement socialistes, pour préserver et conserver le pouvoir.

Aujourd’hui que le pays est divisé en deux, je crois qu’on peut parler de l’échec d’une philosophie et d’une politique.

OPPOSITION BETE/BAOULE ET MIRAGES DU DROIT DU SANG

Comment se fait-il qu’aujourd’hui l’opposition Bété /Baoulé qui fut longtemps entretenue est devenue caduque et qu’on désigne aujourd’hui les Dioula comme la bête noire des ivoiriens ?

Bernard DOZA :

Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Dès 1957, en même temps que HOUPHOUET BOIGNY considérait le Nord comme l’ennemi à cause de la candidature de Sekou Sanogo, il avait coopté au Nord quelques Dioula qu’il exhibait comme des éléments de l’intégration. C’est ainsi qu’il a pris un Dioula né à Daloa, Diarassouba pour la région de Gagnoa. Diarassouba a été tué en 1957 à Mahidjo et au lendemain une expédition militaire partie d’Abidjan conduite par des gardes mobiles avait frappé à l’époque la ville de Gagnoa. Cela est inconnu du peuple.

C’est donc à partir de cette opération, commanditée par Dignan Bally et Djedje Capri que les Bétés sont entrés dans le collimateur du pouvoir. Tout le temps qu’ HOUPHOUET BOIGNY a régné dans le parti unique, les Bétés étaient considérés comme l’ennemi du pouvoir, mais ce qui me fait aujourd’hui tiquer, c’est qu’au moment où les Bétés étaient considérés comme l’ennemi du pouvoir de 1957 à 1993, aucun intellectuel ivoirien ne s’est levé pour dire : ce n’est pas normal. Et pourtant les Bétés subissaient les affres de la dictature. Quand on était Bété en Côte d’Ivoire, on était considéré comme palabreur, révolutionnaire et anti-social. On vous refusait même la location d’une maison. Plus grave, des emplois vous étaient aussi refusés parce que vous êtiez simplement un Bété. Et cela avait même conduit avant 1990 à ce qu’on appelle depuis « l’immigration dans le milieu Bété » vers les pays européens et d’autres pays africains parce que dans leurs propre pays ils étaient mis au ban de la nation.

On sait qu’en 1982, une simple manifestation provoquée par les étudiants à qui on venait de refuser un débat à l’université, avait été l’occasion pour HOUPHOUET BOIGNY de dire qu’il avait été victime d’un complot Bété. On avait cité trois Bétés à cette occasion ( Laurent Gbagbo, Kipre et Zadi). Ils se plaignaient de l’obscurantisme. A cette époque là , faisaient partie du gouvernement ceux là même qui brandissaient les plumes pour servir le régime en place. Il y avait M. Bala Keita, qui était le griot de service d’ HOUPHOUET BOIGNY en tant que ministre de l’éducation. Il y avait M. Dona Fologo, le directeur appointé de Fraternité Matin. Il y avait M. Gaoussou Kamissoko qui était du Nord et qui avait écrit la fameuse idéologie du rapprochement entre HOUPHOUET BOIGNY et le régime fasciste de l’Apartheid. Mais tous ces gens mangeaient avec HOUPHOUET BOIGNY. Alors on ne comprend pas aujourd’hui que lorsque HOUPHOUET BOIGNY dans sa stratégie élaborée pour éviter un affrontement Bété / Baoule dès sa disparition ait amené un homme du Nord qui avait quitté la Côte d’Ivoire depuis l’âge de 10 ans et adopté la nationalité de ses pays d’adoption, à revenir en 1980 comme Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest pour le nommer Premier Ministre là où tous les nationalistes de Côte d’Ivoire ont été tués, là où tous les gens du Nord ont été écrasés, les gens du Sud tués et ceux du centre fragilisés. Houphouet a nommé Ouattara Premier Ministre alors que la question de sa nationalité prêtait déjà à confusion. .

J’ai pourtant moi même, Bernard DOZA, dénoncé Laurent Gbagbo dans « Liberté confisquée » dès novembre 1991 comme ayant été phagocyté par le régime Akan-Baoule donc devenu une sorte de HOUPHOUET BOIGNY en miniature chargé dans la logique de cette domination de faire le sale boulot des Akans, c’est-à -dire de balayer tous les ennemis des Akans pour leur permettre de revenir au pouvoir par la voie légale.

Je suis donc étonné que les intellectuels du Nord s’élèvent pour dire que le tribalisme s’est déplacé à l’Ouest et qu’aujourd’hui nous assistons à une épuration dans l’armée, je vous pose la question : Depuis le 26 octobre, qui tue en Côte d’Ivoire ?

Les 57 corps du charnier de Yopougon, les 8 gendarmes qui ont été arrêtés et passés devant les tribunaux, il n’y avait pas un Bété parmi eux. Au contraire, celui-là même qui dirigeait les escadrons de la mort est un Gouro, le commandant Gbekpa. Or les composantes de l’armée ivoirienne, de la garde républicaine et de la gendarmerie du régime HOUPHOUET BOIGNY était en majorité des Baoules, des gouros qui sont leurs parents, le reste étant de l’Ouest. Mais à l’Ouest on choisissait les combattant chez les Guere et les Yacouba.

Le grand problème de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, c’est l’ivoirité. Concept inventé par les AKANS pour démontrer à la face du monde que si les Akans ne sont pas au pouvoir, le pays, la Côte d’Ivoire est ingouvernable. Aujourd’hui depuis les évènements du 19 SEPT 2002 HOUPHOUET BOIGNY est devenu plus populaire que n’ importe lequel des présidents qui se sont succédés après lui. Pourquoi ? Même les mutins regrettent la Côte d’Ivoire d’ HOUPHOUET BOIGNY et proposent qu’on revienne à la constitution néocoloniale qui avait été élaborée en France par des juristes français et ensuite lue à haute voix et proposée à l’assemblée nationale du parti unique qui l’a adoptée par acclamation le 3 novembre 1960. Alors qu’une constitution est une loi fondamentale , l’essence d’une nation.

En Côte d’Ivoire nous avons trois nations : les AKAN, les KROU et les MANDE. Il faut que ces trois nations s’assoient autour d’une table pour écrire une Constitution qui va intégrer les tenants et les aboutissants de chaque peuple sur laquelle tout le monde peut prêter serment et à partir de laquelle chacun peut se définir comme ivoirien. Je dis que la Côte d’Ivoire de demain c’est la Côte d’Ivoire où celui qui veut être ivoirien doit avoir la nationalité ivoirienne ; celle où un enfant qui est né en Côte d’Ivoire devient ivoirien à sa naissance . Que lorsqu’un africain a plus de 10 ans en Côte d’Ivoire et veut être ivoirien , il lui suffise de faire une demande pour le devenir. Car, nous connaissons trop bien le droit de sang : Ce n’est pas aujourd’hui dans un pays comme la Côte d’Ivoire où nous avons 5 millions d’étrangers pour 16 millions d’habitants que nous allons nous soumettre à ces dérives.

QUI EST MR GBAGBO ET QUEL JEU JOUE-T-IL ?

Que devrait faire M.LAURENT GBAGBO, historien de formation, pour échapper aux pièges de cette manigance politique concoctée depuis l’ère Houphouetiste ?

Bernard Doza :

Lorsque Laurent est arrivé en France en 1982, il est venu avec une conception idéologique fondée sur l’idée d’une transition pacifique vers la démocratie. Nous, étudiants, ivoiriens de Paris, étions dans les partis et les mouvements politiques. Personnellement, j’étais dans le parti socialiste et révolutionnaire de Fulbert Kouassi, avec qui nous avions déjà à l’ époque tenté de lancer des perspectives pour un changement véritable en Côte d’Ivoire 
Quand il est arrivé je l’ai reçu le 25 Décembre 1983 sur les ondes de la radio. Depuis ce jour, nous avons ensemble lancé le mouvement Ivoirien pour les droits démocratique.

Nous n’avons jamais partagé la même vison politique. Eux étaient pour une transition pacifique vers la démocratie, nous, nous étions des nationalistes de gauche, des révolutionnaires, qui voulions changer la Côte d’Ivoire en remettant en cause la gestion Néo-coloniale. Eux ont voulu contraindre le pouvoir en place, dans une logique d’alliance, afin d’éviter une guerre civile à la Côte d’Ivoire ; celle à laquelle nous assistons précisément aujourd’hui. Il n’a pas de doute que c’est parce que la bourgeoisie a vu que son pouvoir allait à la perte qu’elle a fomenté une division nationale fondée sur le concept d’ivoirité de sorte que demain, elle puisse jouer un rôle de sauveur et faire cesser les troubles tout en préservant ses privilèges.

Mais lorsque vous regardez bien le parcours, vous vous rendez compte qu’en 1982 ( parce qu’ il y a aussi l’histoire des hommes et celle des peuples), le PDCI a récupéré les Bété comme fer de lance de la dictature . Au moment où HOUPHOUET BOIGNY vieillissant commence à mener la bataille contre les multinationales dès les années 80, c’est en 1982 qu’un Bété est dénoncé avec deux de ces complices, comme étant à la tête du complot Bété. Ce Bété est choisi par les éléments modérés Baoulés du gouvernement. On prend dans la frange Bété, qu’ on a combattu comme ennemis du pouvoir, un élément avec qui on se met d’accord pour une transition pacifique. Ce sont donc ces Baoules modérés, qui font sortir Gbagbo de la Côte d’Ivoire et l’ amènent à Paris. Et à la fin de son exil, c’est encore eux qui viennent le chercher par le biais de Aboulaye Diallo, un parent du dictateur HOUPHOUET BOIGNY en personne.

En 1990, Gbagbo crée son parti. Qui finance ? Un bourgeois agraire, Sansan Kouao, c’est encore un Akan. Donc ce Bété phagocyté va agglomérer autour de lui toute la frustration du peuple Bété qui va le considérer comme le dernier des leaders qu’il ait connu : Biaka Boda ayant été tué en 1950 ; Dignan bailly étant mort dans des conditions misérables a Gagnoa en 1969, emprisonné par Leon Konan Kofi, anciennement préfet de Gagnoa ; Christophe Gnangbe ayant été tué en 1970 en compagnie de ses partisans à Ganoa. Ainsi les Bété qui ont perdu beaucoup de leurs leaders dans la répression voient Gbagbo porté par la bourgeoisie baoulé au pouvoir et se considèrent désormais comme les dépositaires d’un pouvoir qui les avait martyrisé. Même s’il ne s’agit que d’un mandat limité, on est prêt à établir un cordon autour de Gbagbo. Voilà donc, à mon sens, la démarche qui galvanise le soutien ethnique.

Mais en réalité c’est une démarche de participation à la préservation du pouvoir Akan. Quand Gbagbo se présente contre HOUPHOUET BOIGNY, en 1990, c’est pour garantir une bonne sortie au dictateur. Quand HOUPHOUET BOIGNY meurt, au moment où le peuple Ivoirien attendait de Gbagbo qu’il lance l’insurrection, que faisait ce dernier ? Il négociait un gouvernement d’ouverture avec Henri Konan Bedié dans son bureau.

LA PUISSANCE INDUSTRIELLE FRANÇAISE ET LE RÔLE DE LA PREMIÈRE GÉNÉRATION DES CHEFS D’ETAT AFRICAINS

Comment M .DOZA explique la passivité de la France dans ce conflit qui déchire son pays ?

Bernard Doza

Pour comprendre l’apparente passivité de la France dans ce conflit, il faut revenir aux origines de la puissance industrielle française dès le 19éme siècle et faire le lien avec le rôle spécifique qu’a joué au profit de France la première génération de chefs d’états africains à l’orée des indépendances. Il faudrait approfondir la question, mais je vais dans l’immédiat tenter de résumer mes pensées.

La France est un petit pays, beaucoup d’africains ne le savent pas. Un petit pays dont le capitalisme a été bâti par Napoléon a partir de 1802. Elle n’a pas de ressources naturelles, elle a du raisin pour fabriquer le vin, du blé et du charbon. Avant Napoléon, jusqu’au Directoire, la France envoyait le raisin à Londres et c’est là qu’on fabriquait le vin. Quand Napoléon a pris le pouvoir il a voulu porter la révolution française dans tous les pays européens, et quand il a conquis le pouvoir, il a obligé ces pays a faire un blocus autour de l’Angleterre pour l’empêcher d’exporter ses produit manufacturés vers les autres pays européens. Il a ensuite convoqué une réunion de tous les industriels a Paris, pour déjà jeter les bases d’un mécanisme de fabrication de ces produits industriels. Cela c’est passé au Palais du Louvres, et c’est à partir de ce moment que la France a commencé petit a petit à saisir la technologie permettant de traiter ses matières premières.

Et donc si on ne connaît pas l’histoire de la France, on ne peut pas comprendre le retard des pays africains. La France en 1885, était le seul pays parti à Berlin exhiber les traités signés par les chefs traditionnels en vue de l’accaparement des pays africains. Sur ce plan là , elle a fait la guerre à l’Angleterre et n’a cessé de lutter et contester la position de l’Angleterre dans ses possessions en Afrique [2]. La France se sentant faible économiquement à l’intérieur de son continent, elle avait besoin des richesses des pays Africains. C’est ainsi qu’elle a hérité de 12 pays africains.

Au lendemain de la première guerre mondiale l’Allemagne qui a été battue a cédé, suite au traité de Versailles, ses quatre colonies qui furent partagés en deux. La France a pris le Togo et le Cameroun, la Tanzanie et la Namibie revenant à l’Angleterre. Si donc on s’intéresse à la situation on réalise que cette France là est toujours présente. Et l’erreur commune que font souvent les dirigeants Africains c’est de croire que l’indépendance factice octroyée en 1960 fut une indépendance réelle . Or qu’est ce qu’une indépendance si ce n’est la liberté pour un peuple de reprendre son pays les armes à la main et ce, à l’issue de luttes et de faits de résistance contre l’occupant.

Le problème est qu’en Côte d’Ivoire nous n’avons jamais résisté à l’occupant français . La France de De Gaulle, voyant qu’elle perdait ses colonies de l’Indochine et de l’Algérie s’est empressée, après que les Américains l’aient chassée du Vietnam, d’octroyer des indépendances factices aux 14 pays africains francophones. Ces indépendances avaient pour fonction de museler les velléités d’indépendance des indigènes à l’intérieur des pays en question. La France a fait en sorte que tous les chefs d’état qui ont pris le pouvoir dans ces pays fussent ceux qu’ elle avait elle-même choisi. Et ces chefs d’Etat n’avaient pas pour fonction de porter la destinée de leur peuple mais de garantir les intérêts de la France. Maintenant nous sommes sortis de l’ère de cette première génération de chefs d’Etat .

Pourquoi la deuxième génération a- t -elle des problèmes ? c’est parce que la deuxième génération qui a fait l’école des indépendances africaines s’imagine que l’indépendance avait un contenu. Chaque fois que cette génération affirme sa volonté de travailler au développement des populations apparaît un ennemi venu de nulle part qui entre dans le corps d’un frère de votre classe ou de votre chambrée et qui vous tue pour le compte des multinationales .

Aujourd’hui c’est la même donne qui se renouvelle malgré la transition pacifique en Côte d’Ivoire. Certains ont voulu se hisser au pouvoir en s’alliant avec une bourgeoise extravertie compradore datant de l’époque néo-coloniale tout en prétendant améliorer la condition du peule ivoirien par le biais d’une remise en cause des intérêts néo-coloniaux. De telles dispositions d’esprit comprennent le risque que leur propre pouvoir soit remis en cause et de fait, aujourd’hui, il y a mutinerie au nord.

La question fondamentale est que la mutinerie a lieu au moment même où le pouvoir FPI qui veut développer la Côte d’Ivoire entend exiger au nom des Ivoiriens les recettes fiscales que beaucoup d’entreprise en Côte d’Ivoire ne payent pas depuis l’époque de la dictature, parmi lesquelles de nombreuses entreprises étrangères. Il ne faut pas oublier qu’en 1959 la France, lorsqu’elle a donné l’indépendance à la Côte d’Ivoire, a imposé à Houphouet Boigny la signature d’un code d’investissement qui permettait aux entreprises françaises de piller notre pays et de rapatrier les capitaux sans payer taxes ni impôts. De fait, si aujourd’hui un nouveau pouvoir arrive et qu’il veut remettre en cause ce code d’investissement, cela veut dire qu’il se met lui même en danger. Pour remettre en cause ce code d’investissement, il faut d’abord une révolution nationale qui renégocie tous les accords signés avec la France.

Mais si rien n’a été négocié comment voulez faire comprendre à des gens comme Bouygues et Bolloré qui considèrent la Côte d’Ivoire comme une vache à lait, que leurs contrats arrivent à terme ? Et qu’en 2004 vous allez lancer un appel d’offre international qui vous permette de choisir parmi les multinationales celles à qui vous ouvrirez les marchés ivoiriens, celles dont l’action bénéficiera réellement aux ivoiriens et permettra de sortir du sous développement. Dans le même temps, quand vous dites cela, vous savez déjà que certaines d’entre elles vont en sous main armer des bandes de dissidents réfugiés dans les pays tiers et en quête perpétuelle de moyen de subsistance. Ceux là , qui tout d’un coup voient une mangue leur tomber du ciel, des armes neuves, des pataugas neuves, des treillis neufs, des liquidités fraîches, vont s’auto définir comme rebelles, revendiquer le droit de vous juger et au delà de ces droits exiger la démission du chef de l’état ou l’organisation de nouvelles élections ; au risque de faire revenir au pouvoir ceux là même qui étaient à la base des intérêts coloniaux.

« IL FAUT SE PASSER DE BEDIE ET DE GBAGBO POUR CONSTRUIRE UNE COTE D’IVOIRE NOUVELLE »

Que répondez vous aux réfugiés politiques ivoiriens (résidant aux USA) Fatou Gaye et Timoko Coulibaly qui disaient dans le journal burkinabé l’observateur quotidien qu’ « il faut se passer , de Bédié et de gbagbo, pour construire une Côte d’Ivoire nouvelle » ?

Bernard Doza

Je demande aux jeunes de lire au moins le programme du RDR et ne pas adhérer pour la seule raison qu’ils viennent du nord. J’entends Guillaume Soro du MPCI dire « je n’ai pas choisi de naître au nord » et qu’il était membre du FPI avant de se rendre compte que Gbagbo trompait tout le monde. Moi Doza je n’ai eu besoin d’aller à Abidjan avec Gbagbo pour comprendre qu’il trompait tout le monde mais Soro a-t-il aujourd’hui la garantie que Ado, qui est un bourgeois venu du FMI, ne peut pas le tromper comme Gbagbo ?

Ce que nous voulons construire aujourd’hui en Côte d’Ivoire, c’est une nation ivoirienne. Ce qui doit unir les ivoiriens du nord, du sud, du centre , de l’ouest et de l’est, c’est l’idéologie politique . Quand j’adhère à un parti politique c’est que je crois à l’idéologie de ce parti . Je crois que dans les déclarations qui ont été faites, on parle de Bété de Dioula. Ce n’est pas le langage de notre génération. Nous, nous sommes nés dans les villes, dans les faubourgs et avons vécu dans les cours communes avec des ressortissants de toutes les régions. Ce que nous voulons bâtir aujourd’hui c’est une nation, une société sans ethnie .

Quand Guillaume Soro est passé à Paris en 1999, nous avons discuté. Martial AHIPAUD était là . C’était à la maison des étudiants de Côte d’Ivoire dans le 13ème arrondissement . On mangeait un repas et je le lui avais dit puisqu’il était de la dernière génération de la FESCI . Il fallait qu’il fasse en sorte de ne pas tomber dans le piège des leaders issus du PDCI RDA. Ces leaders là n’ayant pas un programme mobilisateur national, utilisent leurs régions et leurs ethnies en guise de programme . Aujourd’hui au FPI, c’est 95% de Bété, au RDR c’est 95% de Dioula, le PDCI c’est 95% de Baoulé. Tout cela n’est plus acceptable.

La France a plus de 300 ethnies mais aujourd’hui en France on ne parle plus d’ethnie. Chaque fois qu’un problème se passe en Afrique on commence à parler de religion ou d’ethnie. Moi je veux croire ni aux ethnies ni aux religions. J’aimerais que la jeunesse ivoirienne suive mon exemple. Quand le FPI a pris le pouvoir c’est Doza qui fut son premier ennemi. C’est moi qui ai fait une conférence ici à Paris pour dénoncer le génocidaire que Gbagbo devenait dès sa prise de pouvoir à partir du moment où il invitait les policiers et les gendarmes à se défendre s’ils étaient attaqués par les militants du RDR et par les manifestants. C’est ce combat que nous devons mener.

Car aujourd’hui, que ce soit , Gbagbo ou même Bédié qui prenne le pouvoir, ils chercheront tous à tribaliser l’armée, la police et la gendarmerie pour se garantir une fidélité à défaut de disposer d’une légitimité. Ce n’est donc pas un état républicain. Nous n’avons pas fait la révolution car l’Etat que nous avons en face est un héritage de la colonisation française dont le rôle et l’objectif est de servir les intérêts étrangers. La jeunesse des indépendances doit se mobiliser afin de lutter pour la véritable indépendance. Notre ennemi c’est la France coloniale des multinationales installées en Afrique, ce n’est ni l’USA, ni l’Allemagne, ni l’Angleterre. La France est le seul pays en Europe qui, grâce aux pays africains, puise des ressources économiques dans le CFA. Chaque fois que les pays africains vendent un produit en dollar sur le marché international , il atterrit dans la banque de France qui retient 65% et retourne les 35% à la BCEAO. La BCEAO perçoit sur ces 35% , 20%, en échange d’une prétendue stabilité de la monnaie. Voilà d’où vient le sous développement du continent Africain. On doit donc lutter pour notre véritable indépendance. Les puissances néo-coloniales font en sorte que chaque jour nous nous opposions : Bété contre Baoulé, musulmans contre chrétiens, etc. Voire même Doza contre Gbagbo. Il faut aujourd’hui que nous, qui avons fait l’école occidentale soyons plus intelligents.

RELATIONS ENTRE LE MPCI ET LE RDR

Comment expliquer la création du MPCI à coté du RDR ?

Bernard Doza :Si je voulais être méchant je dirais que le MPCI pour moi ne peut être que la branche armée du RDR. De fait, quand Soro avait quitté la France en 99, arrivé à Abidjan il avait créé une organisation de jeunesse proche du RDR. Cela veut dire qu’avant même d’être entré dans la clandestinité il était peut être déjà phagocyté par le RDR. Mais j’ajoute aussi que si les jeunes ont clairement décidé de prendre les armes au nord, c’est parce que le régime dictatorial instauré par Laurent Gbagbo, depuis son arrivée au pouvoir (entre le 26 octobre où il a prêté serment et le 19 septembre) totalise au moins 1000 morts.

Houphouet lorsqu’il a massacré 4000 paysans avait eu l’excuse de dire que l’armée avait dépassé ses intentions et que donc, quelque part, il n’en était pas responsable. Mais aujourd’hui en Côte d’Ivoire, on constate, face à la multiplicité des assassinats et des viols, une passivité indéniable du pouvoir qui ne se donne même pas la peine de réprimer. C’est donc que quelque part il y a une complicité. Et cela ne pouvait que mener à l’exaspération actuelle qui pousse les gens à prendre les armes pour lutter contre le pouvoir central.

Il faut donc prendre soin de lutter sur le plan national en tenant compte de ceux qui sont dans l’opposition. Car lorsqu’on ne recrute que dans une région pour faire la révolution, on disqualifie le combat quelques soient les thèmes avancés.

LA DECLARATION DE GUILLAUME SORO AU SUJET DE LA NATION

La déclaration de Guillaume Soro, actuel président du comité politique, , sur la nation en tant que vouloir vivre ensemble est-elle compatible avec vos espérances ?

Bernard DOZA

A Gagnoa, en 1970, a eu lieu une guerre. Un opposant venu de Paris, il s’appelait Jean-Christophe GNANGBE a créé un parti politique à Abidjan . Le PDCI l’a poussé dans ses derniers retranchements en allant l’assigner à Gagnoa.

Le Pouvoir a profité de son état en résidence surveillée pour y envoyer l’armée et a tué 4000 personnes. Est-ce que les Bété de Gagnoa ont pris les armes à cette occasion là ou des éléments Bété dans l’armée ont-ils pris les armes pour se mettre en dissidence et aller à Gagnoa tracer le territoire de l’ouest et dire au pouvoir central du PDCI que nous voulions établir la liberté en Côte d’Ivoire par la lutte armée ? Ce qu’ils sont en train de faire au nord est un dangereux précédent, parce que cela veut dire qu’aujourd’hui s’il faut prendre des armes pour faire passer une idée en Côte d’Ivoire, demain n’importe qui pourra prendre les armes pour défendre sa région . Les Akan sont capables de prendre les armes pour refuser de collaborer avec les gens du Nord, s’il sentent que cela est possible dans une nouvelle constitution. De même pour les gens de l’Ouest. Alors j’ai dit qu’il faut qu’on se batte. La néo-colonie nous a créé en Côte d’Ivoire une république factice. Nous devons malgré tout nous battre sur le terrain de cette république factice pour que devant le peuple, devant les instances internationales et devant les despotes installés par les puissances coloniales dans notre pays , nous puissions arracher la liberté à travers la révolution et que tous, toutes tendances confondues, en payions le prix fort .

Il n’y a qu’à ce prix seulement que le peuple se reconnaîtra dans une libération nationale. Des individus se réclamant d’un mouvement de libération dont l’essentiel se recrute d’une région de la Côte d’Ivoire n’auront pas de légitimité tant que l’autre partie sera frustrée d’avoir été mise devant le fait accompli. Le discours que nous entendons dans le milieu ivoirien est que les Dioula ont été les premiers à jeter les bases de la déchirure . On se souvient qu’en l’an 2000, au lendemain du rejet de la candidature ADO aux législatives, le journal « le Patriote », qui est une création du RDR, avait publié une carte de la Côte d’Ivoire coupée en deux avec comme capitale Bouaké. Lorsque le MPCI a pris le territoire national il a respecté les lignes de cette carte. On a donc l’impression que l’opération était préméditée. C’est pourquoi il est urgent de rappeler que nous sommes ivoiriens et que les ivoiriens doivent respecter l’intégrité du territoire national.

Quelque soit la forme de libération pour laquelle on se bat, au moins soyons d’accord sur l’essentiel : l’intégrité du territoire national. Ceux qui ont pris les armes pour couper le pays en deux donnent l’occasion au dictateur que tout le monde conteste de se légitimer en faisant venir des troupes étrangères dans notre pays pour massacrer ceux là même qu’on a étiquetés comme rebelles mais qui sont en fait une nouvelle génération qui conteste les méthodes de gouvernements que nous ne finissons pas de dénoncer depuis 1980.

DÉMOCRATIE ET PRÉVARICATION EN AFRIQUE

En 1990 l’actuel Président français affirmait au cours d’une visite à Abidjan que « la démocratie est un luxe pour les pays en voie de développement » . Monsieur Doza donne- t-il raison à Monsieur Chirac pour ce qui concerne l’immaturité des peuples africains à gérer des régimes démocratiquement

Bernard DOZA

Quand j’entends les européens parler de la démocratie en Afrique je suis un peu sceptique . Moi je crois beaucoup en l’Afrique. Ce qui nous manque en Afrique c’est le respect des institutions parce que souvent ces institutions ne sont pas élaborées avec l’assentiment de l’ensemble populaire. Et l’interprétation de cette institution amène souvent à la remise en cause du pouvoir en place. Voilà pourquoi je parle de révolution nationale. Car quand le peuple se sera assis autour d’une table pour réécrire les libertés, il aura tendance à respecter ces libertés, parce qu’il aura payé un prix de sang pour elles. Le deuxième point, c’est la société de misère.

Pendant la période coloniale, les colons n’ont pas permis l’émergence de la bourgeoisie en Afrique. La plupart des hommes qui aujourd’hui aspirent au pouvoir en Afrique ont d’abord un problème personnel de préservation économique. Lorsque les gens acquièrent un poste ministériel ils ne pensent plus à l’Etat ni à la Nation encore moins au peuple, ils pensent à puiser dans les caisses de l’Etat. Et l’impunité dont ils bénéficient une fois ce poste perdu accumule les frustrations dans le peuple. Voilà pourquoi la démocratie en Afrique est mal interprétée. Parce qu’on a l’impression que le pouvoir sert à enrichir une partie de l’élite au détriment du grand peuple. Et bien que les gens aspirent au changement, chaque fois que les changements se font on constate que les pratiques ne changent pas. C’est cela le vrai problème de l’Afrique : le respect de la chose nationale et du bien public. Et pour en arriver là il faudra faire une révolution bourgeoise pour que la bourgeoisie nationale qui s’est enrichie avec les deniers publics devienne l’élément moteur du développement. Pour qu’une nouvelle génération issue de cette bourgeoisie prenne le pouvoir et arrête de considérer les caisses de l’Etat comme source d’enrichissement perpétuel.

LE MESSAGE DE BERNARD DOZAL

Monsieur Doza a t il encore des amis dans le pouvoir ivoirien actuel et quel pourrait être sa contribution ?

Bernard Doza

J’ai dit que je suis prêt à discuter avec tous ceux qui veulent parler de la Côte d’Ivoire Mais j’ai une ligne directrice. j’ai fini mes études en 1987, j’ai mon DEA en sociologie politique, et, depuis, j’ai été conseiller de deux chefs d’Etats. J’ai donc un curriculum vitae suffisant pour être ministre ou occuper une fonction d’état. Mais le problème qui se pose est qu’il ne suffit pas d’aller prendre un poste, le plus important c’est de savoir ce qu’on va y faire ?

Je suis un combattant de la gauche nationaliste : si nous arrivons en Côte d’Ivoire qu’est ce que nous voulons : Le Burkina n’est pas notre ennemi , ce n’est non plus le Dioula. Notre ennemi ce sont les Lobbies coloniaux, ce sont eux qui par le biais de 1200 entreprises utilisent notre pays et rapatrient les capitaux sans payer taxes ni impôts. Quand le Général Guei a fait le coup d’état en 99, de Janvier 2000 à décembre 2000, la période où l’on disait que la Côte d’Ivoire était en plein récession, les chiffres d’affaires étaient effrayants. Alors même que les ivoiriens ne mangeaient presque pas, les entreprises française faisaient des chiffres d’affaires qui dépassaient les 20, 30 voire 40 millions de dollars. Quand vous traduisez toute ses sommes en CFA elles sont faramineuses. C’est de cela qu’on parle et aujourd’hui l’enjeu est à ce niveau.

en Côte d’Ivoire les revendications seront les suivantes :

Premièrement : remise en cause des conditions xénophobes du type « pour être candidat en Côte d’Ivoire il faut être ivoirien de père et de mère eux mêmes ivoiriens de souche ». Je dis non à la règle des quatre quartiers, en rappelant qu’elle fut un élément moteur de la révolution française. Pour être candidat en Côte d’Ivoire, il faut avoir sa mère ou son père ivoirien cela est largement suffisant. Quand on veut être Président en Côte d’Ivoire on peut avoir vécu à l’étranger car l’étranger n’est que l’éloignement du pays. Ce qui est important quand on est à l’étranger c’est l’amour que l’on a pour son pays. On peut d’ailleurs tout aussi bien être en Côte d’Ivoire et y avoir vécu toute sa vie sans éprouver d’amour pour son pays. Le fait que l’on vous ait donné un poste de responsabilité et que vous ayez pillé les caisses de l’Etat constitue une forme de traîtrise plus grave encore que le fait d’avoir vécu à l’Etranger.

Il faut donc remettre tout cela en cause dans les institutions. La plupart des jeunes ivoiriens qui sont venus à l’étranger ont épousé des femmes étrangères, et l’on exige que leurs enfants, pour être éligibles, soient de père et de mère ivoiriens de souche ? Il faut revoir cette loi car dans 10 ans, dans 20 ans, elle ne s’appliquera plus au monde moderne. La Côte d’Ivoire est un pays d’immigration que l’on veuille ou pas. Depuis 1932, les colons ont déversé des étrangers africains en Côte d’Ivoire pour bâtir ce pays économiquement . C’est grâce à ces étrangers que la Côte d’Ivoire est aujourd’hui le premier producteur mondial de cacao et le troisième de café.

Je pense aussi qu’au lieu de faire un forum comme nous le propose Monsieur Allassane ouattara , pourquoi ne pas aller à l’Assemblée Nationale ? la prendre à témoin pour qu’elle vote une loi qui permette au Président de la République, Chef de l’Armée et des institutions d’ enlever cet élément indigne de notre constitution ? D’ailleurs de quelle constitution s’agit-il ? une constitution votée sous Etat d’urgence, sous un régime militaire ? alors s’il faut l’amender pour ramener la paix civile en Côte d’Ivoire, il n’y pas de raison qu’on ne le fasse pas.

Quel message fort aujourd’hui pour la jeunesse ?

Bernard Doza

Le message fort que je lance à cette nouvelle jeunesse principalement ivoirienne, c’est que le tribalisme n’est pas une fatalité de l’Afrique. le tribalisme a vécu en Europe. Les nations sont nées malgré lui. Aujourd’hui la Côte d’Ivoire est déchirée. Il faut donc que viennent des hommes de partout, quelque soit leur ethnie et qu’ils disent je suis prêt à mourir pour la Côte d’Ivoire de l’est, du nord, de l’ouest, du sud et du centre. Voilà le message fort. :

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